Il y a 55 ans, le 15 mars 1966, le dirigeant de la lutte de libération nationale camerounaise, Castor Osende Afana, était assassiné par l’armée néocoloniale camerounaise.
Né en 1930 à Ngoksa dans la région Centre du Cameroun, il émigre avec ses parents à Yaoundé, la capitale du pays, où il poursuit ses études au lycée Leclercq. C’est au sein du lycée qu’il rencontre des militants nationalistes. Il décide d’abandonner son prénom Castor ne voulant garder que son prénom africain. En 1952, il est l’un des meneurs de la grève des élèves noirs du lycée qui revendiquent une amélioration de leurs conditions de vie à l’internat. Il se rapproche de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), organisation indépendantiste fondée par Um Nyobé en 1948.
Il se rend ensuite en France, d’abord à Toulouse puis à Paris, pour y mener des études d’économie. Militant de la cellule de l’UPC, il est également animateur de l’UNEK (Union Nationale des Étudiants Kamerunais) section de la FEANF (Fédération des Étudiants d’Afrique noire de France). Il anime le journal de la FEANF et fait partie du Comité d’accueil qui gère les publications de l’UPC en France, notamment «la voix du Kamerun». Il est surtout responsable de l’organisation des voyages de tous les cadres politiques du mouvement de l’UPC de passage en Europe.
Ayant obtenu brillamment un doctorat d’État en économie, il devient le premier docteur en économie d’Afrique noire. Sa thèse de doctorat sera publiée aux Éditions Maspero sous le titre «l’Économie ouest-africaine, perspectives et développement». Il y affirme qu’il n’y a pas de véritable indépendance sans indépendance monétaire. Il milite ainsi pour une monnaie africaine qu’il baptise Afrik. Osende Afana y défend également l’idée d’un développement économique autocentré, dans une perspective tiers-mondiste. Il met en garde contre les dangers du néocolonialisme : endettement, bourgeoisies compradores, corruptocratie, structure de dépendance à partir de l’aide au développement, etc.
Au cours des années 1950, il développe une compréhension de plus en plus approfondie des problèmes du continent : pour lui, la seule solution viable passe par l’élaboration d’un panafricanisme politique, seule possibilité de résister à l’impérialisme et la montée du néocolonialisme. Il écrit à ce sujet : à l’échelle de l’Afrique, une des caractéristiques dominantes du mouvement anti-impérialiste est le courant unitaire qui soulève les masses populaires. À côté des conférences panafricaines des peuples, des paysans, des femmes, des jeunes, des étudiants […], à côté des organisations permanentes issues de ces rencontres populaires ou gouvernementales, s’ébauchent de plus en plus des regroupements régionaux…
Mais cette unité est possible que par la lutte contre le néocolonialisme dans chaque pays.
En 1963, il décide alors de rentrer au Cameroun pour participer à la lutte de son peuple. Il est chargé du deuxième front de guérilla, celui de l’Est du pays. Il est arrêté après une trahison, le 15 mars 1966. Il est immédiatement assassiné et décapité par l’armée néocoloniale camerounaise et ses parrains français. Il n’avait que 36 ans.
Plus de quarante ans après, les autorités camerounaises classent toujours comme «secret — défense» les informations sur les circonstances de cet assassinat.
Ce sont de tels hommes qui ont libéré l’Afrique du colonialisme. La lutte contre le néocolonialisme est maintenant à l’ordre du jour.
Repose en paix frère et camarade.
Texte : FUIQP et Alain Saint-Victor