Le pétrole restera-t-il l’énergie de demain

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Par Bertrand Schepper, IRIS, publié le 13 mai 2000

Poser la question de l’avenir du pétrole équivalait jusqu’à récemment à se projeter quantitativement dans quelques années, voire quelques décennies. Or, avec la crise de la COVID-19 et la chute du prix du baril de pétrole, il est légitime de penser que le monde entamera plus tôt que tard une transition énergétique.

La pandémie a aggravé une situation qui se caractérisait par un surplus de pétrole offert sur la planète. Une guerre de prix faisait rage entre les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et avait poussé début mars la Russie et les États-Unis à augmenter l’offre de pétrole au-delà de la demande. Or, le ralentissement de l’économie causé par les mesures de confinement adoptées partout à travers le monde a entraîné une baisse de plus du quart de la demande mondiale de pétrole et a accentué la chute des prix du baril de pétrole.

Depuis, les grands investisseurs pétroliers ont gelé leurs investissements dans ce secteur afin d’éviter d’importantes pertes. Cette tendance a eu pour effet d’alourdir la dette déjà considérable des petits producteurs nord-américains de pétrole non conventionnel, comme le pétrole de schiste ou celui des sables bitumineux.

Une réunion spéciale du G20 avait été convoquée pour tenter de trouver des solutions aux problèmes du secteur. Or, faute d’être parvenu à un accord lors de cette rencontre, les grandes banques américaines et les gouvernements nord-américains ont décidé d’injecter d’importantes sommes d’argent dans le pétrole de schiste, et ce même si plusieurs entreprises de ce secteur étaient peu ou pas rentables avant le début de la crise.

Cette tentative de sauvetage montre l’importance stratégique actuelle du pétrole dans le maintien de l’économie capitaliste. Même si on peut s’attendre à une hausse des investissements dans les énergies renouvelables au cours des années à venir, cette réaction des gouvernements face aux déboires de l’industrie pétrolière indique que les forces du statu quo sont bel et bien à l’œuvre.

Une sortie de crise sans pétrole est peu probable, mais…

Alors que l’industrie pétrolière avait déjà de la difficulté à rentabiliser des projets de pétrole non conventionnel, la présente crise risque de rendre ces investissements encore plus risqués. Les difficultés qu’elle traverse actuellement pourraient en outre compromettre la capacité du secteur à soutenir la demande énergétique de l’économie, et ce malgré la restructuration prévisible de secteurs énergivores comme celui de l’aviation.

Rappelons à ce propos qu’à la fin de 2018, l’Agence internationale de l’énergie évaluait qu’il y aurait un resserrement de l’offre d’ici 2025 et que la capacité de fournir la planète en pétrole ne pourrait être comblée que par le doublement de l’apport en pétrole de schiste américain. Soulignons enfin que malgré la baisse de demande de pétrole estimée pour les prochaines années, les besoins prévus restent largement supérieurs aux niveaux cibles de diminution de GES inscrits aux Accords de Paris.

La crise que nous traversons nous rappelle ainsi l’importance de diminuer notre dépendance face au pétrole, mais aussi aux différentes formes d’énergie puisque celles-ci ne pourront probablement jamais répondre à la demande mondiale en pétrole. Pour ce faire, il est impératif de revoir de fond en comble nos manières de produire et de consommer. Les chantiers sont nombreux : favoriser au maximum l’efficacité énergétique, réduire le transport de marchandises en développant une économie de circuits courts, préconiser le transport en commun et le transport actif (marche, vélo, etc.), revoir nos habitudes alimentaires, créer de nouvelles techniques de construction, etc.

Ces changements permettraient non seulement de réduire massivement notre dépense d’hydrocarbures, mais ils stimuleraient l’économie locale, permettraient une meilleure création d’emplois et seraient gages d’une plus grande résilience économique.

Le pétrole sera encore l’énergie principale au lendemain de la crise de la COVID-19, mais il est tout de même possible d’imaginer que l’efficacité énergétique et la lutte au gaspillage soient les priorités d’après-demain.