Collectif
Nous, organisations et personnalités haïtiennes signataires, tenons à renouveler nos considérations antérieures à la veille de la rencontre décisive du 15 septembre du Conseil où vous aurez, à partir d’une proposition de résolution émanant des États-Unis d’Amérique, à vous pencher sur la question de l’envoi ou non en Haïti d’une «Force multinationale» qui aurait comme mission fondamentale de «combattre» les gangs armés. Nous avons également l’honneur de vous transmettre la copie de deux récentes correspondances adressées respectivement à l’Union Africaine et au Représentant de la Fédération de Russie, correspondance présentant un tableau actualisé de la situation.
Honorables Membres du Conseil de Sécurité
La situation tragique vécue au quotidien par d’innombrables familles haïtiennes suite à l’instrumentalisation de ces gangs nous porte à insister sur les faits suivants:
1. Le mépris par le gouvernement étatsunien de la résolution du Conseil de sécurité (2653/2022)
Un rapport de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) rendu public en mars 2023 confirme que les armes et munitions utilisées par les gangs proviennent en particulier des États-Unis d’Amérique, à partir de l’État de Floride. Ce qui revient à dire que les USA, à la manœuvre pour l’envoi d’une telle force et concepteur de cette proposition de résolution aux fins d’obtenir le mandat de l’ONU, a visiblement une accablante responsabilité dans l’acheminement d’armes et de munitions aux gangs qu’ils entendent paradoxalement nous aider à combattre par le biais de ladite force multinationale.
À souligner que la Résolution 2653 adoptée par le Conseil de sécurité le 21 octobre 2022 interdit le trafic d’armes des États-membres de l’ONU vers Haïti. Onze mois après le vote d’une telle résolution aussi salutaire pour le Peuple Haïtien terrorisé par les gangs, comment comprendre son non respect flagrant par les USA, un État-membre de l’ONU, qui l’avait également votée ?
2. L’indifférence de l’ONU concernant l’application des principes fondamentaux de sa propre charte
Au préambule de la Charte des Nations Unies Il est écrit, entre autres :
«Nous, Peuples des Nations Unies, résolus (…) à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites… »
Au chapitre I: Buts et principes, article 1, point 2, il est précisé que les buts des Nations Unies sont de : « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde; »
A l’article 2, points 1 et 4, nous lisons : « L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres …Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies»
S’agit-il d’actions conformes aux principes inscrits dans sa Charte quand l’ONU accepte:
- d’appuyer le gouvernement illégitime de facto d’Ariel Henry avec un mandat indéfini
- d’accepter une demande d’occupation de ce même usurpateur de titre qui n’a ni qualité ni provision légale l’autorisant à engager notre pays dans une telle démarche qui représente au regard de la Constitution haïtienne un crime de haute trahison (Art.21.1)
- d’observer un silence assourdissant sur la complicité manifeste et révoltante d’Ariel Henry avec les gangs armés. De janvier à aout 2023, la violence accrue des gangs armés en mission commandée a déjà causé plus de 2400 morts[6] parmi nos compatriotes.
En outre, au nom de quelle intégrité et moralité publique l’ONU peut-elle désormais se prévaloir en signant et validant la présence d’une nouvelle mission d’occupation alors que ses mains sont encore lourdement empreintes du sang des trente mille Haïtiens-Haïtiennes victimes du crime de choléra perpétré par la Mission dite MINUSTAH. Trop c’est trop ! Notre pays a déjà vécu diverses expériences amères d’occupation étrangère qui sont en majeure partie à l’origine de l’aggravation vertigineuse de la situation actuelle.
