La mémoire au service des luttes : Paul Robeson

Il y a 45 ans, le 23 janvier 1976, l’acteur, chanteur, athlète et écrivain Paul Robeson décédait.

Né à Princeton au New-Jersey, le 9 avril 1898, il est le fils d’un père esclave, William Drew Robeson, enfui, à l’âge de 15 ans, d’une plantation de Caroline du Nord et d’une mère métisse, Maria Louisa Bustill, descendante d’une famille quaker abolitionniste. William Drew entreprit des études universitaires et devient pasteur de l’Église presbytérienne de Princeton de 1880 à 1901. Il est décédé en 1918, alors que le jeune Paul n’a que vingt ans.

Ne pouvant pas entrer à l’université Princeton, à cause de sa couleur, Paul Robson intégra l’université Rutgers où il fit de brillantes études. Il fut admis, par la suite, à l’université Columbia où il décrocha un diplôme en droit en 1923. Il fréquenta également l’École des études orientales et Africaine de Londres.

À l’époque du Jim Crow (période de plus de 100 ans au cours de laquelle les Afro-Américains furent victimes systématiquement de violence raciste), il était très difficile à un Noir d’exercer le métier d’avocat. Malgré qu’il fût l’un des meilleurs de sa classe, Robson dut abandonner sa carrière en droit et joignit le Provincetown Players, un groupe de théâtre de New York qui compte en son sein le dramaturge Eugene O’Neill (1888-1953). 

En 1924, Robson fait partie des acteurs de la pièce d’O’Neill, All God’s Chillun Got Wings (inspirée du Negro spiritual). Au cours de la même année et en 1925, il devient célèbre à New York et à Londres en interprétant le premier rôle de la pièce du même auteur, Emperor Jones (perçue, par certains, comme une critique de l’occupation étatsunienne d’Haïti, 1915-1934).

En plus de ses talents d’acteur, Robson avait une superbe voix baryton-basse. En 1925, il donna son premier récital d’art vocal au Greenwich Village (New York). Il atteint une réputation internationale sous le nom de Joe dans la comédie musicale Show Boat.

La célébrité de Robson est à son apogée lors de son interprétation magistrale d’Othelo en 1930, qui bat tous les records des pièces shakespeariennes jouées à Broadway, à l’époque. 

Robson devient célèbre non seulement en Europe et aux États-Unis, mais également en Afrique, faisant ainsi craindre son influence sur les peuples colonisés d’Afrique subsaharienne.

Parmi ses plus grands succès, figure le célèbre Song of Freedom. Paul Robeson devient, au cours de ses voyages dans le monde entier, un ambassadeur du mouvement des droits civiques et un dénonciateur des conditions de vie des Afro-Américains aux États-Unis, en particulier dans les États du Sud ségrégationnistes. Il utilise sa notoriété pour mobiliser l’opinion contre les lynchages qui, à l’époque, se multiplient.

Au cours des années 1950, alors que le Maccarthysme devient l’idéologie dominante aux États-Unis (prêchant un anticommunisme primaire et violent), Paul Robson est victime d’un véritable boycottage organisé contre ses films et enregistrements. On lui retire également son passeport de 1950 à 1958. 


Après le décès de son épouse, Eslanda, en 1966, Robson, de plus en plus isolé et marginalisé, connut une période de déchéance. Après deux infarctus, il meurt dans la pauvreté d’un arrêt cardiaque en 1976, à l’âge de 77 ans.

De Paul Robson, l’historien afro-américain Gerald Horne écrit :

«Il a été un précurseur pour des hommes comme Malcom X et Dr Martin Luther King. En fait, on ne peut comprendre la vie et le parcours de ces deux hommes sans tenir compte de Paul Robson.»

Pour illustrer son engagement, Robson écrit: «L’artiste doit choisir de lutter pour la liberté ou pour l’esclavage. J’ai fait mon choix. Je n’avais pas d’alternative». Ce qui résume bien toute la trajectoire de son existence.  

C’est ce type d’artistes dont nous avons besoin. 

Repose en paix frère et camarade.

Texte : FUIQP et Alain Saint-Victor