La réunion du « Quad » était prévue depuis plusieurs mois. Mike Pompeo, dont c’était la première visite en Asie de l’Est depuis plus d’un an, a rencontré ensemble ses homologues japonais Toshimitsu Motegi, australien Marise Payne et indien Subrahmanyam Jaishankar dans la capitale nippone. Il en a profité pour décocher de nouvelles flèches en direction de Pékin et plus particulièrement le Parti communiste chinois, sa cible favorite dans un contexte de relations sino-américaines tombées au plus bas depuis 1979, date de l’établissement de relations diplomatiques entre la Chine et les Etats-Unis.
« En tant que partenaires dans ce « Quad », il est plus critique que jamais pour nous de collaborer pour protéger nos populations et nos partenaires contre l’exploitation, la corruption et la coercition du PCC, a-t-il lancé. Nous le constatons en mer de Chine du Sud, en mer de Chine orientale, dans le Mékong, dans l’Himalaya et dans le Détroit de Taïwan. »
Réagissant à ces déclarations, la Chine, par la voix de Wang Wenbin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a critiqué la tenue d’une « clique ». « Nous espérons que les pays concernés rechercheront l’intérêt commun des pays dans la région et œuvreront davantage en faveur de la paix régionale, la stabilité et le développement et pas le contraire. »
Nouvel OTAN
Le « Quad », l’Initiative quadrilatérale réunissant les États-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde, a été mise sur pied en mai 2007 avec la première rencontre entre les chefs de la diplomatie des quatre pays à Manille. Conduit à l’origine par l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe, le « Quad » se défend de prendre pour cible un pays en particulier. Mais cette dernière réunion a montré le contraire.
De fait, les relations entre la Chine d’une part et l’Inde et l’Australie d’autre part, se sont considérablement dégradées depuis le début de l’année. En témoignent les affrontements frontaliers sino-indiens en juin dernier qui ont fait au moins vingt morts côté indien et un nombre indéterminé de victimes côté chinois, de même que l’initiative prise par Canberra de lancer un appel pour une enquête internationale sur l’origine de la pandémie de Covid-19.
Le Japon tente pour sa part de maintenir des relations équilibrées avec la Chine. Son nouveau Premier ministre Yoshihige Suga s’est ainsi bien gardé de reprendre à son compte les propos de Mike Pompeo. « Dernièrement, l’ordre international a été mis au défi dans divers domaines et le coronavirus a accéléré cette tendance », a sobrement souligné le ministre nippon des Affaires étrangères, sans jamais mentionner explicitement la Chine. « Nos quatre pays partagent l’objectif d’un renforcement d’un ordre international libre et ouvert », a-t-il ajouté, Tokyo prenant soin d’indiquer que la réunion quadrilatérale ne visait aucun pays en particulier.
Fin août, le secrétaire d’Etat adjoint Stephen Biegun avait expliqué l’objectif des États-Unis : transformer ce « Quad » en une sorte de nouvel « OTAN » pour la région Asie-Pacifique avec le renforcement des liens entre les quatre pays. Le gouvernement américain, avait-il précisé, souhaite « créer une masse critique autour de valeurs et d’intérêts communs » afin d’en faire à terme « un ensemble mieux structuré » qui accueillerait en son sein d’autres pays de la région. « Souvenez-vous de l’OTAN qui a commencé avec un petit nombre de pays », avait-il rappelé.
Tensions militaire entre Taipei et Pékin
Cette dernière réunion du « Quad » intervient sur fond de tensions militaires croissantes entre la Chine et Taïwan. Le ministre taïwanais de la Défense Yen Teh-fa a indiqué ce mercredi 7 octobre que l’île avait dépensé près de 900 millions de dollars avec les multiples sorties aériennes suscitées par les opérations chinoises à proximité de Taïwan et en particulier les incursions aériennes chinoises au-delà de la voie médiane qui sépare le continent et l’ancienne Formose dans le détroit de Taïwan. Les avions de la chasse taïwanaise ont opéré un total de 2 972 sorties depuis le début de l’année pour contrer des opérations aériennes chinoises, pour un coût total de 25,5 milliards de dollars taïwanais (886,49 millions de dollars américains). « Dernièrement, la pression a été forte. Dire le contraire reviendrait à tromper la population », a reconnu le ministre de la Défense.
Lundi 5 octobre, à l’occasion de la Conférence annuelle Taïwan/États-Unis sur l’industrie de la défense, le vice-ministre taïwanais de la Défense Chang Guan-chung a invité les Américains à contribuer davantage à la défense de Taïwan face aux menaces croissantes venues du continent chinois. Taipei, a-t-il insisté, a besoin d’un engagement plus fort de Washington pour lui permettre « d’augmenter le coût pour l’ennemi que représenterait une invasion de Taïwan. » En août dernier, l’administration américaine avait donné son feu vert à la vente à Taïwan de 66 chasseurs F-16V supplémentaires, portant la flotte totale de F-16 dans l’île à 208. Cette vente fait de la flotte taïwanaise la plus importante en Asie de ces chasseurs de fabrication américaine.
« La montée en puissance de la Chine a compliqué davantage l’environnement sécuritaire dans la région Indo-Pacifique, a ajouté Chang Guang-chung. Les pays dans cette région sont collectivement confrontés aux défis visant au maintien de la paix, la stabilité et la prospérité régionales. »
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