Honorables Membres du Conseil de Sécurité
Imaginez un instant :
- Le scénario où les gangs seraient totalement coupés de leurs principales sources d’approvisionnement en armes et minutions. Ils seraient ipso facto affaiblis et rendus ainsi incapables de terroriser le peuple, de consolider cette situation chaotique justifiant le déploiement inutile de cette force d’occupation que les USA et alliés tiennent à nous imposer – Le simple fait de l’obtention du respect par les Etats-Unis d’Amérique de la Résolution 2653(2022) adoptée depuis octobre 2022 par le Conseil de Sécurité relative à l’interdiction du trafic d’armes vers Haïti. Cela permettrait de diminuer rapidement la violence des gangs ;
- la suspension immédiate de l’appui international inqualifiable au gouvernement de facto d’Ariel Henry assurant aux gangs terroristes cette entière impunité et protection qui les rendent si puissants et si destructeurs. Ainsi, combattre les gangs sans recours inutile à l’intervention étrangère deviendrait facile;
- l’obtention de la garantie d’un support international sans faille à l’avènement à la tête de notre pays d’une nouvelle équipe gouvernementale composée d’hommes et de femmes politiques de caractère, honnêtes, intègres qui ne seraient/seront pas de connivence avec les gangs armés, à l’instar de l’actuel gouvernement de facto. Ce serait la matérialisation d’une solidarité internationale agissante bénéfique qui conduirait Haïti vers une issue heureuse ;
- la concrétisation de l’épuration de la Police Nationale d’Haïti gangstérisée et une véritable entente internationale relative au soutien concret à accorder à la nouvelle Police épurée garantirait, à coté d’autres mesures sociales, une sécurité certaine.
La considération, entre autres, de ces cinq points relatés suffit à changer radicalement la donne et à ramener la sécurité et la paix durable en Haïti. Donc point n’est besoin dans ce cas d’envisager une intervention militaire étrangère pour parvenir à combattre systématiquement ces gangs armés qui sèment la terreur et empoisonnent la vie du peuple.
Honorables Membres du Conseil de Sécurité,
- Voter une résolution octroyant un mandat habilitant les USA et alliés à déployer dans notre pays, dans ces conditions, une force d’occupation est une violation de la charte de l’ONU, fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres. Haïti comme les USA est un pays membre. Elle doit bénéficier au même titre de ce principe de l’égalité souveraine.
- Voter cette résolution qui sera proposée le 15 septembre par les USA c’est se désolidariser de cette proclamation solennelle reconnaissant l’égalité de droits des nations, grandes et petites.
- Voter une telle résolution c’est recourir à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique d’Haïti. Cela est de fait incompatible avec les buts des Nations Unies.
- Enfin, voter une telle résolution c’est renoncer aux buts et principes consistant notamment à « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes »[7]
Honorables Membres du Conseil de Sécurité
Nous, organisations et personnalités signataires, voulons, en ce moment difficile et tragique de notre histoire, compter sur votre sens élevé de solidarité, votre attachement indéfectible aux valeurs cardinales fondant l’ONU et voulons garder la ferme conviction que vous ne manquerez pas de prendre une position en faveur de la souveraineté du Peuple Haïtien et donc contre toute résolution violant son droit à l’autodétermination.
Suivent les signatures :
- Alternative Socialiste (ASO) / Jean Hénold Buteau et Jean-Paul Bastien
- Mouvman Nasyoal Kongrè Papay/ Chavannes Jean-Baptiste
