Alors que le gouvernement de facto d’Ariel Henry a décidé d’augmenter le prix des carburants à plus de 100% au début du mois décembre, il n’a pris aucune disposition pour ajuster le salaire des travailleurs, rongé par une inflation galopante. Dans le cas des ouvriers et ouvrières du secteur de la sous-traitance, l’ajustement du salaire remonte à 2019. Depuis lors, les ouvrières et ouvriers ont perdu plus de 50% de leur pouvoir d’achat, suite aux taux d’inflation annuels de plus de 24 %.
Au cours des deux dernières semaines du mois février 2022, les syndicats ouvriers ont lancé une mobilisation pour dénoncer les mauvaises conditions de travail et exiger une augmentation substantielle de du salaire minimum. Dès la première manifestation, le gouvernement de facto d’Ariel Henry et ses nouveaux alliés ont envoyé plusieurs unités de la police nationale qui ont procédé à une répression sauvage des manifestants.
Certains ont été giflés par des policiers en cagoule, d’autres asphyxiés par une pluie de gaz lacrymogène. Cette police était pourtant invisible lors des manifestions en pleine rue des gangs armés.
De surcroit, des civils armés attachés au service d’institutions publiques, dont l’Office National d’Assurance vieillesse (ONA), ont tiré à bout portant sur les manifestants. Cette sauvagerie témoigne de l’obsession du régime PHTK à défendre servilement les intérêts de la bourgeoisie haïtienne et des firmes multinationales qui tirent des profits énormes du maintien du faible salaire des travailleurs et des travailleuses.
Cette exploitation impitoyable de la main d’œuvre ne se limite pas à un salaire de misère, qui ne permet même pas aux ouvriers et ouvrières de reproduire leur force de travail. Elle s’étend également à des conditions de travail mortifères.
Le travail s’effectue dans des conditions sanitaires exécrables : dans l’usine, l’eau potable n’existe pas et les toilettes, si elles existent, sont inabordables, vu la saleté et les puanteurs qui s’y dégagent. Les journées sont allongées indéfiniment conformément aux objectifs de productions des patrons.
Le ministère des affaires sociales qui devrait surveiller à l’application des normes du travail se transforme littéralement en avocat du patronat. En un mot, dans le secteur de la sous-traitance, toutes les conditions sont réunies pour gruger au maximum la force du travail de la classe ouvrière haïtienne.
L’objectif étant d’accroitre exponentiellement la richesse des multinationales et de l’oligarchie, cette dernière servant de gestionnaire dans ces ateliers de misère.
Car, il faut bien le souligner : ce niveau d’exploitation de la main d’œuvre n’est comparable qu’à l’esclavage. De l’autre côté de la frontière en République dominicaine, le salaire minimum est le triple de celui d’Haïti. Le taux d’inflation est longtemps plus élevé en Haïti qu’en République dominicaine. Pour l’année 2021, il a atteint 24,6% en Haïti et à peine 7,8% en République dominicaine.
Par ailleurs, dans le secteur de la production agricole, l’oligarchie et les multinationales font tout pour déposséder à grande échelle des petits paysans dans plusieurs régions du pays. C’est le cas par exemple dans les départements du Nord, de l’Artibonite et de Plateau central où plus de 8000 hectares sont octroyés à la compagnie Apaid et associés pour la production de stevia au profit de la multinationale Coca-Cola. Dans le Nord-est, le régime PHTK a exproprié des petits cultivateurs pour développer des zones franches agroindustrielles et de textile, dont CODEVI, AGRITRANS, Parc Caracol (1).
Comme à la fin du XIXème siècle, ces travailleurs expropriés se voient obligés, pour survivre, de vendre leur force de travail dans des compagnies qui occupent leur ancien espace de production (2).
C’est à la lumière de ce prisme d’exploitation à outrance de la main d’œuvre et de l’expropriation de la paysannerie qu’il faut comprendre l’obsession des puissances impérialistes, dont le Canada, les USA et UE, à soutenir la bourgeoisie haïtienne et les bandits légaux du PHTK au pouvoir. L’objectif de ces puissances est clair: empêcher toute participation des masses populaires dans l’orientation politique et économique du pays.
Face à cette situation, nous dénonçons avec force et détermination la répression du gouvernement de facto d’Ariel Henry contre les travailleurs et les travailleuses qui revendiquent un salaire minimum de 1500 gourdes ($14 US) pour une journée de travail.
La lutte de la classe ouvrière haïtienne est aussi celle de tous les groupes opprimés sujets à la violence, à la répression, à l’exclusion et à la marginalisation.
La solidarité est à l’ordre du jour. Seule la mobilisation des classes opprimées peut créer les conditions pour amener des réformes démocratiques dans la société haïtienne.
Renel Exentus,
Frank W. Joseph
Montréal, le 20 février 2022
Contact: rehmoncohaiti1915@gmail.com
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- Pour plus de détails, voir https://ayibopost.com/vaste-operation-de-vol-de-terrain-dans-le-nord-est/
- Voir Paul Moral, L’économie haïtienne, l’imprimerie de l’État, Port-au-Prince, Haïti, 1959