Marwan Bishara, Al Jazeera, 16 janvier 2020
Une autre année, une autre décennie, une nouvelle série de mauvaises nouvelles au Moyen-Orient.
La semaine dernière, les gros titres ont fait la une des journaux: décès dans les prisons égyptiennes, affrontements au Soudan, aggravation des crises humanitaires au Yémen et en Syrie, expansion illégale des colonies israéliennes en Palestine, paralysie politique en Tunisie, échec des pourparlers de cessez-le-feu libyens, tout cela, en plus de la confrontation américano-iranienne en Irak.
L’oppression, la violence, le sectarisme, l’inégalité, l’insécurité et la guerre sont tellement omniprésentes qu’elles créent une situation où l’optimisme cède la place au pessimisme.
De nombreux Arabes en sont venus à croire que les succès emportent avec eux les germes de l’échec. De cette façon, même les révolutions qui ont réussi à démanteler les dictatures se retrouvent confrontées avec les vestiges du passé qui hantaient leur avenir.
Cela peut expliquer le scepticisme face à la nouvelle vague de bouleversements populaires qui s’est propagée au cours de l’année du Soudan et de l’Algérie à l’Irak et au Liban et de plus en plus à l’Iran. Mais un tel scepticisme ne doit pas obscurcir la sensibilité, la prudence et l’amplitude des nouveaux soulèvements.
Quelles sont les leçons ?
Les vagues de protestations dans ces pays empruntent la voie des mouvements de protestation en Tunisie et en Égypte, embrassant la paix, l’authenticité et la réforme, et rejetant la violence et les conflits civils comme moyen d’affronter des régimes oppressifs et corrompus.
Les mobilisations en cours semblent avoir tiré les dures leçons de la Syrie, de la Libye, du Yémen et de l’Irak, car elles rejettent les guerres par procuration et les interventions militaires étrangères qui prétendaient apporter la sécurité ou la démocratie, mais qui en réalité ont engendré le chaos et la dévastation.
Les nouveaux soulèvements insistent sur des réformes démocratiques exemptes de sectarisme, d’intégrisme et d’autoritarisme, rejetant le passage d’une forme d’autoritarisme à une autre.
Ces leçons sont indispensables pour avancer. Les mobilisations en cours mettent les régimes arabes sur la défensive, forçant les dirigeants à démissionner et faisant pression sur les parlements pour qu’ils se réforment, créant de nouveaux précédents pour un changement pacifique.
Ces processus lents et frustrants sont essentiels pour que les réformes soient véritablement démocratiques. Contrairement aux révolutions totalitaires, les révolutions démocratiques sont par nature évolutives et mettent du temps pour changer la culture politique et à transformer la société. L’arc de l’histoire peut plier vers la justice, mais trop souvent, il entre dans des oscillations régressives.
Il faut voir le printemps arabe non pas comme un événement avec un début et une fin, mais plutôt comme un espoir pour combattre le désespoir, comme une dose de courage surmontant la peur et comme un changement promettant un avenir meilleur. Certes, il faut avoir une pensée critique pour se prémunir de tout triomphalisme. Remettons le printemps au printemps arabe.