MARILZA DE MELO FOUCHER, médiapart,18 mars 2020
On sait que l’organisation de la gouvernance mondiale est aujourd’hui basée sur l’économie qui devient prédominante et prioritaire au-dessus de l’intérêt du bien commun, et que ce mode de gouvernance imposé a provoqué la mort brutale de l’État providence. Aussi, je commencerai ce texte de réflexion par quelques questions :
- Pourquoi dit-on que la pandémie affectera l’économie mondiale, au lieu de dire qu’elle affectera la vie de milliers d’humains sur la planète Terre ?
- Pourquoi ne profitons-nous pas de l’expansion du virus Corona pour analyser la crise humanitaire que nous traversons et ses causes ?
- Comment réagir aux risques environnementaux et sociaux qui impactent aujourd’hui notre mode de vie ? Pourquoi n’associons-nous pas la gouvernance mondiale néolibérale à la mondialisation économique rampante qu’elle a provoquée ?
- Pourquoi le virus Corona a-t-il révélé les difficultés de l’État à protéger ses concitoyens ? Pourquoi la riche Europe qui, par le passé, a construit un État-providence doté d’un service de santé publique supérieur aux États-Unis se sent-elle aujourd’hui submergée par le virus Corona ?
Si le débat politique pouvait être élargi au-delà des conséquences économiques du virus Corona et des paramètres que la mondialisation économique impose, peut-être, les réponses nous amèneraient à repenser notre mode de production, à revoir le système économique et à repenser un projet de société face à la menace sur l’environnement, les épidémies, la paix sociale et à, l’explosion des inégalités sociales dans le monde. Malheureusement, ces interrogations semblent encore hors de l’agenda, hors de sujets à traiter par des faiseurs d’opinion : journalistes et commentateurs des médias grand public, analystes économiques, politiciens, qui gouvernent les pays riches et les pays dits émergents.
Si nous ouvrons la télévision, nous pouvons passer d’une chaîne à une autre partout dans le monde, car Internet permet cette interconnexion entre différents pays. L’approche sur le Corana Virus est identique ! Ce qui prévalait en tant que titre était la chute du marché boursier causée par le virus Corona. La Bourse est devenue le thermomètre de la gouvernance mondiale et la chute de ses valeurs effraie davantage les adeptes du néolibéralisme que la pandémie elle-même déclarée par l’OMS – Organisation mondiale de la santé.
En lisant les principaux journaux de France et du Brésil et en regardant les débats sur les chaînes de télévision, les angles d’analyse sont identiques en termes de conséquences économiques. Par exemple : L’épidémie du virus corona de Wuhan a mis en évidence de manière drastique, les conséquences économiques de cette triste situation qui sont déjà observables : une récession historique en Chine, qui malheureusement se propagera à travers la planète. Je change de chaîne et je lis un article sur internet : « Cette crise démontre l’extrême vulnérabilité d’un système dans lequel la part de la Chine atteint aujourd’hui 20% de la production industrielle mondiale », confirme Daniel Cohen, chef du département économique de Normal Sup.
La délocalisation des grandes multinationales, des grands groupes industriels en Chine a montré le cynisme du monde des affaires, libre de tout patriotisme, ils se moquaient de la destruction des industries locales, ainsi que du chômage de masse causé par la désindustrialisation de leurs pays. Le cynisme de ces grands capitalistes va jusqu’à oublier le passé politique de la Chine et ils sont venus saluer le pragmatisme du capitalisme d’État !
Lorsque la crise de 2007/2008 s’est produite pour la première fois, les grandes puissances ont réalisé que la boule spéculative naviguait sur le Web à une vitesse telle que les milliards de dollars et d’euros s’évaporaient en quelques secondes ! Faute de régulation mondiale, l’économie virtuelle s’est infestée de virus et les banques ont demandé l’intervention de l’État ! Seul le Docteur État pouvait guérir la folie des marchés spéculatifs. Ses dirigeants de l’époque semblaient conscients du désordre mondial, dont ils étaient les principaux protagonistes. Cependant, après avoir injecté des ressources publiques pour récupérer les banques, les gouvernements successifs ont été contaminés par un autre virus, beaucoup plus puissant : le néolibéralisme économique a muté en se transformant en idéologie néolibérale ! Les institutions étatiques affaiblies depuis des décennies sont restées immobiles face à une société en pleine mutation et dans un monde globalisé.
Anticorps contre le virus de l’idéologie néolibérale : solidarité et fraternité
Aujourd’hui, avec la crise sanitaire causée par le virus Corona, le système économique néolibéral et son idéologie ne peuvent plus être viables. Ils présentent un grand risque de déstabilisation de notre société. Il est impératif de changer ce système et de placer l’être humain au centre de tout. Tant pour des raisons éthiques que pour des raisons de durabilité de notre société. Les pouvoirs politiques peuvent et doivent agir dans ce sens. Par conséquent, il est urgent de redéfinir le rôle de l’État, ces dernières années, en Europe, en Amérique latine et dans la majorité des pays au monde. Rôle qui a été affaibli par le lobby de la gouvernance mondiale des agences internationales. Il est temps de réorganiser les services publics. L’Etat doit se renforcer pour répondre aux défis de la crise structurelle laissée par l’idéologie néolibérale. Cette pandémie révèle la nécessité de restaurer l’État providence face à la crise humanitaire que nous traversons aujourd’hui. Cela implique un grand risque de déstabilisation de notre société.
Aujourd’hui, l’angoisse du futur se nourrit des vrais problèmes que tout le monde ressent, des épidémies qui prolifèrent, le chômage et la précarité du travail en augmentation, la baisse du pouvoir d’achat, l’effondrement de l’ascension sociale, de la retraite qui va vers la capitalisation, le manque de logements pour les couches les plus pauvres et tous les autres problèmes causés par la mondialisation exclusive. En ce sens, la gauche humaniste doit s’unir pour chercher des réponses à ces angoisses désormais mondialisées !
La gauche doit s’articuler dans le monde entier, revenir à l’internationalisme, pour esquisser des stratégies communes prenant en compte ces changements, s’adaptant constamment aux nouvelles demandes et aspirations de nos concitoyens, les orientant vers le progrès, la justice, vers plus de la fraternité, l’égalité et plus des solidarités entre les peuples.