Armel Fontaine, membre du collectif Jeunesse du FSMI
La situation actuelle en République démocratique du Congo est complexe, fruit de décennies d’affrontements entre des protagonistes multiples et motivés par des enjeux très divers : ethniques, politiques, économiques ou tout simplement humains. Il faut remonter au génocide de l’ethnie tutsie par celle, majoritaires Hutus, au Rwanda en 1997 pour en comprendre une partie des origines.
À l’époque, lorsque le Front patriotique rwandais (FPR), amené par le commandant Paul Kagame, arrive à reprendre le contrôle de Kigali, capitale du Rwanda, les massacres prennent fin dans des circonstances encore floues, notamment au rôle controversé de la France et de son opération Turquoise. Afin d’éviter des représailles de la part du FPR, un million de Hutus fuient vers le Zaïre (actuelle RDC).
La troisième journée du FSMI le samedi 31 mai avec des ateliers autogérés, dont un sur la crise humanitaire actuelle en RDC et son impact sur les droits des femmes congolaises. Une table ronde co-portée par Cartias Développement Bukavu, association congolaise de défense des droits humains, et Katalizo ont réuni des personnes participantes à Montréal, mais aussi de RDC et d’autres endroits dans le monde, grâce au format hybride. Les objectifs de ce temps d’échange étaient de présenter le contexte actuel des violences et inégalités envers les femmes en cette période de conflits armés, afin de pouvoir ensuite engager des discussions et analyses critiques en interaction afin de réfléchir aux actions futures.
Aux origines du conflit
En 1997, lors de la première guerre du Congo, le dictateur Mobutu Sese Seko du Zaïre est renversé par une coalition militaire, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), soutenue par le nouveau gouvernement rwandais de Paul Kagame. Arrive alors au pouvoir Laurent-Désiré Kabila, à la tête de ce qui est désormais appelé la RDC.
Toutefois, des tensions émergent entre le président rwandais, Paul Kagame, et les présidents de la RDC, successeurs de Laurent-Désiré Kabila assassiné en 2001 pendant la deuxième guerre du Congo. Le litige porte sur la présence des réfugié.es du Rwanda. Après le génocide, en plus de généraux hutus, des centaines de milliers de Tutsis et de Tutsies ont également quitté le Rwanda afin d’éviter la mort et ont été déplacés dans l’est de la RDC, les provinces du Sud-Kivu et du Nord-Kivu.
De leur côté, les généraux hutus se sont rassemblés au sein des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), avec pour objectif de renverser Paul Kagame et de reprendre le pouvoir au Rwanda. Ainsi, d’un côté, le Rwanda de Paul Kagame accuse la RDC de Félix Tshisekedi (actuel président depuis 2019) de favoriser les intérêts des FDLR et, de l’autre côté, Félix Tshisekedi accuse Paul Kagame de soutenir le M23, groupe armé formé par d’anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).
Le CNDP est créé en juillet 2006 par Laurent Nkunda, et entré en rébellion contre le gouvernement congolais avec notamment pour objectif de défendre la communauté tutsie et de neutraliser la FDLR. Le 23 mars 2009, un traité de paix est conclu entre le CNDP et le gouvernement congolais. Si la communauté internationale a pu croire à une paix durable, le fait que le Rwanda n’ait pas pris part au processus de paix de la région aurait dû être un indice de la fragilité de l’accord.
Certaines anciennes directions du CNPD estiment que les conditions du traité de paix signé en 2009 ne sont pas respectées par le gouvernement. Le Mouvement du 23 mars ou M23 en référence à l’accord signé est créé en 2012 en grande majorité par des Tutsis et Tutsies se positionnant comme une forme de contestation du gouvernement congolais.
En février 2023, un rapport de l’ONG Human Rights Watch pointe sans détour les soutiens logistique, financier et humain fournis par le Rwanda au M23, malgré les réfutations successives de Paul Kagame.
Le viol, comme arme de guerre
La guerre de Kivu en cours depuis 2004 malgré de courtes périodes d’accalmies, voit s’affronter des groupes armés très divers, une multitude de groupes rebelles et l’armée congolaise, complètement dépassée, obligée de recourir à des milices privées. De tous les côtés, des exactions sont perpétrées en masse, au point qu’il devient impossible de compter le nombre de morts, mais également de violences sexuelles commises sur les femmes dans cette région. Les viols s’apparentent à une violence systémique à l’encontre des femmes civiles, et analysées par des spécialistes comme une redoutable arme de guerre. L’autrice Marie Desanges Kahindo Kavene qualifie le viol comme une « stratégie de destruction du corps personnel et social ».
Pour sa part, Véronique Moufflet, anthropologue de l’EHSS, explique qu’il « n’est plus question d’un “à côté de la guerre”, d’un “dommage collatéral” ou d’une “distraction” pour la soldatesque, mais bien d’une technique destinée à frapper la population ennemie. […] Le but, conscientisé ou non, est de détruire les réseaux familiaux, d’annihiler les réseaux de solidarité fondamentaux, et de rendre impossible la reproduction d’une certaine population et donc l’existence même du groupe visé. ».
Il faut toutefois noter qu’une grande partie des victimes de violences sexuelles dans l’est du Congo ne répondent pas aux critères de « viol de guerre », car environ 20 % des viols sont commis par des militaires. La grande majorité des viols connus — puisque nombre de victimes ne parlent pas de ce qu’elles ont vécu — risquent donc d’être invisibilisés puisqu’elles ne correspondent pas à ce qui est attendu d’un viol en temps de guerre.
La conclusion de Véronique Moufflet est que la reconstruction durable devra cesser de « considérer les aspects politiques des violences sexuelles comme résumant à eux seuls le phénomène, pour prendre vraiment en compte la so
Pour en savoir plus :
- http://www.caritasdeveloppementbukavu.org/
- https://www.katalizo.org/
- https://www.hrw.org/fr/news/2023/02/06/rd-congo-les-atrocites-de-la-rebellion-du-m23-soutenue-par-le-rwanda
- Desanges Kahindo Kavene, M. (2023). « Chapitre II. Typologie des événements traumatisants », Femmes dans la guerre au Nord-Kivu (RDC) : Résilience et foi chrétienne pour que la vie continue (p. 59-91).
- Moufflet, V. (2008). « Le paradigme du viol comme arme de guerre à l’Est de la République démocratique du Congo. » Afrique contemporaine, 227 (3), 119-133. https://doi.org/10.3917/afco.227.0119.