À l’occasion de son assemblée générale, le samedi 6 mai dernier, Amnistie Internationale – Canada francophone invitait Marina Navarro, directrice exécutive d’Amnesty International au Pérou. Considérant le rôle du Canada dans la fourniture d’armes au Pérou, Amnistie Internationale Canada francophone a lancé une pétition pour demander au Gouvernement du Canada de cesser ce commerce meurtrier.
Communiqué – Amnistie Internationale – 3 mai 2023
Le Canada a exporté pour 81,4 millions $ d’armes au Pérou, entre 2014 et 2021
Amnistie internationale demande au gouvernement canadien de suspendre les ventes d’armes au Pérou, compte tenu de la répression meurtrière exercée par l’État péruvien contre des manifestant·e·s pacifiques depuis décembre 2022.
La violente répression par les forces de police et les forces militaires péruviennes des nombreuses manifestations qui ont cours depuis l’arrestation et le remplacement de l’ancien président Pedro Castillo aurait fait au moins 49 morts et plus d’un millier de blessés. Amnistie internationale a qualifié cette répression de « raciste » parce qu’elle cible de manière disproportionnée les peuples autochtones, qui ont historiquement souffert de discrimination, d’un accès inégal à la participation politique et de la négation de leurs droits humains.
Lors de rencontres avec des représentants canadiens à Ottawa au cours de cette semaine, Marina Navarro, directrice générale d’Amnistie internationale Pérou, soulignera l’urgence de mettre fin aux ventes d’armes auprès de son pays. « Le mépris insensible de l’État envers la vie et les droits de la population devrait sonner l’alarme pour tout pays qui a vendu, ou prévoit vendre, des armes au Pérou », dit-elle. « S’il ne met pas fin à ces ventes d’armes au Pérou immédiatement, le Canada risque de favoriser d’autres attaques racistes meurtrières envers les manifestant·e·s et leurs droits à la liberté d’expression et d’assemblée. »
« Que le Canada maintienne les ventes d’armes au Pérou remet en question le respect de ses obligations domestiques et internationales en matière de droits humains », ajoute Mme Navarro. En vertu du Traité sur le commerce des armes, dont le Canada est un signataire, le gouvernement ne peut autoriser les exportations d’armes si celles-ci risquent d’être utilisées pour commettre, ou faciliter la commission, de violations graves du droit international relatif aux droits humains, sans que ces risques puissent être atténués.
Selon des données publiées par le gouvernement canadien, le Canada a exporté au Pérou, entre 2014 et 2021, des biens et de la technologie militaires pour une valeur de 81,4 millions de dollars (les données pour 2022 devraient être publiées à la fin mai). La vente de 32 véhicules blindés LAV II, réalisée en 2016 pour un montant de 67 millions de dollars, en constitue, et de loin, l’élément le plus important.
Amnistie internationale n’a pas confirmé, de manière indépendante, si les armes achetées au Canada avaient été déployées contre les manifestant·e·s au Pérou. On constate cependant qu’au cours de cinq années – sur les huit années pour lesquelles nous disposons de données – le Canada a exporté au Pérou des armes ou des composantes d’armes à feu, dont 25 mitrailleuses lourdes en 2016. Par ailleurs, en 2018, 2019 et 2020, les ventes d’armes au Pérou incluaient « des agents chimiques, ‘des agents biologiques’, ‘des agents de lutte anti-émeute’, du matériel radioactif, et des équipements, composantes [ou] matériel connexes. »
Au début de 2023, l’enquête d’une équipe de crise d’Amnistie internationale a permis de déterminer que les forces armées péruviennes et la police nationale avaient fait usage, illégalement, et parfois sans discrimination, de force létale et moins létale à l’encontre des manifestant·e·s, particulièrement à l’encontre des peuples autochtones, et des campesinos (travailleurs agricoles). Ce premier rapport d’Amnistie internationale documentait la mort par armes à feu de 12 personnes au cours de la répression. L’équipe a aussi trouvé des preuves suggérant un usage intense de munitions potentiellement létales ainsi que de gaz lacrymogène, qui peut aussi devenir létal s’il est mal utilisé ou si les grenades sont lancées directement au corps. Le rapport documentait la mort d’une personne – frappée à la tête par une grenade lacrymogène – et rapportait des dizaines de blessures causées par des armes moins létales.
Le 30 mars 2023, les sections francophone et anglophone d’Amnistie internationale Canada ont acheminé une lettre à la ministre des Affaires étrangères, Mme Mélanie Joly, pour soulever les implications des exportations d’armes au Pérou sur les questions de droits humains.
« La gravité de nos premiers constats et la réalité de la répression continue exercée par les forces de sécurité de l’État contre la population civile au Pérou, ainsi que les obligations du Canada en vertu du Traité sur le commerce des armes, obligent à suspendre tout nouveau permis pour l’exportation de biens militaires au Pérou jusqu’à ce que le Canada puisse garantir qu’ils ne seront pas utilisés pour commettre des violations de droits humains. », écrivaient dans cette lettre France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone et Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section anglophone d’Amnistie internationale Canada.
Jusqu’à ce jour, le gouvernement du Canada n’a toujours pas répondu à la requête d’Amnistie internationale de mettre fin aux exportations d’armes vers le Pérou. « Le silence du gouvernement canadien quant à la vente d’armes au Pérou est assourdissant, mais il n’est pas trop tard pour bien faire », soutient Mme Navarro qui rencontrera jeudi des représentants d’Affaires mondiales Canada. « C’est la chose la plus importante que le Canada peut faire pour protéger les Péruviens et les Péruviennes dont la vie et les droits sont en danger. »
Pour toutes questions ou demandes d’entrevues: Alissa Scholl
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