Mégane Arseneau, collaboration
Le FSMI 2025 fut aussi un carrefour d’Intersections, de différentes initiatives artistiques et de créativité. L’une d’entre elles était une exposition d’art photographique qui s’est tenue à la Maison des Arts participatifs située au cœur du parc La Fontaine le 29 mai dernier. Rappelant le World Press Photo, il s’agissait d’une exposition de photographies militantes entièrement enracinées dans les réalités locales.
Accompagnée d’une mise en contexte et de descriptions, l’exposition ne se contentait pas de documenter, elle dénonçait et mobilisait.
L’ensemble des œuvres présentées provenaient de groupes citoyens ou communautaires illustrant, ainsi, une diversité d’enjeux actuels. Les photographies captaient à la fois des moments d’action militante et les projets artistiques créés pour dénoncer des situations injustes. L’exposition devenait alors doublement percutante, car l’art ne servait pas seulement à illustrer une problématique, mais aussi à provoquer une mise en action collective et à tisser des solidarités autour de causes communes.
Présentée sur les grands murs blancs du deuxième étage de la Maison des Arts participatifs, l’exposition captivait autant par la force émotionnelle des images que par leur capacité à générer un élan militant.
Les multiples formes de créativité qu’elle révélait étaient à la fois mobilisatrices et inspirantes. Pour toute personne engagée, c’était une source d’idées pour renouveler ses pratiques et apprendre d’autrui. Chaque projet photographique pouvait être analysé comme un processus en plusieurs étapes :
- L’identification d’un enjeu à haut potentiel organisateur;
- Création de solidarités dans la communauté;
- Définition des objectifs;
- Déterminer les moyens artistiques possibles;
- Mobilisation pour la création et la réalisation dudit projet;
- Publicisation de l’action et du projet par le biais de la photographie.
Ainsi, cette «simple» exposition photographique montrait bien plus qu’une suite d’images : elle révélait tout le potentiel de l’art comme outil d’organisation citoyenne.
La médiation culturelle
Comment cela est-il possible? Grâce à un médium trop souvent sous-estimé, mais profondément transformateur : la médiation culturelle. Elle s’avère un outil puissant qui favorise l’organisation de la classe ouvrière, la politisation de la population, la mobilisation citoyenne et l’éducation populaire.
La médiation culturelle permet de tisser des liens de solidarité, de construire une mémoire collective et d’impulser des luttes sociales. Un outil indispensable pour améliorer concrètement les conditions de vie, que l’on soit directement impliqué ou non dans ces luttes.
Ultimement, c’est un moyen de rassembler autour de ce qui unit, plutôt que de ce qui divise.
Les idées à l’origine des projets artistiques présentés lors de l’exposition sont toutes nées en prévision d’actions collectives — manifestations, actions de visibilité, etc. — dans une volonté assumée de ne plus invisibiliser les enjeux sociaux, mais au contraire de les collectiviser. Il s’agit ici de sortir de la honte, de la stigmatisation, et de créer une prise de parole commune.
Parmi les enjeux dénoncés : les conditions de logement, la pauvreté, le sous-financement chronique des organismes communautaires — qui, rappelons-le, constituent souvent le premier filet social.
Quelques exemples marquants
Lors d’une manifestation du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), des maisons-lanternes ont été créées pour dénoncer les loyers insalubres, les rénovictions et la hausse des prix. Lors d’un autre événement organisé par le Centre d’éducation aux adultes (CÉDA), on retrouvait des œuvres de corbeaux et de charognards, symbolisant avec force la pauvreté et ses effets destructeurs. Des images d’une noirceur percutante! Sur une pancarte, on pouvait lire : «Arrête d’attaquer les pauvres!» ou encore «La pauvreté tue!» — une vérité crue, quand on sait qu’en moyenne, une personne en situation de précarité meurt dix ans plus tôt qu’une personne qui ne l’est pas.
Quand les oiseaux de malheur sont le système et ses dirigeants, la réponse ne peut être que sociale.
Après tout, la créativité n’a pas de limites pour celles et ceux qui veulent se faire entendre, atteindre des objectifs ou transformer leur réalité. La médiation culturelle, dans un monde où l’image vaut mille mots, s’impose comme un levier essentiel de changement.