Table de concertation pour Haïti, Lettre ouverte au Gouvernement canadien, 7 janvier 2020
Le kidnapping est devenu inquiétant en Haïti et c’est désormais tous les jours que des personnes sont enlevées, séquestrées et libérées contre rançon, ou exécutées si la famille ne réussit pas à satisfaire aux demandes des ravisseurs. Les bandits opèrent sans crainte, les autorités faisant preuve d’un laxisme suspect. Ce n’est là qu’une des dérives inquiétantes de l’actuel régime qui devient de plus en plus autoritaire, ayant démoli au cours des dernières années les contrepouvoirs, aussi bien législatifs que judiciaires, et fonctionnant uniquement par décrets (une quarantaine au cours de l’année 2020).
Le parti au pouvoir fait tout pour prolonger son règne, en dépit du mécontentement de la grande majorité de la population. L’actuel président voudrait prolonger son mandat d’un an, en vertu d’une interprétation de la Constitution rejetée par les spécialistes. Il voudrait utiliser cette année supplémentaire pour adopter une nouvelle Constitution et procéder à des élections législatives sous son contrôle.
Les différents secteurs de l’opposition et de la société civile veulent plutôt la mise en place d’un gouvernement de transition à compter du 7 février 2021, date prévue par la Constitution pour le départ de l’actuel président. Ce gouvernement devrait avoir un mandat d’au moins deux ans pour travailler à l’adoption d’une nouvelle constitution selon les vœux de la population, préparer de nouvelles élections, adopter un plan pour soulager les misères de la population, commencer à remettre de l’ordre dans l’administration publique, et remettre en marche le système judiciaire.
Il est à noter que dans l’histoire récente d’Haïti, cette formule de gouvernement de transition a déjà été utilisée. Ainsi, les élections de décembre 1990 furent réalisées par un gouvernement de transition présidé par une juge de la Cour de cassation. L’actuel président est arrivé au pouvoir suite aux élections de 2016 qui furent, quant à elles, tenues sous le gouvernement d’un sénateur agissant comme président provisoire, son prédécesseur ayant négligé de tenir les élections législatives. Une transition sous l’égide de la société civile est donc parfaitement envisageable.
La nouvelle administration américaine, qui doit prendre le pouvoir à Washington le 20 janvier prochain, a annoncé un changement de cap en ce qui concerne la situation politique en Haïti. Des membres du Congrès des États-Unis ont déjà annoncé leur appui à cette stratégie d’une transition politique et déclaré leur intention de demander le soutien des alliés et des institutions internationales en vue d’appuyer le peuple haïtien dans ses revendications pour le respect de ses droits fondamentaux.
Nous demandons au gouvernement du Canada d’adopter également dans ce dossier une démarche conforme à sa tradition et à un axe fondamental de sa politique internationale.
Elisabeth Garant, Hélène Gobeil, Jean-Claude Icart, Marie Marsolais, Marlène Rateau
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