En 2003, alors qu’ils étaient totalement défaits militairement, les Talibans en Afghanistan ont approché l’administration du président George Bush afin de trouver un compromis politique à la guerre. La réponse a été un non catégorique. 17 ans plus tard, les É.-U. allaient effectuer un repli stratégique et les Talibans accédaient au pouvoir. Depuis, la quantité et la qualité de l’armement — le trésor a dépensé 955 milliards de $ US en 20 ans — et les victimes humaines n’ont pas suffi à arrêter ce qui était inimaginable en 2003.
Ce que cette histoire nous apprend, c’est que la solution militaire à un problème politique et social n’est pas appropriée, de surcroit lorsqu’elle n’est pas accompagnée par une volonté réelle de mieux gouverner ou de gouverner autrement.
Le slogan « la sécurité d’abord, le reste après » est un leurre
Accepter le slogan « la sécurité d’abord, le reste après » est un leurre. On n’aura ni la sécurité, ni la paix, ni la bonne gouvernance. Or c’est la seule offre qui semble être sur la table au Mali. Ce qui s’est passé à Bourem 1 et à Léré 2 n’est que prémonitoire. Des camps mal-défendus sont attaqués ; les militaires résistent autant qu’ils le peuvent et finissent par abandonner leur camp. L’armée de l’air, dépêchée de Gao ou Sévaré, intervient en appui à des renforts au sol et les camps sont réoccupés, après le départ des groupes armés. Entre-temps, des dizaines de morts et des pertes en matériel sont enregistrés de tous les côtés.
Il y a au moins une vingtaine de camps et postes militaires qui sont aussi vulnérables que Bourem ou Léré. Que se passera-t-il si 2, 3 ou 5 de ces camps sont attaqués simultanément ? Combien de temps ce scénario va-t-il se reproduire avant qu’on ne se rende compte que le pays s’enfonce vers des lendemains encore plus incertains et malheureux ?
Bien entendu, il faudra compter avec les chants de sirènes — on nous offrira des équipements encore plus sophistiqués, des avions et hélicoptères encore plus performants, des mercenaires encore plus aguerris, des levées de troupes pour une armée plus grande, une hiérarchie militaire encore plus déterminée, etc. N’a-t-on pas déjà entendu ce discours ? Ces sirènes collecteront encore plus de notre trésor et nos populations encore plus de misère, dans cette guerre fratricide où personne ne sortira vainqueur in extremis.
Mettre un frein à la misère et aux dépenses militaires
De 2013 à ces jours, le Mali a dépensé près de 5 000 milliards de francs CFA (8,2 milliards $ US) dans la sécurité. La force Barkhane et la MINUSMA, c’est 8000 milliards de francs CFA (13 milliards $ US) supplémentaires. Le résultat est connu et le bilan n’est pas reluisant. Avec le quart de cet argent dépensé intelligemment, on aurait créé les bases pour un réel développement au Mali. Au lieu de ça, on se dirige vers plus de dépenses militaires et de misère. Ne faut-il pas mettre un frein à tout ça ? Ne devrions-nous pas dire « Basta! »
Il n’y a pas de solution militaire au problème du Mali.
Le président IBK 3 a eu le courage politique de signer l’accord d’Alger 4 ; un accord très loin d’être parfait, mais qui a eu le bénéfice de faire taire les armes entre Maliens. Le jeter à la poubelle sans proposer une alternative autre que la force est une recette pour un chaos certain.
Ceux et celles qui ont la charge de ce pays peuvent écrire leurs noms dans les pages de notre histoire. Aidons-les, pour notre bien, à ne pas faire comme George Bush en Afghanistan. Exigeons un changement clair.
- https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/12/mali-des-groupes-armes-revendiquent-la-prise-de-la-ville-cle-de-bourem_6189039_3212.html[↩]
- https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/journal-de-l-afrique/20230918-mali-les-rebelles-touaregs-du-csp-se-retirent-des-camps-militaires-de-l%C3%A9r%C3%A9[↩]
- Ibrahim Boubacar Keïta, président de la République du Mali est mort le 16 janvier 2022 d’une crise cardiaque à Bamako ; il fut démis de ses fonctions [↩]
- L’accord d’Alger, officiellement dénommé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, est un accord visant à mettre fin à la guerre au Mali, signé le 15 mai et 20 juin 2015 à Bamako, après des négociations menées à Alger, entre la République du Mali et l’alliance des forces rebelles, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) [↩]