Julien Vadis, Révolution permanente, 21 février 2021
Ce jeudi 18 février, les Etats-Unis et les principales puissances européennes ont annoncé la reprise des discussions avec l’Iran concernant l’accord sur le nucléaire, après des menaces de Téhéran de restreindre les possibilités d’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
dimanche 21 février
C’est un changement de cap dans la politique internationale des Etats-Unis. Alors que Donald Trump était un adepte du conflit frontal avec l’Iran, avec comme point d’orgues une série de restrictions et surtout le retrait des Américains du cadre de l’accord sur le nucléaire iranien, l’administration Biden entend renouer un dialogue diplomatique.
« Les Etats-Unis acceptent une invitation du haut représentant de l’Union européenne à une réunion du P5 + 1 [un groupe rassemblant Etats-Unis, Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie] et de l’Iran pour évoquer la meilleure façon d’avancer concernant le programme nucléaire de l’Iran » a ainsi annoncé Ned Price, porte-parole du département d’État, ce 18 février. Une annonce qui fait suite à une réunion virtuelle des chefs de diplomatie de la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne et, donc, des Etats-Unis.
Plus encore, dans une lettre adressée au Conseil de sécurité des nations unies, Richard Mills, ambassadeur américain par intérim à l’ONU, a indiqué l’annulation de la proclamation unilatérale du gouvernement Trump en septembre dernier. En bref, ce sont les sanctions visant Téhéran qui, comme au Venezuela ou à Cuba, condamnaient la population de ces pays aux affres de la pauvreté et de la précarité.
Pourtant, ce revirement partiel de la politique internationale américaine n’est en rien motivée par des velléités pacifistes.
D’une part, il s’agit d’une réponse claire aux menaces iraniennes de restreindre les possibilités d’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique sur son territoire. Ainsi, les « gestes » de Washington sont clairement conditionnés à une non-exécution de cette menace. Téhéran est ainsi appelé à évaluer « les conséquences d’une mesure aussi grave, en particulier dans ce moment d’opportunité pour un retour à la diplomatie » par la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne et les Etats-Unis. Une menace à peine voilée.
D’autre part, il est clair que ce changement de cap stratégique s’inscrit en creux dans le plan de retour à un multilatéralisme néo-libéral de la part de l’administration Biden. C’est ce qui explique que ces propositions américaines, y compris si Téhéran recule, ne sont pas synonyme d’un retour à la diplomatie, encore moins à une levée de toutes les sanctions prises à l’encontre de l’Iran. En soi, ce repositionnement pose une série de questions plus large concernant le Moyen-Orient, et il sera primordial de voir les réajustements géopolitiques qui vont en résulter, en particulier dans les relations USA/UE/Arabie Saoudite, principale puissance régionale opposée à l’Iran dans la région. Comme l’expliquait Ana Rivera et Jimena Vergara dans l’article Biden contre Trump : une élection pleine d’incertitudes pour l’impérialisme américain, « les deux partis traditionnels se préparent à des tensions plus importantes avec la Chine et à tenter de rétablir l’hégémonie américaine dans le monde. Qu’elles soient dirigées par Biden ou Trump, les sanctions se poursuivront contre des pays comme le Venezuela, l’Iran et Cuba qui refusent de se soumettre aux plans élaborés par l’impérialisme américain. L’alliance stratégique avec Israël se poursuivra. Les troupes américaines resteront au Moyen-Orient. Le Mexique et le reste de l’Amérique latine subiront la même oppression extrême. Que ce soit par un retour au multilatéralisme néolibéral ou par l’approche « America First » de Trump, le déclin de l’empire fera souffrir les masses des pays opprimés. »
Dans ce cadre, la seule certitude réside dans le fait que les principales puissances impérialistes européennes et les Etats-Unis cherchent à se repositionner au Moyen-Orient, cherchant à éviter pour l’heure une confrontation frontale (et potentiellement militaire) avec l’Iran pour asseoir leurs positions dans la région, et ainsi préserver leurs intérêts. De ce point de vue, les annonces américaines, loin de l’enthousiasme proclamé des médias bourgeois, n’est pas en soi une bonne nouvelle pour les populations du Moyen-Orient, car vise à maintenir la présence de ces puissances sur le terrain. C’est pourquoi il est indispensable d’exiger la levée de toutes les sanctions et le retrait immédiat des troupes impérialistes au Moyen-Orient, et afficher un soutien inconditionnel aux mouvements populaires qui secoue la région !