Walner Osna, 6 mars 2021
Assassinats, enlèvements, vols, viols, massacres d’État, répression systématique et persécution politique sont les principaux traits caractéristiques du climat d’insécurité instauré en Haïti depuis plusieurs années. La situation s’aggrave encore de jour en jour. Alors que le pouvoir de facto de Jovenel ne fait rien et la police nationale d’Haïti devient la milice du pouvoir. Elle n’est efficace et puissante que lorsqu’il s’agit de traquer les mouvements populaires et les opposant-e-s politiques au régime dictatorial. Le phénomène d’insécurité est plutôt un choix gouvernemental d’établir un climat de terreur afin d’empêcher les mobilisations populaires contre le régime dictatorial de Jovenel Moise qui a pris d’assaut le pouvoir politique en Haïti depuis 7 février 2021. Dans cette conjoncture, tout laisse croire que le phénomène d’enlèvement contre rançon (kidnapping) qui ravage la société haïtienne ne s’en démarque pas.
On enregistre environ cinq enlèvements par jour (EDITORIAL —El chantaje haitiano | Listín Diario (listindiario.com)) et l’ONU a reconnu qu’au cours de l’année 2020, le phénomène d’enlèvement a connu une augmentation de 200 %. Le quotidien haïtien Le Nouvelliste rapporte en ce sens que : « Au cours des 12 derniers mois, les enlèvements se sont multipliés de façon inquiétante, leur nombre ayant augmenté de 200 % par rapport à l’année précédente : 234 cas ont été signalés en 2020 (dont les enlèvements de 59 femmes et 37 mineurs), contre 78 en 2019 », a révélé le secrétaire général de l’ONU dans son rapport devant le Conseil de sécurité de l’ONU » (Le Nouvelliste —Les cas de kidnapping ont augmenté de 200 % ces 12 derniers mois, a révélé l’ONU). À ce propos, le titre de ce même quotidien paru le 3 mars 2021 est révélateur : « Au moins cinq personnes enlevées en une journée à Pacot » (Le Nouvelliste —Au moins cinq personnes enlevées en une journée à Pacot). Il faut noter qu’aucun des otages n’a été libéré par la police, au contraire, des proches des victimes témoignent que la police les encourage à négocier avec les criminels et les enlèvements se font très souvent avec des véhicules immatriculés Service de l’État ou officiel… En plus, des autorités proches du pouvoir illustrent clairement que le kidnapping est une affaire d’État. Le scandale de l’enlèvement de deux citoyens dominicains et un citoyen haïtien le 20 février 2021 est un fait probant.
Malgré les autorités policières et gouvernementales savaient clairement où se trouvaient les victimes, aucune intervention policière n’a été faite. Au contraire, selon le journal dominicain Listin Diario dans l’article ci-haut mentionné, El chantaje haitiano, le pouvoir de facto de Jovenel Moïse essayait de faire du chantage avec la libération des deux ressortissants dominicains enlevés en Haïti contre l’extradition d’un opposant politique qui se trouve en République dominicaine, l’ex-maire de Port-au-Prince, Youri Chevry. La relation directe du pouvoir avec cette affaire de kidnapping allait être établie plus clairement après la libération de ces victimes. Ainsi, après environ huit jours de séquestration par les criminels, ces deux dominicains et le citoyen haïtien ont passé environ deux jours à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) dans des conditions inacceptables. Est-ce le jeu de chantage qui se poursuivait ? Les trois victimes ont été récupérées de la main des criminels par une ancienne directrice du pouvoir de facto pour être remis à la DCPJ, madame Magalie Habitant. Le journal Le Nouvelliste rapporte que : « C’est à l’angle des rues Capois et Chavannes que les ravisseurs des trois employés de Muska Films les ont livrés à un véhicule qui les attendait. Au volant de cette voiture de marque Prado se trouvait l’ancienne directrice générale du Service national de gestion des résidus solides (SNGRS), Magalie Habitant » (Le Nouvelliste — Les péripéties de trois kidnappés). Voici les propos de cette ancienne directrice recueillie par le même journal : « Pour l’histoire et pour la vérité, j’étais chez moi, on m’a