Les communautés bleues contre la marchandise de l’eau !

À propos du nouveau livre de Maude Barlow

Le nouveau livre de Maude Barlow publié en français par les éditions Écosociété, À qui appartient l’eau? Faire barrage à la privatisation d’une ressource vitale, participe à remettre au jeu la critique de la marchandisation de l’eau. L’entrevue que fait Renaud Duterme avec Maude Barlow sur son livre est un tour d’horizon sur les résistances des populations aux quatre coins du monde. Notamment proposées par la coalition Eau Secours, le projet des communautés bleues est une campagne d’éducation et de sensibilisation qui invite les collectivités à s’engager pour la cause de l’eau. Le réseau compte actuellement 37 Communautés bleues au Québec. Il s’agit d’une initiative conjointe de Planète bleue, du Syndicat canadien de la fonction publique et du Conseil des Canadiens, coordonnée au Québec par Eau Secours.

L’eau n’est pas une marchandise

Renaud Duterme

Peu évoqué dans les débats publics, l’accès à l’eau est pourtant une question cruciale. Le réchauffement menace de nombreuses sources et l’eau est devenue pour beaucoup un vecteur de profit. Contre cette marchandisation, des populations se lèvent aux quatre coins du monde. Tour d’horizon avec l’infatigable militante canadienne Maude Barlow.

Comme de nombreux éléments indispensables à la vie, l’eau est revendiquée par une majorité comme un bien commun. Revendication attestée par de nombreux textes internationaux considérant l’accès à une eau salubre comme un droit humain fondamental. Pourtant, on assiste depuis quelques décennies à une privatisation rampante de cette ressource, en particulier sous l’impulsion de politique néolibérales promues par des gouvernements ou des institutions internationales (Banque mondiale, Commission européenne, etc.). Du Royaume-Uni au Chili, en passant par l’Espagne, la France ou encore l’Inde et le Mexique, la marchandisation de l’eau impacte des millions de personnes, en particulier les plus démunies.

Explosion des tarifs et coupures d’alimentation pour les « mauvais payeurs » à la suite de la privatisation des services de distribution ; prélèvements démesurés et épuisements des nappes phréatiques par l’industrie de l’eau en bouteille (forçant parfois les habitants à consommer de l’eau insalubre) ; production astronomique de plastique et émissions de gaz à effet de serre (l’eau en bouteille nécessiterait près de 2000 fois plus d’énergie que l’eau du robinet) ; exportation de milliards de litres d’eau virtuelle hors des régions d’origine ; rémunérations exorbitante pour les actionnaires des grandes multinationales du secteur. En bref, la gestion privée de l’eau douce illustre à elle seule les dérives inhérentes au capitalisme globalisé.

Fort heureusement, face à cet accaparement, des hommes et des femmes luttent et revendiquent une gestion de leurs ressources hydriques hors des forces du marché. Cette lutte se matérialise notamment par l’instauration des Communautés Bleues. Ces collectivités (villes, régions, communes, etc.) ou institutions (universités, écoles, etc.) « s’engagent à défendre le droit à l’eau et à restreindre la contamination par le plastique au sein de leurs communautés ». Concrètement, elles agissent via trois axes :

  • a) s’engager à protéger et à promouvoir l’eau et les services d’assainissement en tant que droits de la personne ;
  • b) protéger l’eau comme un bien commun en faisant la promotion de services d’eau potable et d’eaux usées financés, détenus et exploités par la collectivité (ce qui exclut toute prise de décision par des investisseurs à buts lucratifs) ;
  • c) bannir progressivement la vente d’eau embouteillée, si tant est qu’existent des sources d’eau potables accessibles au public.

Bien entendu, l’appellation de Communauté Bleue ne garantit pas à elle seule un accès équitable à l’eau pour une population. Il n’empêche qu’elles constituent un contre-pouvoir face à une logique marchande prédatrice qui ne manquera pas de profiter des crises en cours et à venir pour tenter de mettre la main sur un des pans essentiels de notre quotidien. Or, ce contre-pouvoir passe d’abord par une conscientisation sur ces enjeux, qui plus est dans des pays prospères où il suffit d’ouvrir son robinet pour bénéficier d’une eau propre et abondante.