Haïti – la nécessité de la lutte organisée

TopSphere Media, Publié le 19 Janvier 2019,

Renel Exentus et Frank W. Joseph, pour le Regroupement  des Haïtiens de Montréal contre l’Occupation d’Haïti – REHMONCO

Depuis plus trois semaines, les classes populaires se mobilisent contre l’ordre de la terreur instauré dans le pays depuis 16 novembre 2018. Au cours de la journée du 7 février de cette année, des centaines de milliers de personnes ont investi les rues de plusieurs villes du pays pour demander le départ du Premier ministre de facto Ariel Henry. Cette date est emblématique parce qu’elle marque le trente-huitième anniversaire de la chute de la dictature des Duvalier.

Rappelons que la lutte pour renverser la dictature visait également à changer l’État haïtien qui, pendant plus de 200 ans, reproduit la misère, l’exclusion et l’oppression. Un État qui, depuis 1915, est totalement assujetti aux seuls intérêts de l’impérialisme étatsunien. C’est cet État, aujourd’hui en pleine décomposition, qui s’est transformé en un État-voyou, dirigé par un régime dont l’appui aux gangs criminalisés n’est plus à démontrer. Cet État, malgré sa déliquescence, est maintenu en vie grâce au soutien inconditionnel de l’impérialisme étatsunien et de l’oligarchie.

Cet État-voyou est donc nécessaire à la continuation de la domination et au pillage des ressources du pays. C’est pourquoi la répression est essentielle pour que l’impérialisme étatsunien et l’oligarchie puissent continuer à préserver leurs intérêts. Et c’est dans ce sens que l’on doit comprendre le rôle joué par les gangs aujourd’hui.

Les classes populaires sont conscientes que la montée en puissance de ces gangs criminels fédérés est objectivement liée aux intérêts de l’oligarchie et de l’impérialisme. En facilitant et finançant le développement des gangs dans les principaux centres urbains du pays, les oligarques et le gouvernement de facto  souhaitent neutraliser toutes mobilisations contre la misère, l’absence de services publics, de santé, d’éducation, etc.

De jour en jour, la répression par le truchement des gangs atteint de nouveaux sommets. Pour l’année 2023, plus de 8000 personnes sont assassinées ou kidnappés. À l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, suite aux attaques des gangs, au moins 100 000 personnes sont contraintes de fuir leur maison. Au mois de janvier 2024 uniquement, plus de 1800 personnes sont assassinées dont la moitié sont des enfants (Selon l’UNICEF).

Aujourd’hui, une évidence s’impose à nous : le gouvernement de facto restera au pouvoir aussi longtemps que ses tuteurs étrangers et de l’oligarchie lui intimeront l’ordre d’y rester. Une autre réalité nous semble également évidente : les propositions soumises par des groupes de la société civile de trouver « une solution haïtienne pacifique » à la crise ont atteint les limites objectives qui étaient inscrites dans la démarche de ces groupes dès le début. L’impérialisme n’entend négocier avec personne et n’entend faire aucun compromis touchant sa domination et ses intérêts. Et, il est important de le répéter : la forme de la domination impériale aujourd’hui exclut toutes formes de démocratie représentative formelle, d’institutions d’un État souverain et démocratique. Pour l’impérialisme, la domination doit être totale.

Mais pour qu’elle soit totale, cette domination doit s’appuyer sur une violence totale. Voilà pourquoi il est impératif que les classes populaires s’organisent pour construire une résistance totale face à cette violence. Le temps des manifestations spontanées de masse uniquement nous semble révolu.

Aujourd’hui, le temps est à la construction de la lutte organisée à court, à moyen et à long termes!

Renel Exentus et Frank W. Joseph, Montréal, le 18 février 2024

Contact: rehmoncohaiti1915@gmail.com