Par la Via Campesina, America Latina en movimiento, publié le 16 avril 2020
Journée internationale des luttes paysanne – La Via Campesina gardera la mémoire du massacre #EldoradoDosCarajás au Brésil et de notre lutte continue contre l’impunité des entreprises et des États. La crise COVID-19 nous montre que le moment est venu d’exiger des réformes structurelles des systèmes agroalimentaires au niveau mondial.
Les États doivent garantir l’accès de leurs populations à une alimentation saine et culturellement appropriée et prévenir les pénuries. Ils doivent agir maintenant pour mettre fin à toutes les formes de spéculation sur les produits de base pratiquées par les monopoles transnationaux de l’agroalimentaire. Dans cette lutte contre la faim, il est urgent d’investir dans l’agriculture paysanne et de soutenir les marchés paysans locaux, tout en respectant les mesures sanitaires appropriées. Il est temps de défendre la souveraineté alimentaire de nos communautés et de garantir les droits des paysan·ne·s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. Il est maintenant essentiel de promouvoir des politiques publiques qui bénéficient à la majorité de la population, qui donnent la priorité aux secteurs les plus vulnérables, comme les travailleur·se·s ruraux, les femmes, les migrant·e·s et la classe ouvrière dans les villes.
Tout en appelant à la mobilisation lors du 17 avril 2020, La Via Campesina a exhorté ses membres et alliés à rester chez eux, mais pas en silence, et à dénoncer les multiples assassinats, les expulsions et les blocus économiques. Elle a demandé à ses communautés de dénoncer la criminalisation continue des luttes paysannes, et de dévoiler les conditions précaires des économies rurales. Il est essentiel de dénoncer la négligence de certains gouvernements et leurs pratiques fascistes, patriarcales et militaires à l’encontre de leur population – qui se sont aggravées en période de pandémie. Cette crise nous montre une fois de plus la nécessité d’un changement profond du système capitaliste. C’est un système qui est intenable et incompatible avec la nature et la vie. Il est temps d’introduire des transformations structurelles dans les systèmes agroalimentaires, et non pas seulement d’insister sur la nécessité de mettre en place davantage de programmes d’aide. La faim va augmenter dans de nombreux pays. Le confinement et la négligence historique de l’agriculture paysanne peuvent avoir de graves conséquences qui peuvent aggraver le problème de la faim dans le monde.
Notre tâche en tant que La Via Campesina est de nourrir les gens, et nous voulons continuer à le faire. Nous comprenons que la production d’aliments sains ne peut pas cesser et qu’elle constitue la première ligne de défense contre COVID-19. Cependant, cela exige de garantir des conditions de vie sûre et digne aux paysan·ne·s, pendant et après la crise. En tant que La Via Campesina, en ce 17 avril 2020 – Journée internationale des luttes paysannes – nous nous engageons à continuer à travailler collectivement dans tous les coins du monde, porté·e·s par la solidarité et l’internationalisme. Aujourd’hui, nous appelons la société à réfléchir à des idées transformatrices et progressistes. Comme les paysan·ne·s, nous vous invitons à cultiver – la recherche de réponses pour faire face à cette urgence ; à semer – des alliances et de la solidarité ; et à récolter – en temps de récession économique, nos droits collectifs en tant que paysan·ne·s et travailleur·se·s. La résistance continue !
Labourez la quête de réponses !
Nous devons tirer les leçons de notre histoire. Il est essentiel de travailler en collectif, comme cela se fait depuis plusieurs milliers d’années. La société civile, les mouvements organisés et les États doivent travailler ensemble en quête de la justice et la dignité :
Politiques publiques – il est essentiel de comprendre l’impact considérable des politiques publiques sur la vie des gens. Il est essentiel de défendre l’éducation, la santé et le droit à de meilleures conditions de vie pour la classe ouvrière dans les zones urbaines et rurales. Nous avons la tâche de récupérer les services publics privatisés. Les gouvernements qui ont démantelé les systèmes publics sont maintenant confrontés aux conséquences de leurs graves erreurs.
La souveraineté alimentaire est vitale pour nourrir les peuples de manière saine et durable. Les marchés paysans locaux et les foires locales doivent rouvrir de toute urgence pour approvisionner les villes et prévenir la faim. Pendant cette crise, les États doivent assurer l’approvisionnement public en aliments produits par les petits agriculteur·trice·s. Nous devons adopter les principes de l’agroécologie et nourrir nos communautés avec des aliments sains et nutritifs pour améliorer notre immunité, ce que les supermarchés et les chaînes de restauration rapide ne peuvent pas faire.
Les États doivent garantir et investir dans des soins de santé publique de qualité. Dans le contexte de la crise COVID19 , il est urgent de garantir l’accès à un dépistage gratuit et à un traitement complet, dans les zones urbaines et rurales, sans discrimination, avec un engagement ferme pour la défense de la vie. Nous dénonçons toute tentative de profiter de cette crise pour privatiser des services ou générer des profits.