appelée pour me demander un service parce qu’on allait les déposer à la rue. J’ai dit non, on ne doit pas les laisser dans la rue. Je me suis rendue personnellement sur les lieux pour les récupérer ». […] Une instance concernée qui entreprenait des démarches pour leur libération, laquelle n’étant pas prête sur-le-champ, et m’a alors appelée puisque nous étions tous ensemble sur le terrain à multiplier les démarches pour obtenir leur libération. L’instance concernée m’a demandé si je pouvais lui rendre un service et passer les prendre pour les conduire à la DCPJ parce qu’il fallait qu’ils soient entendus par celle-ci ». Si madame Habitant avait refusé de dire qui est cette instance concernée qui a négocié avec les criminels la libération des victimes, Jean Rebel Dorcena qui avait déclaré avant que la fédération des gangs sous la dénomination de G9 en famille alliés était une œuvre du pouvoir à travers la Commission nationale dite de désarmement mise en place par Jovenel Moise (Un officiel Tèt Kale révèle l’implication du pouvoir dans la création du G9, la Fédération des gangs de Barbecue | Rezo Nòdwès (rezonodwes.com)) a avancé des éléments de réponse rapportés par le journal en question : « Jean Rebel Dorcénat, membre de la CNDDR a confirmé sur radio Magik9 que la CNDDR avait effectivement négocié la libération de ces trois messieurs enlevés par le gang de Grand-Ravine. Cependant il affirme n’avoir versé aucune rançon pour leur libération. M. Dorcénat a souligné que la Commission n’était pas la seule instance impliquée dans les négociations… ». Nombreux sont les faits qui montrent que le pouvoir contrôle ce phénomène d’insécurité et l’instrumentalise au détriment des droits fondamentaux du peuple haïtien à des fins politiques pour maintenir la dictature.
Dans le massacre de La Saline de novembre 2018 où soixante-onze personnes ont été tuées, les organisations haïtiennes de droits humains et l’ONU ont noté la participation des autorités et proches du pouvoir comme Fednel MONCHERY, directeur général du ministère de l’Intérieur et des collectivités territoriales ; Joseph Pierre Richard DUPLAN, Délégué départemental de l’Ouest ; Jimmy CHERIZIER alias Barbecue, ancien agent de la PNH et un responsable de la fédération des gangs (massacre_saline.pdf [pfhs.ch] ; minujusth_hcdh_rapport_la_saline_1.pdf [unmissions.org]). Environ un an après a eu lieu le massacre de Bel-Air, soit en novembre 2019, au moins vingt-quatre personnes assassinées, cinq ont été blessées par balles, vingt-huit maisons, sept voitures et quatre motocyclettes incendiées. Encore une fois des autorités gouvernementales sont indexées : « Selon des informations recueillies sur le terrain, le ministre de l’Intérieur et des collectivités territoriales, Pierre Josué Agénor CADET a été la première personnalité du gouvernement à être entrée en contact avec des jeunes de la zone de Bel-Air dans le but de leur demander de mettre fin à leur mouvement de protestation et de laisser aux autorités le soin de lever les barricades. Il n’a pas réussi à les convaincre » (RNNDH, 2019, P.14) et « Il est reproché au Secrétaire d’État à la sécurité publique, Léon Ronsard SAINT-CYR d’avoir engagé le chef de gang Jimmy CHERIZIER alias Barbecue pour nettoyer la région métropolitaine de Port-au-Prince et prendre le contrôle de Bel-Air afin d’empêcher la poursuite des rassemblements antigouvernementaux. Il lui a promis, pour la réalisation de cette tâche, une forte somme d’argent de laquelle, Jimmy CHERIZIER alias Barbecue a déjà reçu une partie en liquide ainsi que plusieurs motocyclettes » (RNDDH, 2019, P.15) (6-Rap-Massacre-Bel-Air-17Dec2019.pdf [rnddh.org]). Aucun doute ne plane plus sur la relation du pouvoir en place avec les gangs armés qui sèment la terreur dans le pays. Certains bandits armés circulent dans des chars blindés appartenant à la police nationale, d’autres utilisent des voitures officielles, c’est-à-dire au service de hauts dignitaires de l’État, pour commettre leurs forfaits (Le Nouvelliste — Le RNDDH établit le lien entre le pouvoir et des gangs).
