Par le Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’occupation d’Haiti (REHMONCO), Presses toi à gauche, publié le 26 mai 2020
Depuis l’annonce des premiers cas de covid-19 en Haïti, le régime néo-duvaliériste Pati Ayisyen Tèt Kale (PHTK) se lance dans une nouvelle campagne de propagande et de répression politique. Il feint de prendre des mesures de protection de la population en imposant le confinement alors que, dans les faits, il n’existe pas de programme cohérent de gestion de la crise sociale et sanitaire. Ce déficit s’exprime, entre autres, par l’incapacité manifeste des pouvoirs publics d’évaluer le niveau de propagation de l’épidémie dans le pays puisqu’il n’existe pas de campagne massive de dépistage de la maladie. Plus de deux mois après l’apparition du virus, l’État ne parvient même pas à effectuer trois milles tests de dépistage pour une population de douze millions d’habitants.
De surcroît, outre l’incapacité de dépister la maladie, les principaux centres hospitaliers du pays continuent à fonctionner dans le plus grand dénuement. Ils reçoivent des malades dans les services respectifs alors que le personnel médical ne dispose même pas de moyen de tester les patients. Cette irresponsabilité de l’État entraîne des conséquences tragiques : la contamination aussi bien des personnes hospitalisées que du personnel soignant dans les différents centres hospitaliers du pays.
Malgré cette situation, les autorités poursuivent leur campagne de propagande. La rhétorique démagogique de Jovenel Moise promettant trois mille gourdes à chaque citoyen ne fait que renforcer l’image d’une présidence bouffonne et ridicule.
Toutefois, la pandémie sert bien à quelque chose à ce régime néoduvaliériste : les mesures de confinement et de couvre-feu justifient au quotidien des actes violents contre toutes dissidences politiques. Cette répression s’étend non seulement aux quartiers populaires, mais également aux organisations des droits humains, aux militantes féministes, aux syndicalistes, aux opposants politiques, etc.
Dans le cadre cette chasse aux sorcières, les forces répressives policières et les sbires du régime poursuivent sans la moindre hésitation les assassinats. À la veille de la célébration de la naissance du drapeau, le jeune charismatique militant Ganard Joseph a été lâchement assassiné. Le lendemain, le 18 mai 2020, les unités spécialisées de la police nationale ont férocement molesté et arrêté plus d’une dizaine de militants, dont Patrice Ceslestin, le syndicaliste Josué Méridien, le membre fondateur du Mouvement Démocratique et Populaire (MODEP) Guy Numa, etc. Ajouté à cela, les locaux du Réseau National De Défense des droits humains (RNDDH), l’un des principaux organismes de droits humains dans le pays, ont été mitraillés une semaine auparavant tandis que ses dirigeants sont la cible de menaces et d’actes d’intimidation.
Derrière cette répression « tous azimuts » pour réduire au silence toute dissidence politique dans le pays se trouve cette volonté de continuer de mater et d’écraser les revendications des classes populaires. La bourgeoisie compradore et subalterne continue, avec la protection du gouvernement, à exploiter, à sucer impitoyablement le sang des ouvriers, des ouvrières dans les ateliers de misère. En dépit des risques de contamination, les usines de la sous-traitance sont autorisées et obligées à fonctionner pour répondre aux besoins du matériel sanitaire aux États-Unis, et cela sans aucune mesure efficace de protection de la santé des travailleurs, travailleuses.
Selon certaines informations, la maladie s’y propage déjà, et comme le droit aux congés de maladie rémunérés n’est pas garanti, les ouvriers, ouvrières se trouvent dans l’obligation de rester dans leur poste de production même s’ils sont gravement malades. Rien d’étonnant à cela car les conditions macabres de travail auxquelles sont sujets les travailleurs et les nombreuses maladies qui en résultent n’ont jamais été le souci de la bourgeoisie sous-traitante. Comme à l’époque de l’esclavage, cette main-d’œuvre est corvéable jusqu’à ce que la mort s’ensuive puisque l’armée des chômeurs est là pour suppléer.
Tout cela nous montre clairement que l’épidémie ne change rien dans l’exploitation à outrance des classes populaires et dans l’oppression politique. Elle permet néanmoins de mieux comprendre les mécanismes de domination de cet État néocolonial. C’est pourquoi même en pleine épidémie la lutte est essentiellement politique, même si le souci immédiat est d’accorder une place importante au développement de la médecine traditionnelle naturelle dans le combat contre la maladie. Dans la saga de cette lutte polyforme, il est important pour les classes opprimées de continuer à construire les outils politiques et organisationnels nécessaires à la poursuite de la lutte pour le renversement de l’État bourgeois néocolonial en Haïti.
À ce stade de notre histoire et de celle des peuples de l’Amérique latine et des Antilles, il est primordial d’unir nos forces, notre énergie et notre intelligence pour construire ensemble les États-Unis socialistes de la Caraïbe et de l’Amérique latine sous le leadership direct des travailleurs et des travailleuses.