Sergio Ferrari, ALAI, 21 janvier 2021
Vingt ans après sa naissance à Porto Alegre, au Brésil, le Forum social mondial (FSM) ouvrira une nouvelle édition samedi 23 janvier. Ce sera la plus longue de son histoire – neuf jours d’activités – et peut-être la plus spéciale, compte tenu de la situation internationale actuelle et de son profil essentiellement virtuel.
Conditionné par la crise pandémique mondiale, le mouvement altermondialiste a décidé de se réinventer de manière créative. Il s’est réuni, sans emplacement géographique précis, dans un grand espace immatériel. Dès la fin octobre, il a proposé et promu cette nouvelle édition du FSM 2021 (https://wsf2021.net/).
Une forte participation
L’optimisme des organisateurs est justifié. A 72 heures du début, ils ont comptabilisé plus de 4’500 inscriptions, provenant de près de 80 pays. Quelque 600 organisations – associations, femmes, coopération, syndicats, indigènes, religieuses, économie populaire, paysans, droits humains, éducation… – ont annoncé leur participation. Plus de 400 activités constitueront un programme basé sur plusieurs thèmes: climat-écologie, paix et guerre, justice sociale et démocratie, justice économique, société et diversité, communication-éducation et culture, féminisme, société et diversité, peuples indigènes et autochtones. La méthodologie proposée vise à promouvoir une réflexion transversale sur l’avenir du FSM, la situation pandémique, la lutte contre le racisme, ainsi que sur le genre et les féminismes (https://wsf2021.net/espacios-tematicos/).
« Pour l’instant, si l’on regarde les chiffres, l’un des axes qui attire le plus l’attention des participants inscrits est celui de la communication, de l’éducation et de la culture. Bien que je ne veuille pas me lancer dans des interprétations rapides, je pourrais exprimer le grand intérêt de consolider l’espace conceptuel face à l’avalanche de récits que nous impose le système hégémonique », explique François Soulard, français de naissance, cosmopolite de par son militantisme et, depuis quelque temps, résidant en Argentine.
Spécialiste de la communication, il est l’un des militants qui ont pris la responsabilité de poser les bases techniques pour assurer cette édition originale et complexe du FSM 2021. « Pour l’instant, tout se passe comme prévu. Si, dans les éditions précédentes du FSM, la difficulté résidait dans la multitude de langues, cette année, nous pouvons imaginer que la technologie sera comme une langue de plus. Le FSM a toujours jonglé avec les langues », affirme Soulard.
Deux sites web comme supports
Il explique que le FSM 2021 tournera autour de deux sites web. Le premier présente le forum, récapitule le processus de préparation de la convocation 2021, l’échange des contenus de réflexion dans la phase préparatoire, ainsi que les bulletins d’information qui ont été distribués: https://wsf2021.net/. L’autre est le moyen d’assurer l’enregistrement des participants et des organisations, ainsi que de proposer des activités et des initiatives. Il contient également le calendrier quotidien et les activités répertoriées: https://join.wsf2021.net/?q=fr.
François Soulard souligne que « le système mis en place permettra de compiler les activités par jour, heure, thème et titres. Une organisation peut proposer que son activité soit ouverte, semi-ouverte ou fermée ». Les journalistes qui souhaitent couvrir ou participer au FSM peuvent également obtenir une accréditation à l’adresse suivante: https://join.wsf2021.net/?q=fr/press.
La structure générale des activités répond à deux grandes logiques: les activités autogérées et les panels de discussion promus par le groupe d’animation du FSM lui-même – qui est l’organe responsable de l’organisation de cette édition – et par les groupes thématiques. Le programme de base est bien nourri, très diversifié et avec des visions associatives très variées: https://join.wsf2021.net/?q=fr/programa-evento.
Des outils ouverts et indépendants
François Soulard explique que l’objectif est d’assurer des traductions simultanées et une coordination avec 24 fuseaux horaires. L’opération sera fondamentalement structurée, basée sur l’utilisation d’outils libres, ouverts et souverains, c’est-à-dire autogérés en dehors des monopoles numériques. « Une partie de l’opération est liée à une vision démocratique et ouverte de la communication qui englobe certaines technologies à source ouverte et les connaissances des groupes d’activistes. Naturellement, elle n’exclut pas les technologies privées qui sont très répandues et parfois difficiles à égaler », souligne-t-il.
« Une partie de la structure technologique de la communication elle-même est assumée par deux acteurs : le mouvement MayFirst, ainsi que la plateforme Dunia, à laquelle je participe et que je coordonne. Plusieurs réseaux tels que Ciranda et le Forum mondial des médias libres accompagnent le travail, notamment en termes d’animation et de diffusion », précise le militant associatif français.
Courons-nous le risque de voir les réseaux s’effondrer si un grand nombre de participants exerce la même activité en même temps? « C’est toujours possible, même si nous essayons de prévoir tous les cas de figure. En outre, il existe des filtres pour préserver l’arrivée d’éventuelles attaques virtuelles qui pourraient intentionnellement tenter de compliquer l’opération », explique-t-il.
20 ans : de Porto Alegre au langage virtuel
L’enthousiasme est immense et le travail « logistico-préparatoire », comme dans toutes les éditions précédentes du FSM, implique essentiellement un grand effort humain et organisationnel d’innombrables militants. Malgré le fait que, dans cette édition en particulier, ils soient obligés de donner la priorité au langage numérique et de le développer.
La course contre la montre a été intense, presque marathonienne. La phase finale de l’organisation de ce FSM 2021 n’a été lancée qu’à la fin du mois d’octobre 2020. Avec une expérience très précieuse qui a presque servi de répétition générale antérieure : le Forum social des économies en mutation (https://transformadora.org/fr/inici), qui, étant donné la pandémie, a également été réalisé entièrement de manière virtuelle.
« Un autre monde possible » de Porto Alegre 2001, 2002, 2003, 2005 ; Mumbay 2004 ; Nairobi 2007 ; Belem de Para 2009 ; Dakar 2011 ; Tunisie 2013-2015 ; Montréal 2016 et Salvador de Bahia 2018 ; fait face aujourd’hui à un monde tumultueux, en profonde crise de pandémie et de civilisation.
Il met sur la table le bilan nécessaire de toute l’expérience accumulée lors de ses précédentes éditions, des événements décentralisés, des forums nationaux, continentaux et thématiques, des nouveaux réseaux sociaux internationaux, ainsi que des grandes mobilisations citoyennes que ce processus a promu et convoqué au cours de ses à peine 20 ans d’existence.
Un processus qui n’est ni paralysé ni hésitant. Dans un contexte où l’altermondialisme, la créativité et la rénovation se tiennent plus que jamais par la main. Conscient que le pari d’un Autre monde possible, sur la planète Terre 2021, est également écrit en langage virtuel.