Récemment, des animateurs de la radio parlée montréalaise discutaient de l’idée du «passeport vaccinal». Ils défendaient la proposition de l’appliquer à une gamme d’activités dans un avenir prochain. Un des animateurs déclarait : «quand je retournerai au cinéma, je ne veux pas qu’une personne non vaccinée s’assoie à côté de moi». Cette phrase est d’une profonde tristesse.
La sortie de la crise du coronavirus est souhaitée par tous, mais si les campagnes de vaccination actuelles nous permettent d’entrevoir la lumière au bout du tunnel, ce que notre société a besoin, plus que jamais, est de solidarité et d’harmonie entre les citoyens. C’est à l’unisson que nous arriverons à panser les plaies de cette pandémie. Cette mesure de passeport vaccinal est susceptible de nous faire entrer, une fois le coronavirus vaincu, dans une nouvelle crise, celle d’une économie de l’exclusion.
Le terme juridique approprié pour le document qui atteste de la vaccination des individus est celui de «preuve de vaccination». Son utilisation est restreinte dans une société libre et démocratique. En effet, les mesures sanitaires qui sont appliquées, par exemple par les gouvernements provinciaux canadiens, sont légales malgré qu’elles contreviennent aux droits et libertés des personnes parce qu’il y a urgence sanitaire. À partir du moment où l’urgence sanitaire ne sera pas reconduite par la législature, les règles régulières de protection de la vie privée vont recommencer à s’appliquer. L’obligation de présenter une preuve de vaccination contrevient au droit à la vie privée, d’autant plus que la vaccination est un acte médical. Il restera une situation dans laquelle la preuve de vaccination pourra être utile, dans le cas d’un voyage dans un pays étranger, si ce pays l’exige, celui qui veut y entrer doit en respecter la souveraineté.
Au-delà des débats légaux sur le sujet, il faut se rappeler à quel point les petites et moyennes entreprises (PME) de service (restaurants, cafés, bars, salles de spectacle, cinémas, etc.) ont souffert des fermetures depuis plus d’un an. Lorsque le temps sera venu de permettre leur réouverture, elles auront soif de clientèle et de simplicité. Que ces endroits ouvrent pour tout le monde et dans un esprit bon enfant est une question de bonne ambiance sociale. Le retour à la normale tant convoité doit se baser sur une évaluation des indicateurs pandémiques directs : nombres de cas, hospitalisations, décès. Il est déjà assuré qu’une portion non négligeable de la population ne sera pas vaccinée, et ce pour toutes sortes de raisons. Il ne faut pas tomber dans la ségrégation de ces personnes ni commencer à enquêter au cas par cas sur les raisons sous-jacentes à la non-vaccination d’une personne.
Rappelons-nous qu’il vaut mieux convaincre que de contraindre. Le retour à la normale après une telle catastrophe humaine ne doit pas être assorti d’une économie de l’exclusion. Ce doit être le retour des belles choses, de la cohésion sociale. C’est le retour des sourires.
Charles-Étienne Beaudry
Doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa