
Isabel Cortés, corresondante
L’Université Harvard a déposé lundi 21 avril une poursuite contre l’administration du président Donald Trump en raison du gel de plus de 2,2 milliards de dollars en fonds fédéraux pour la recherche et de la menace de couper 1 milliard de dollars supplémentaires. Le litige, déposé devant le Tribunal de district des États-Unis à Boston, allègue que cette décision viole le Premier amendement et constitue une attaque directe contre l’autonomie académique.
« Le gouvernement n’a pas identifié, et ne peut identifier, aucun lien rationnel entre les préoccupations liées à l’antisémitisme et les recherches médicales, scientifiques, technologiques et autres qui ont été gelées, lesquelles visent à sauver des vies, à promouvoir la réussite américaine, à préserver la sécurité nationale et à maintenir la position des États-Unis comme leader mondial en innovation », soutient la poursuite.
La science en péril

Harvard a averti que cette interruption risque de freiner des avancées cruciales dans les recherches sur le cancer pédiatrique, l’Alzheimer, le Parkinson et d’autres maladies qui dépendent des subventions fédérales. Dans une lettre adressée à la communauté universitaire, intitulée Upholding Our Values, Defending Our University – Harvard University President, le recteur Alan M. Garber a déclaré : « Il y a quelques instants, nous avons déposé une poursuite pour mettre fin au gel des fonds, car il est illégal et outrepasse l’autorité du gouvernement. »
Garber a souligné que la décision du gouvernement « entraverait des recherches essentielles sur les maladies » à un moment où les efforts scientifiques devraient être soutenus, et non sabotés.
Tensions entre gouvernement et autonomie universitaire
Rappelons que depuis février, Harvard fait face à des pressions croissantes de la part de la Maison-Blanche. Selon des documents judiciaires, l’administration Trump a exigé des changements dans les politiques de gouvernance, d’embauche et d’admission de l’université, dans une tentative apparente de contrôler son orientation idéologique. « Les exigences du gouvernement datées du 11 avril cherchent à contrôler qui nous embauchons et ce que nous enseignons », a écrit Garber.
Harvard soutient que ces exigences violent sa liberté académique et visent à imposer un « équilibre idéologique » dans ses salles de classe, une pratique que le recteur a qualifiée d’« ingérence indue du gouvernement ».
Une offensive politique aux répercussions mondiales
La poursuite désigne dans la poursuite neuf agences fédérales, incluant les départements de l’Éducation, de la Justice, de l’Énergie, de la Défense, de la Santé et des Services humains, la Fondation nationale des sciences, la NASA, l’Administration des services généraux et les Instituts nationaux de la santé. Toutes ont suspendu des contrats et des subventions dans ce que Harvard qualifie d’« escalade punitive ».
En plus des fonds gelés, la Maison-Blanche a suggéré de supprimer le statut d’exemption fiscale de l’université, une mesure qui pourrait compromettre sa viabilité financière à long terme. Trump a écrit sur Truth Social : « Peut-être que Harvard devrait perdre son exemption fiscale et être imposée comme une entité politique si elle continue de promouvoir la “maladie” d’inspiration politique, idéologique et terroriste ? »
Ce message a été interprété comme une tentative d’intimider une institution qui, historiquement, a maintenu une posture critique envers les gouvernements, en défendant la pluralité et la pensée indépendante.
Quels sont les enjeux ?
Harvard reçoit environ neuf milliards de dollars par année en fonds fédéraux, principalement destinés à des projets de recherche. L’interruption de ce financement affecte directement les laboratoires, les centres d’innovation et les programmes qui bénéficient à des milliers de chercheurs et d’étudiants, non seulement aux États-Unis, mais à l’échelle internationale.
Dans son dépôt judiciaire, les avocats de Harvard soutiennent que le gel « n’a rien à voir avec l’antisémitisme ni avec le respect du Titre VI de la Loi sur les droits civils » et que les agences fédérales ont contourné les procédures légales de base, violant les garanties procédurales et le droit à un processus équitable.
Une question qui transcende les frontières
La poursuite sera examinée dans les prochaines semaines. Pendant ce temps, des universités à travers le pays observent la situation de près, conscientes que ce cas ne se limite pas à une bataille pour le financement, mais touche à l’essence même du système éducatif américain. Le conflit entre Harvard et l’administration Trump soulève une question qui transcende les frontières.
Les gouvernements devraient-ils influencer la pensée académique et scientifique en échange de ressources publiques ? De l’Amérique latine à l’Europe et à l’Asie, l’indépendance de l’enseignement supérieur fait face à des défis similaires. Il est temps de défendre le savoir comme un bien public mondial, libre des pressions idéologiques et partisanes.
Harvard Funding Freeze Order Complaint or Harvard Constitutional and Title VI Complaint – documents complets.