Mikaël Demers
L’émergence du capitalisme algorithmique est arrivée au cours du 21e siècle avec l’utilisation de l’intelligence artificielle dans une société capitaliste « connecté » à Internet et aux réseaux sociaux.
Selon Jonathan Durand Folco, professeur agrégé à l’École d’innovation sociale de l’Université Saint-Paul à Ottawa, il est nécessaire de comprendre les reconfigurations de capitalismes pour bien assimiler l’ascension des algorithmes.
Durand Folco est l’un des seuls à s’intéresser autant à ce phénomène. L’enseignant a écrit le livre « Le capital algorithmique » avec Jonathan Martineau et il a rédigé deux articles sur l’intelligence artificielle qui se retrouvent dans le numéro 31 de la revue Nouveaux cahiers du socialisme. Il animait une conférence le 21 mai dernier à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) dans le cadre des Rencontres sur les Droits et résistances numériques en contexte francophone, présenté par Lab-Delta.
La puissance et l’importance des algorithmes
Le capitalisme algorithmique, qui serait apparu vers 2007-2008 selon plusieurs chercheurs et chercheuses, est fabriqué grâce à l’émergence des réseaux sociaux, les économies de plateformes (tels qu’Uber), les filtres de contenus, la reconnaissance faciale et vocale, les publicités privées et l’extraction de données.
De nos jours, l’industrie extractive de données personnelles est un outil majeur du capitalisme algorithmique, dépassant le néolibéralisme financiarisé. Il s’agit d’une sorte d’usine qui permet de produire de l’argent au final.
Les entreprises capitalistes et toute autre organisation se basent sur cette extraction de données afin d’exercer leurs activités et leur pouvoir, et d’atteindre leurs différents objectifs
Cette révolution technologique, dont plusieurs auteurs et autrices la considèrent comme une 4e révolution industrielle, est déshonorée. Cette possibilité d’accéder aux données et informations personnelles des utilisateurs et utilisatrices pour l’enrichissement des compagnies, des organismes ainsi que des entreprises privées est immorale.
Les technologies de l’apprentissage automatique et l’autonomie de l’intelligence artificielle sont développées par ces grandes compagnies, dans un monde déjà dominé par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), les géants du web. Jonathan Durand Folco et Jonathan Martineau soutiennent la thèse que ces technologies soient principalement conçues avec l’objectif d’accumulation du capital et non avec l’objectif bienpensante de créer une société plus libre, rapide et efficace.
Les principales craintes sont que les entreprises utilisent l’IA et les extractions de données pour les mauvaises raisons. La peur ne devrait pas être dirigée vers les sites utilisant l’intelligence artificielle telle que ChatGPT et DALL·E 3 puisque qu’ils ne causent pas les difficultés majeures liées au capitalisme. Il y a certaines problématiques concernant les fausses nouvelles, l’usurpation d’identité et les emplois « remplacés par les robots ».
Possibilités de résister à ce phénomène
Durand Folco a proposé quelques moyens en tant que société pour faire face à cette utilisation immorale de l’IA, lors de sa conférence à l’UQAM. Il a soutenu l’importance des luttes et de la syndicalisation au sein des plateformes, que ce soient les réseaux sociaux ou des plateformes encourageant l’achat en ligne.
Comme plusieurs combats sociaux, les fronts de résistance et de manifestation causés par le mécontentement pourraient devenir une réalité. Cette possibilité serait considérée comme une « lutte des classes » puisqu’il s’agira d’une bataille entre les entreprises riches et les victimes de cet algorithme.
Forcer les gouvernements à règlementer
Le professeur émet la possibilité de fournir des efforts pour forcer les gouvernements à règlementer davantage les entreprises face à ce phénomène. Les pays membres de l’Union européenne pourraient demander d’être plus stricts avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Le capitalisme algorithmique régulé par l’État est l’un des scénarios futurs apportés par M. Durand Folco le 21 mai dernier. Cela demande que les gouvernements en place fournissent les efforts nécessaires pour imposer des lois claires face à cette injustice sociale.
Dans une perspective québécoise et pour aider la cause, il faudrait que la grande majorité des plateformes et applications soient complètement québécoises. Les initiatives locales pourraient s’avérer être des alternatives fondamentales pour faire une reconstruction par le bas de notre société actuelle.