Le FSM : la force d’une idée

 

Francine Mestrum[1]

On a souvent dit que le FSM souffrait d’une opposition entre ONG et mouvements sociaux, comme si les ONG étaient les réformistes sans contact avec leur base et les mouvements sociaux les vrais représentants populaires. Je ne crois pas que ce fut vrai. Il y a bien des ONG qui sont réellement révolutionnaires tandis que plusieurs mouvements savent comment contrôler leurs membres. Les vrais problèmes du FSM se trouvent ailleurs. Premièrement, il n’y a jamais eu de bonne définition de « l’espace ouvert » et de « l’horizontalité ». Ces beaux principes sont très attrayants à condition de traduire quelque chose de bien concret. Partout où des individus se réunissent, en grand ou en petit nombre, se créent des relations de pouvoir qui doivent, si possible, être démocratiquement régulées et limitées. Si « l’horizontalité » signifie que les hiérarchies réellement existantes se cachent derrière un principe creux, des problèmes de responsabilités et de transparence se poseront. Si les structures sont si complexes que personne ne sait qui doit faire quoi, des malentendus se multiplient et la confiance fera défaut. Un petit groupe au sein du conseil international a plaidé pour des structures légères, mais transparentes, mais ceux qui ont le pouvoir sans que celui-ci soit visible, refusent tout changement.

Un deuxième problème est la peur des initiateurs brésiliens de toute politisation du Forum. Si le tout premier Forum avait été organisé à la veille de l’élection de Lula à la présidence du Brésil avec l’objectif de le promouvoir, aujourd’hui la politique fait peur. L’absurdité d’une telle attitude dans un forum qui veut « changer le monde » saute aux yeux. Néanmoins, cela constitue une opposition permanente entre la vieille garde du Forum et des participants plus jeunes et plus dynamiques au conseil international. Les premiers ne veulent plus de forums polyvalents et rêvent d’un grand nombre de forums thématiques, sur l’eau, les migrations, le nucléaire, etc. Ils continuent d’insister sur la diversité et tremblent dès qu’on parle convergence.

Un troisième problème est purement d’ordre matériel : un manque de ressources. Le budget pour le FSM de Salvador en mars 2018 s’élève à 2,5 millions d’euros, un montant très modeste. A l’époque où le conseil international payait les billets d’avion de ses membres, les alliances étaient faciles à faire. Maintenant que cela n’est plus possible, certains membres ne viennent plus et ceux qui restent sont plus autonomes et peuvent mettre en minorité la vieille garde. Les contraintes budgétaires, partout dans le monde, sont un frein réel au déplacement des représentants des mouvements sociaux.

Aller plus loin

La rencontre du Conseil international de Porto Alegre en janvier 2017 a permis d’identifier des pistes. Les discussions ont été calmes et sérieuses, tout le monde craignant la résurgence des clashs de Montréal, où, malgré l’existence d’un consensus, aucune condamnation du « coup » au Brésil ne fut possible. La dernière demi-journée, cependant, les oppositions se sont à nouveau manifestées, la vieille garde s’opposant à l’organisation d’un Forum à Salvador au printemps 2018. Un vote l’a mise en minorité.
Voilà donc qu’en octobre 2017 une réunion a eu lieu à Salvador pour préparer concrètement le Forum. La rencontre était très positive et constructive, personne n’a osé s’opposer à quoi que ce soit. Les mouvements sociaux de Salvador sont très dynamiques et tout le monde est très optimiste quant aux chances du prochain Forum.

Un élément extrêmement prometteur est la collaboration avec l’Université fédérale de Bahia, un établissement public qui compte plus de 200 000 étudiants. Nous y avons tenu, après la réunion du conseil international, une conférence avec des activistes et des membres du corps professoral, une formule très intéressante. Pour le recteur de l’université, il est très important de construire et de renforcer des ponts entre son établissement et la société.

Ce nouveau Forum nous a rendus optimistes. La dynamique y est et le conseil international peut également se réinventer.

[1] Extrait d’un texte paru sur le site du CETRI,  http://www.cetri.be/Le-Forum-social-mondial-reinvente

 

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