- ALBA MOVIMIENTOS, Chapitre Haïti /Islanda Micheline Aduel
- Coalition Haïtienne au Canada Contre la Dictature en Haïti/ Alain Saint-Victor et Chantale Ismé
- Michel Frantz Grandoit, prêtre engagé
- Comité Democràtico Haitiano en Argentina / Henri Boisrolin
- KONAKOM, Dunois Erick Cantave
- Alain André/ Citoyen engagé
- Initiative Citoyenne de New York/ Daniel Hutttinot
- Bureau des Avocats Internationaux/ Mario Joseph
- Joël Léon, Journaliste engagé
- NEHRO / Josue Renaud
- Me Jean Oreste Junior Appilar Morin
- Réseau caribéen Panafricanistes / Mirtha Desulme
- Mouvement des Jeunes carrefour feuilles / Joseph Fenel
- Inisyativ Patriyòt Maryen (IPAM) / Hugues Célestin
- Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen / Origène Louis
- Sek Makandal/Wendy Mentor
- Esklav Revòlte / Jean Wilgins Charles
- Latibonit Kanpe pou Ayiti (LAKAY) / Rigaud Velumat
- Grandans Reveye / Legagneur Bouchensky
- PPN / Bernadin Kény
- Georges Eddy Lucien / citoyen engagé
- James darbouze / citoyen engagé
- Òganizasyon Feminis Danto / Vanessa Jeudi
- BRIGADA DESSALINES / Ricardo Cabaño
- RENOUVO DEMOKRATIK/ Alain Zephir
- Rezistans pou Ayiti / Patrice Célestin
- Sendika Anseyan Sen Rafael/Elisca Jeome
- Rezo Oganizasyon Zòn Lwès /Mirtha Elie
- Mouvman Revolisyonè pou Liberasyon Mas yo (MORELIM) / Nelio Petit-Homme
- COMIPOL/ Ernso Ertilus et Julio Fils Cham
- Union Nationale des Normaliens-nes d’Haïti (UNNOH) / Péguy Noel
- Kolektif Solidarite, Idantite ak Libète (KSIL) / Rudy Prudent
- Haitian Global XChange/Jimy Mertune
- Konbit Ayisyen pou Lojman Altènatif (KAYLA) / Francia Pierrette
- KOPI / Raimy Ysmael
- Inisyativ 109 / Luckner Jabouin
- Louis Francois Belony/ Citoyen engagé
- Union Syndicale des Transporteurs Haïtiens (USTRAH) / Venès Junior Many
- Asosyasyon Viktim Masak Leta nan Katye Popilè yo (AVIMEKP) / Nevelson Jean-Baptiste
- Antèn Ouvriye / Reyneld Sanon
- Nou se Dorval / Iswick Théophin
- Rezo Òganizasyon Nòdwès / Kerby Joseph
- MODÒD / Jose Félix
- Rezo Òganizasyon Marigo / Lainé Louis
- AJ3L / Kerly Dubréus
- PREPLA/ Nicolas Pierre-Louis
- Platfòm Oganizasyon pou Ideyal Bwawon Tonè / Hugues-Capè Mondésir et James Francisque
- FGPB / Edmond Jean-Paul
- SECD / Georges Réginald
- MOSSOH / Gary Lindor
- Rasanbleman Fanm Peyizan Aken / Louise Marie Naissant
- Kowòt Patriyotik / Francisco Alcide
- MOPDES –Nòdès / Astride Noel
- OJPDCP-NIPPES / Simon Wallan
- Cercle Grégory Saint-Hilaire / Cilien Luxenat
- Armand Joseph Jules / Citoyen engagé
- SITWAYEN / Gustave Augustin
- Fòs Dèlma 32 / Clerveaux Fritznel
- Sèk Janil / Wasly Simon
- Baugé mon cœur/citoyen engage
- PLANARE / Victor Charidieu
- Kolektif medsin tradisyonel / Berthony Jean Charles
- MSTH-ROZO / Mario Maisonneuve
- ASJPCH / Luckner Chéry
- ESKANP/ Mario Coty
- FOSYNPO/Gedeon Junior Georges
- FRAKKA/ Francois Philippe
- ZOULA/ Pierre Dieudonné Delice
- Òganizasyon Konbit Aksyon Popilè / James Francisque
- Schneider Alcereste / NOUVOLIB
- Kolektif Atis Angaje (KATAN) / Kébert Bastien
- Konbit Òganizasyon Sendikal, Politik ak Popilè / Josué Mérilien
- Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) / Camille Chalmers
- MOLEGHAF / David Oxygène
- Mouvman Leve Kanpe pou yon Lòt Endepandans / Patrick Joseph
Pour authentification : Camille Chalmers / PAPDA, Rudy Prudent / KSIL, Josué Mérilien / KONBIT
Notes
- [1] https://news.un.org/fr/story/2023/03/1132912
- [2] https://www.un.org/securitycouncil/fr/sanctions/2653#current_measures
- [3] https://www.oas.org/xxxivga/french/reference_docs/carta_nu.pdf
- [4] ibid
- [5] ibid
- [6] https://www.tdg.ch/violences-en-haiti-les-gangs-ont-fait-plus-de-2400-morts-en-2023-447484127786
- [7] bid