Le baron de Mackau apportant au président haïtien J.-P. Boyer l’ordonnance de Charles X exigeant le paiement de 150 millions de francs or en échange de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti, 1825. (Dessin : Jean-Charles Develly - Lithographie : Jean Marie Joseph Bove CC https://link.infini.fr/1ZJYGV6P

Lettre ouverte de Coalition nationale des Pasteurs haïtiens à la communauté nationale et internationale

  • À toutes les consciences éveillées,
  • Aux institutions internationales de justice et de droits humains,
  • Aux peuples épris de vérité et de liberté,
  • Aux frères et sœurs de la diaspora haïtienne,
  • À la communauté des croyants et des défenseurs de la dignité humaine,

Port-au-Prince, le 28 avril 2025 – La Coalition nationale des Pasteurs haïtiens tient à exprimer, par la présente, une profonde remarque sur la récente déclaration du Président Emmanuel Macron, relative à la création d’une commission mixte franco-haïtienne, chargée d’étudier les conséquences de ce que le monde entier reconnaît aujourd’hui comme une tragédie morale, économique et historique : la dette imposée à Haïti par la France en 1825 en échange de la reconnaissance de son indépendance.

Il est indiscutable que cette dette, extorquée sous la menace militaire, alors que le peuple haïtien venait de conquérir sa liberté par le sang, la sueur et le sacrifice, constitue une injustice flagrante et un affront durable aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Cette somme, que la jeune nation haïtienne fut contrainte de payer à l’ancienne puissance coloniale, a saigné à blanc l’économie du pays naissant, hypothéquant son développement pour les générations futures.

Nous saluons donc l’initiative du Président Macron de vouloir ouvrir un débat sérieux sur cette question à travers une commission composée de spécialistes haïtiens et français. Toutefois, nous ne pouvons rester silencieux face à certaines limites inquiétantes contenues dans sa déclaration.

Deux éléments fondamentaux soulèvent des inquiétudes légitimes :

1. Une commission sous contrainte politique :

Le Président Macron a clairement indiqué que le rapport de la commission, bien qu’attendu, ne l’engage en rien. En d’autres termes, c’est au chef de l’État seul qu’il appartiendra de décider s’il tiendra compte des conclusions de cette commission. Cette réserve soulève des doutes quant à l’indépendance réelle du processus et laisse craindre que, même si les conclusions reconnaissaient une dette morale et matérielle, rien ne garantisse une suite concrète.

2. Un mandat limité dès le départ :

En insistant sur le fait que le président de la République reste libre de ne pas reconnaître les résultats du rapport, la commission se retrouve enfermée dans un mandat symbolique, sans poids politique réel. Cette posture risque de décourager la rigueur des travaux, de faire peser une pression sur les membres et de réduire l’initiative à un simple geste diplomatique.

En tant que leaders spirituels, porteurs de la voix des sans-voix, nous disons que le moment est venu d’exiger justice, pas seulement mémoire. Le peuple haïtien ne demande ni pitié, ni faveur, mais la reconnaissance de son droit historique à la vérité, à la justice, et à la réparation.

C’est pourquoi nous appelons :

  • Le peuple haïtien, en Haïti et dans la diaspora, à rester vigilant et mobilisé.
  • Les organisations internationales de droits humains à s’impliquer activement dans la surveillance de ce processus.
  • Les autorités morales, ecclésiastiques, intellectuelles et citoyennes du monde entier à s’exprimer en solidarité avec Haïti.
  • La République française à faire preuve de courage historique et d’honnêteté morale en accompagnant cette commission jusqu’à ses ultimes conséquences.

Nous devons refuser que l’histoire d’Haïti continue à être manipulée ou ignorée. La vérité sur cette dette est connue. Elle est documentée. Il ne reste qu’à choisir entre la réparation ou le silence complice. Entre la justice ou la répétition des injustices.

À travers cette lettre, nous lançons un appel aux consciences : que cette commission soit le début d’un chemin vers la réparation authentique. Que la République française, dans la grandeur de son héritage humaniste, choisisse d’entrer dans l’histoire par la porte de la vérité et du respect.

Que la voix de nos ancêtres, de Toussaint Louverture à Jean-Jacques Dessalines, trouve enfin écho dans un monde qui ose réparer les fautes du passé pour construire un avenir juste.

Révérend Pasteur Eliner Cadet, Président exécutif de la Coalition nationale des Pasteurs haïtiens.