En nommant Léon Charles comme directeur de facto de la police nationale, le pouvoir a transformé cette institution en une simple milice à son service. La police devient un corps armé inféodé à ce pouvoir de facto. Sa principale mission est désormais de mater toutes formes de contestation populaires qui réclament le droit à la vie et dénonce la dictature de PHTK. Ainsi, des dizaines de personnes sont victimes des représailles de la police/milice, elles sont blessées, arrêtées et emprisonnées arbitrairement, voire tuées simplement. Même l’ONU a reconnu que le caractère mortifère de la police en Haïti (Haïti : au moins 42 morts dont 19 tués par la police depuis mi-septembre | JDM (journaldemontreal.com)). Les mobilisations populaires sont violentées par la police et d’autres gangs armés du pouvoir. Par ailleurs, la police protège gentiment les gangs armés du pouvoir qui manifestent librement sans peur ni crainte dans la capitale (Haïti-Insécurité : Multiplication des actes de kidnapping, en dépit des dispositions gouvernementales annoncées [alterpresse.org]). Donc, tous ces faits illustrent clairement qu’on est en face d’une situation dictatoriale, un État bandit et criminel qui fait remémorer les jours sombres du régime sanguinaire des Duvalier (The disturbing similarities between the Duvalier regime and the administration of Jovenel Moise – AyiboPost).
La libération du pays de ce marasme passe nécessairement par la mise à l’échec de cette dictature destructrice, rétrograde et antipopulaire du PHTK. Les mouvements populaires haïtiens doivent mettre les bouchées doubles pour renverser cette dictature appuyée par l’oligarchie dépendante et le Core group (États-Unis, Canada, UE…). Il faut à tout prix que les acteurs de l’opposition évitent que le peuple haïtien continue à subir les conséquences néfastes et mortifères de ce pouvoir de facto qui représente l’une des plus grandes catastrophes qu’Haïti ait connues durant cette décennie. Nous interpellons les organisations populaires, partis et militant-e-s conséquents à se mobiliser et se renforcer avec d’autres acteurs de la mouvance démocratique conséquente pour imposer une transition de rupture qui devra mettre une fois pour toutes les balises de la construction d’une société souveraine, juste et équitable.
En ce sens, la solidarité internationale, des mouvements sociaux et des peuples de partout dans le monde, est nécessaire. Nous invitons chacun-e qui va lire cet article à réfléchir et se demander comment il/elle peut contribuer à débarrasser Haïti du régime dictatorial de Jovenel Moïse, de l’oligarchie et du core group. Le problème de l’insécurité est indissociable du régime au pouvoir, ainsi la lutte contre le kidnapping ou l’insécurité en général est une lutte pour la vie comme certains manifestants le scandent dans le slogan Nou vle viv. C’est une nécessité de débarrasser le pays de cette dictature criminelle et restaurer un climat serein et de paix dans le pays.
Vive la lutte des peuples, vive la lutte du peuple souverain d’Haïti !
Vive la solidarité entre peuples et les mouvements progressistes !
Pèp pa konn pèdi batay !
[…] [5] Osna Walner, 2021. https://alter.quebec/haiti-violences-insecurites-et-terreur/ […]
[…] [5] Osna, W. (2021). Haïti : Violences, insécurités et terreur : | Plateforme altermondialiste. https://alter.quebec/haiti-violences-insecurites-et-terreur/ […]