Michel Warschawski
Deux principes guident les dirigeants israéliens dans leur politique concernant Jérusalem.
Le premier revient comme un mantra dans tous les discours des dirigeants, de droite comme de gauche : « Jérusalem est la capitale éternelle et indivisible du peuple Juif, alléluia ».
Le second participe de la conception d’Israël comme État Juif, c’est-à-dire un État ou la grande majorité de la population doit être juive. Ce deuxième principe explique pourquoi la Cisjordanie n’a jamais été formellement annexée, car une telle mesure aurait fait d’Israël un État binational… ou un État qui revendique son régime d’apartheid. Israël – État Juif, Jérusalem – ville juive, dans laquelle on peut tolérer une minorité palestinienne, mais qui ne dépasse pas un tiers de la population.
Les Palestiniens ont dépassé la ligne rouge : selon les estimations les plus fiables, ils représentent près de 40% de la population de Jérusalem. Estimations, parce que dès qu’il s’agit de démographie, les autorités israéliennes deviennent des autruches et refusent de se confronter aux chiffres réels.
La politique de l’autruche mais aussi, si nécessaire, la pratique de la circoncision.
Le Parlement vient d’amender la loi fondamentale sur Jérusalem, et, entre autre, exclu les quartiers nord de Jérusalem-Est du territoire municipal. Au-delà du fait que cela fait plusieurs dizaines de milliers de personnes qui, en perdant le statut de résident vont perdre aussi les droits sociaux et la liberté de circulation en Israël que leur octroyait ce statut, cet amendement remet en question le principe sacré de l’indivisibilité de Jérusalem. Imaginons le tollé de la droite, si la gauche avait pris une telle décision…
C’est une véritable circoncision qu’a commis la Knesset, en coupant le bout du territoire étroit qui relie le centre-ville de Jérusalem-Est aux abords de Ramallah. Mais c’est le prix à payer pour maintenir le sacro-saint équilibre démographique.
C’est ce même principe qui guide le ministre d’extrême-extrême-droite Avigdor Lieberman, quand il suggère de renoncer au territoire israélien du Wadi Ara [entre Tel Aviv et Haïfa] où la population arabe est largement majoritaire, et de « l’échanger » avec les blocs de colonies, faisant ainsi d’une pierre deux coups.
Contrairement à ce que certains affirment, l’objectif du sionisme n’est pas de voler et de coloniser un maximum de territoire, mais de trouver la formule optimale entre un maximum de territoire et un minimum de population arabe. C’est toute la logique du désengagement de la Bande de Gaza par Ariel Sharon, et le renoncement récent par le gouvernement d’extrême-droite aux quartiers nord de ladite Jérusalem-réunifiée-pour-l’éternité, amen…