Crédit photo-montavge Mehr News Agency, Avash Media - Iran CC BY 4.0 via wikicommons

Médecin et ancien député de Québec solidaire, l’auteur signe ce texte, publié dans Le Devoir le 17 juin, pour le compte de l’ONG Alternatives, une organisation de solidarité qui œuvre pour la justice et l’équité au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde. 

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Depuis le 12 juin, Israël mène une attaque militaire coordonnée contre plusieurs infrastructures civiles à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes. Il s’agit de la deuxième offensive directe en quatorze mois. Une fois de plus, l’État israélien agit en violation flagrante du droit international, sans mandat de l’Organisation des Nations unies (ONU), sans menace imminente avérée, et sans se soucier de la stabilité régionale ou de la vie des civils.

Cette nouvelle agression confirme la stratégie du gouvernement de Benjamin Nétanyahou : saboter les efforts diplomatiques au Moyen-Orient, perpétuer le chaos pour consolider son pouvoir et bloquer toute avancée vers la reconnaissance internationale de l’État palestinien. L’attaque survient alors que des négociations sensibles sur le nucléaire iranien reprenaient entre Téhéran et Washington. Nétanyahou cherche à torpiller ces efforts et à entraîner les États-Unis dans une confrontation militaire, comme l’avait fait l’administration Bush contre l’Irak en 2003.

En 2003, le Canada avait tenu bon. Grâce à la mobilisation citoyenne — dont les quelque 150 000 personnes qui ont défilé à Montréal par un jour glacial de février contre la guerre en Irak —, le gouvernement Chrétien avait refusé de s’engager dans une guerre fondée sur des mensonges. Aujourd’hui, le silence d’Ottawa face à cette nouvelle violation du droit international par Israël contraste brutalement avec cet héritage.

Une stratégie du chaos

Les parallèles avec la guerre en Irak sont troublants. Le prétexte invoqué par Israël repose sur une supposée menace nucléaire iranienne que ni l’Agence internationale de l’énergie atomique ni les Nations unies n’ont confirmée. Même si elle existait, cette menace ne justifierait jamais une attaque préventive, interdite explicitement par la Charte de l’ONU.

Ces frappes s’inscrivent dans une logique d’agression systématique : bombardement et nettoyage ethnique à Gaza, expansion illégale des colonies en Cisjordanie, attaques au Liban et en Syrie. Le but est clair : étendre l’occupation, achever le nettoyage ethnique de la Palestine et annexer de facto les territoires d’avant 1948

Par sa brutalité et ses violations constantes du droit international humanitaire, Israël agit en toute impunité comme un État voyou. Il cherche désormais à imposer sa volonté à l’Iran par la force et la terreur. Hélas, le Canada et d’autres pays occidentaux réunis au sommet du G7 insultent notre intelligence en présentant l’agresseur comme victime et répètent la formule vidée de son sens : « Israël a le droit de se défendre. »

Pour tout esprit attaché à la justice, ce double standard alimente la perception déjà présente dans le monde que l’Occident n’est ni crédible ni digne de confiance.

Le régime théocratique en Iran n’est certes pas exempt de critiques. C’est un régime répressif et corrompu qui a trahi les idéaux de la révolution démocratique de 1979. Il piétine les droits de son peuple qui, de soulèvement en soulèvement, exprime clairement son rejet du régime. Mais cela ne donne à aucun État le droit de se draper dans le rôle fantasmé de justicier pour cacher ses velléités de domination. Et certainement pas à Nétanyahou, discrédité par des accusations de corruption, contesté dans son propre pays et prêt à mettre le feu à la région par la guerre pour sa survie politique.

La complicité silencieuse du Canada

Le Canada aime se présenter comme un pays de paix, mais adopte, face à l’agression israélienne contre l’Iran, une position passive. Le premier ministre Mark Carney appelle les deux pays à « la retenue », mais demeure timide envers l’agresseur israélien.

Les sanctions du Canada contre deux ministres extrémistes israéliens — Ben-Gvir et Smotrich — pour leurs exactions en Cisjordanie sont nécessaires, mais insuffisantes. En 2024, le Canada a exporté plus de 19 millions de dollars en armement et en matériel militaire vers Israël. Loin de refléter des valeurs de paix, cela fait de nous des complices.

Pourtant, l’opinion publique évolue. À la fin 2024, un sondage Angus Reid indiquait que 67 % des gens au Canada estiment que le soutien à Israël est excessif. Mais la classe politique refuse de traduire ce changement en action.

Au Québec, le premier ministre François Legault prétend que la population soutient le développement d’un secteur militaro-industriel québécois. C’est une manipulation grossière. Le Québec fut, en 2003, le berceau du plus vaste mouvement antiguerre du pays. Aujourd’hui encore, une majorité souhaite des investissements dans la diplomatie, la transition écologique et l’éducation, pas dans les drones et les munitions.

Que faire pour stopper Nétanyahou ?

L’agression israélienne contre l’Iran risque d’embraser la région et de précipiter une confrontation ouverte avec les États-Unis. Il est impératif que le Canada se dissocie du programme de Nétanyahou, qu’il agisse fermement en choisissant de condamner sans équivoque l’agression israélienne à l’ONU, qu’il suspende toutes les exportations d’armes vers Israël et qu’il appuie les universités, syndicats et institutions qui choisissent de désinvestir dans les entreprises complices de l’occupation.

Depuis Pearson, le Canada s’est construit une réputation de médiateur et de défenseur du droit international. Hélas, les interventions en Afghanistan, l’alignement sur l’OTAN et la hausse continue des dépenses militaires l’ont largement compromise.

En tant qu’organisme de solidarité internationale, Alternatives invite le gouvernement Carney à renouer avec l’idéal proclamé par Pearson. En 2003, le Canada avait su respecter la volonté de la population sur la guerre en Irak. Alors que Nétanyahou joue avec le feu, cet exemple nous rappelle l’importance de réaffirmer notre engagement pour la paix.

Le Québec peut montrer la voie

Le mouvement syndical québécois a été à l’avant-garde de la solidarité avec la Palestine. Un parti au Québec, Québec solidaire, appelle au désinvestissement en Israël et à une politique étrangère fondée sur les droits de la personne. C’est ce type de leadership que les gens souhaitent voir exercer leur gouvernement.

Israël attaque l’Iran au risque de provoquer un embrasement nucléaire. Son gouvernement voyou affame et massacre les civils palestiniens et banalise le génocide. Ne pas prendre des mesures concrètes pour arrêter Nétanyahou nous rend complices de cette banalisation. L’histoire, pourtant, est censée nous avoir enseigné à ne plus nous soumettre à la « banalité du mal ».