Nous condamnons les pratiques abusives des entreprises privées et transnationales, les licenciements massifs, l’asservissement des travailleur·se·s agricoles avec des horaires prolongés et sans moyens de sécurité, et avec des pratiques honteuses telles que la fumigation directe et les réductions de salaire pouvant aller jusqu’à 60%. Les gouvernements doivent intervenir pour garantir des politiques publiques en faveur des travailleur·se·s, et défendre les intérêts de la grande majorité. Il est essentiel d’agir rapidement, de manière décisive et coordonnée, et prendre des mesures correctes et urgentes. C’est ce qui pourrait faire la différence entre la survie et l’effondrement.
Droits humains/ Droits des paysan·ne·s – dans ce climat de guerre, de militarisation et de mort, même sous la contrainte, nous devons défendre les droits humains, la paix et la vie des hommes et des femmes qui protègent leurs territoires. Mettez fin à la violence, à la mort et à l’impunité en Colombie, au Brésil, en Équateur, au Honduras, en Palestine, aux Philippines et dans le monde entier !
Il est essentiel de garantir les droits des paysan·ne·s, énoncés par la déclaration des Nations unies adoptée en 2018. Nous devons garantir l’accès à la terre, aux semences et à toutes les conditions nécessaires pour nourrir les populations en toute sécurité. En ce sens, l’amélioration des infrastructures des campagnes augmente la disponibilité de la nourriture. Dans cette crise, nous devons augmenter les surfaces cultivées et accroître la productivité grâce à des Réformes Agraires Populaires et à l’Agriculture Paysanne en harmonie avec la nature, afin de fournir une alimentation saine aux populations et refroidir la planète.
Semez les alliances et la solidarité !
Cette crise est également l’occasion de semer les graines du changement. Nous devons préparer la terre à un autre modèle de société et de systèmes agroalimentaires. Cette tâche exige la création d’alliances ; La solidarité et l’internationalisme doivent être les valeurs motrices de cette reconstruction de nos sociétés :
Alliance rurale/urbaine – Nous devons promouvoir des alliances solides qui relient les droits de la classe ouvrière dans les campagnes et les villes, et unir nos forces contre la détérioration de la qualité de vie, la perte de droits, les licenciements massifs et les expulsions.
Producteurs/consommateurs – Nous devons résister à la spéculation et à la marchandisation de l’agriculture. Nous devons au contraire promouvoir nos réseaux locaux de commerce, en renforçant les marchés paysans locaux et en innovant dans d’autres systèmes basés sur le commerce équitable, le troc ou d’autres formes d’échanges solidaires.
Secteurs vulnérables – Avec l’engagement ferme de défendre la vie et de respecter la diversité, défendons les droits des populations les plus vulnérables et des secteurs les plus pauvres, des groupes LGBTIQ, des personnes handicapées, des personnes âgées, des femmes et des patients en phase terminale.
Contre les blocus et les ingérences : Nous devons faire preuve de solidarité envers des pays tels que le Cuba, le Venezuela, la Palestine et l’Iran, et dénoncer le blocus économique brutal et l’ingérence militaire des États-Unis impérialistes, qui mettent en danger la vie de larges populations par manque de fournitures médicales. Le rejet d’une demande de prêt du Venezuela montre à quel point le FMI méprise les populations et les travailleurs ruraux. Cependant, Cuba donne l’exemple au monde d’une solidarité tangible en envoyant des “Brigades médicales” dans des centaines de pays, offrant leurs services et leur expérience sans aucune discrimination #CubaSavesLives.
Récoltez vos droits !
Dans un contexte de ralentissement économique, comme celui auquel nous serons confronté·e·s après COVID-19, il est urgent de récolter les droits de la classe ouvrière, des paysan·ne·s et de la grande majorité : l’heure est venue !
Nous exigeons des États :
– Une justice fiscale et l’imposition réelle des riches entreprises et les élites et de mettre fin à l’évasion fiscale et au blanchiment d’argent en luttant contre les paradis fiscaux
– Le non-paiement des dettes extérieures toxiques et illégitime et le réinvestissement dans les politiques publiques pour la santé, l’éducation, le travail et le monde rural en priorité.
– Le rejet des recettes néolibérales du FMI et de la Banque mondiale qui ont dominé le monde pendant les 50 dernières années. Le FMI a activement permis l’épuisement des ressources naturelles en Afrique, en Asie et en Amérique latine, ainsi que la démolition des institutions démocratiques dans un pays après l’autre.
– Exiger des droits non exclusifs et un accès égal aux médicaments pour lutter contre la COVID-19.
– Instaurer un revenu de base universel comme le droit de tous les citoyen·ne·s, qui devrait au moins couvrir les besoins vitaux, en apportant un soutien réel à des millions de familles sans emploi, faisant partie de la main-d’œuvre informelle et travaillant dans des conditions précaires.