Mégane Arseneau participante à la délégation jeune à l’UÉMSS 2023
Le présent article est tiré de trois activités Hors les murs de l’UÉMSS: une visite du parcours de la Révolution française de 1789 à la Commune, une visite du quartier des courtilières et la visite de la Gare de Bobigny.
Trois visites Hors les murs de l’UÉMSS nous aident à mieux comprendre le site choisi pour la tenue de l’événement et aussi de plusieurs des effets de causalité de l’histoire des luttes. Ces activités Hors les murs permettent de retrouver les solidarités que l’histoire porte, au-delà des activités formelles de l’université. Où nos yeux voient une somptueuse statue se retrouvait une ancienne célèbre prison. Où nous voyons un campus, il se trouvait une imprimerie avec laquelle toute une vie ouvrière se développa, ou encore, où nous voyons une simple gare sur un terrain vague, jadis, a été le théâtre d’un des mouvements les plus sombres de l’histoire moderne.
Paris – au-delà de la Ville lumière et de la ville de l’amour
Paris est une ville qui a été le théâtre de plusieurs mouvements sociaux. La balade dans l’histoire parisienne débute sous une chaleur accablante sur le lieu emblématique de la Place de la Bastille où une magnifique statue siège. Ce lieu abritait jadis la célèbre Prison de la Bastille, un lieu culte de la Révolution française. La prise de la Bastille est sans doute le plus célèbre des mouvements sociaux qui ont marqué l’histoire de la France. Une prise qui a été effectuée, non pas pour la libération des prisonniers s’y retrouvant, mais pour l’obtention de poudre à fusil pour permettre au peuple de Paris de s’armer.
Autre fait marquant concernant cette ville riche d’histoires, la monarchie vivait dans un palais à Paris, mais Louis XIV fit construire Versailles, désireux de s’éloigner de la ville qui lui fut hostile pendant la révolte de la Fronde. Par la suite, après la Révolution française, le siège de l’Assemblée nationale fut établi dans un bâtiment qui est comme un aveugle dans Paris.
En effet, il fut soigneusement choisi, parce qu’il n’a pas de fenêtres et qu’il est impossible de l’intérieur de voir le peuple dans la rue et de s’en faire influencer. Bien qu’il soit réputé détenir le pouvoir, cette assemblée nationale symbolise en quelque sorte qu’il se résume à l’urne.
Le quartier des courtilières
Le quartier des courtilières regroupe les secteurs d’Aubervilliers — Pantin — Bobigny. C’est un quartier fort de son histoire ouvrière. En effet, une ville qui s’est construite autour d’une célèbre imprimerie maintenant devenue l’un des campus de l’université de Sorbonne à Bobigny, site de l’UÉMSS. Cette imprimerie souhaitait avoir une main-d’œuvre à proximité. Elle avait un ambitieux projet domiciliaire avec jardin adjacent pour permettre aux familles ouvrières de cultiver la terre pour se nourrir. Un projet qui n’a finalement jamais abouti ou du moins sous cette forme.
Cependant, étonné de constater qu’un grand jardin communautaire se retrouve toujours dans la ville, il s’agit encore aujourd’hui d’un endroit d’échanges et de partages. D’ailleurs, l’imprimerie est toujours omniprésente dans la communauté, car ce lieu autrefois industriel est désormais un lieu d’éducation universitaire. Une grande horloge est posée sur la tour de l’ancienne imprimerie, elle est emblématique dans le décor du quartier et demeure une référence visuelle importante pour encore plusieurs habitants.
Qui dit quartier populaire, dit enjeux du quotidien, le prix des loyers est sur toutes les lèvres actuellement, il l’a été également à une certaine époque dans ce quartier. En effet, la hausse des loyers dans certaines habitations a donné naissance, dans les années 1970 à une mobilisation collective qui a mené à la «grève des loyers». Une mobilisation exemplaire qui n’a pas forcément fait plier les propriétaires, mais qui demeure louable. Comme quoi parfois les enjeux d’autrefois ne sont pas si loin de la réalité d’aujourd’hui…
La gare de Bobigny
Les sites des mouvements sociaux ne sont pas toujours des sites glorieux ou victorieux. Le mémorial de la déportation de Bobigny en est un bon exemple. Ce lieu lourd de son passé sombre a été préservé et transformé en mémorial. Un devoir collectif est la transmission de la mémoire de l’histoire pour apprendre de cette dernière. La phrase inscrite sur le muret bordant les voies où embarquaient les déportés est une citation de Paul Éluard qui témoigne bien de ce devoir «Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons».
En France, deux gares ont été utilisées à des fins de déportation de la population juive sous la France occupée, celle de Bourget et celle de Bobigny. En tout, quarante-deux convois quittent Bourget pour Auschwitz-Birkenau et vingt et-un de Bobigny. Avant de faire partie d’un convoi, la quasi-totalité des personnes juives a passé par le camp d’internement de Drancy.
L’utilisation de la gare de Bourget vers celle de Bobigny s’est effectuée, notamment, dans un souci de discrétion pour la «solution finale», car plus pratique d’un point de vue logistique. En effet, la gare est à même distance que Bourget du camp Drancy, mais est plus près d’Auschwitz. De plus, cette gare n’implique pas de procéder à l’envoi des convois sous l’œil interrogateur de la population française qui se déplace pour le travail en train. Elle est dans un endroit discret ou un vaste terrain vague permet d’installer un bon nombre de personnes juives dans l’attente de l’envoi des convois. D’ailleurs, la grande majorité des convois sont directement assassinés dès leur arrivée, considérant qu’Auschwitz combine à la fois un camp de travail et d’extermination.
Il faut dire qu’à travers les faits historiques, le lieu fort est d’émotions et amène différentes prises de conscience. Un élément percutant de cette visite de la gare de Bobigny a été l’utilisation du mot «assassinat» au lieu du mot «extermination». Une prise de conscience collective quant à l’évolution de l’utilisation des mots. En effet, la connotation déshumanisante du mot «extermination» souvent utilisé pour déterminer l’élimination de la vermine, alors que «la solution finale» de l’Allemagne Nazi était de tragiques assassinats de masse. La propagande a-t-elle été si puissante que l’utilisation de nos mots a été influencée inconsciemment par cette dernière? Dorénavant, parlons d’assassinats plutôt que d’extermination et prenons conscience de la puissance des mots.
L’histoire, les lieux et les mouvements sociaux qui les ont créés se doivent d’être respectés pour les apprécier dans toute leur charge et leur contenu. Lors de nos visites, renseignons-nous sur l’histoire des mouvements sociaux d’aujourd’hui et du passé, car peut-être nous foulerons un sol empreint de leçons et d’enseignements.