Universités et routes bloquées, commerces saccagés, grèves des transporteurs de pétrole… Les manifestations populaires font trembler le Honduras depuis plus d’un mois. D’abord mobilisés contre les réformes de l’éducation et de la santé, les Honduriens expriment aujourd’hui leur mécontentement face au gouvernement autoritaire et demandent la destitution du président Juan Orlando Hernández. Au fil des jours, la répression s’est intensifiée. Rien que cette semaine, on compte trois morts et une vingtaine de blessés, notamment par balle. Kevin Parthenay, docteur en science politique associé au Centre d’études et de recherches internationales à Paris, revient sur ce climat de violences.
Où en sont les manifestations contre le gouvernement du président Juan Orlando Hernández au Honduras ?
Les manifestations ont débuté fin mai après l’annonce du vote de deux décrets pour réformer les secteurs de l’éducation et de la santé publique. Au début, elles ont été portées par des professionnels de la santé ou des universitaires, mais le mouvement a pris de l’ampleur et s’étend aujourd’hui à d’autres secteurs, comme ceux de la défense des droits humains ou de la démocratie, des ONG ou encore de la société civile. Les camions-citernes sont également en grève, ce qui provoque une pénurie d’essence dans les grandes villes. Et ces derniers jours, on parle davantage des étudiants : trois centres universitaires ont été bloqués par des manifestants lundi et quatre jeunes ont été blessés par balle quand les forces de sécurité ont fait irruption dans une université. Cet épisode est un symbole fort de la révolte et de la répression musclée du gouvernement qui a lieu en ce moment au Honduras.
Les deux décrets critiqués ont été abrogés dès les premières manifestations. Comment expliquez-vous que la contestation ne cesse de s’amplifier ?
Le vote des deux décrets n’est que le point de départ, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les manifestations actuelles ne sont plus entièrement orientées vers la santé et l’éducation, mais vers une volonté commune pour la destitution du Président. Elles prennent chaque jour plus d’ampleur et sont devenues l’expression d’un mécontentement général contre le régime actuel. Un régime fort, pour ne pas dire autoritaire. Des petites mesures peuvent devenir de grands enjeux démocratiques, surtout dans des pays d’Amérique centrale où les élites au pouvoir contribuent parfois à fragiliser la démocratie. Confronté à la corruption et au népotisme, le Honduras est plongé dans un chaos total depuis le coup d’Etat d’il y a dix ans. C’est encore pire depuis la réélection en 2017 de Juan Orlando Hernández, qui a fait modifier la Constitution afin de se représenter à la présidentielle. Une réélection légale dont la légitimité est très critiquée.
Certains analystes parlent de dictature au Honduras, est-ce le cas ?
Dans ces petits pays, il existe une tradition politique où le pouvoir est détenu par des réseaux très restreints d’élites politiques et économiques. On peut parler d’autoritarisme quand le Congrès d’un pays parvient de plus en plus difficilement à s’opposer aux décisions du président et où l’opposition rencontre des difficultés pour se faire entendre. C’est le cas au Honduras en ce moment. Mais le Président est lui-même soumis aux pressions des Etats-Unis [qui veulent fermer les frontières aux migrants d’Amérique centrale et du sud, ndlr] et du FMI [pour une plus grande libéralisation de son économie]. Le Honduras risque de tomber dans une profonde crise, comme c’est le cas au Nicaragua voisin qui vit une sévère répression sous la dictature de Daniel Ortega, en particulier depuis un an.