Les racines du conflit en RDC

Des habitants fuyant vers Goma, en mai 2013 - MONUSCO @ CC BY SA 2.0

Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage

Les protestations ayant secoué Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo ces dernières semaines, ont mis en lumière plus que jamais la plus récente crise que traverse le pays depuis bientôt quatre ans. Considérée par Médecins sans frontières (MSF) comme une « crise négligée » du public ou des médias, ce sont plus de sept millions de personnes qui ont dû fuir leur foyer depuis 1994, dont 500 000 personnes depuis janvier 2025.

En 2023, MSF rapporte avoir pris en charge 25 000 victimes de violences
sexuelles. Entre janvier et mai 2024, le Nord-Kivu comptait 70 % du nombre de
ces violences sur un total de 17 000. Quant à la famine, elle atteint 25 millions de
personnes selon l’ONU autour des Grands Lacs, dont 6,2 uniquement dans l’est
du Congo.

Le présent article revient sur l’histoire de la violence dans cette région
de l’Afrique. Il fut rédigé avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu annoncé par
le M23, le 4 février dernier.

Percée des rebelles

Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, les rebelles effectuent des percées majeures en matière de territoire. Les bandes armées ont annoncé, le 27 janvier dernier, avoir capturé Goma, chef-lieu du Nord-Kivu et troisième ville au pays, après une avancée rapide forçant l’évacuation de 178 000 personnes en deux semaines, rapporte l’Associated Press.

Le président Félix Tshisekedi accuse notamment le Rwanda, partageant une frontière avec les deux provinces, de financer les actions du M23, qui compte environ trois mille combattant.es. Le groupe armé reçoit l’assistance des forces rwandaises, au nombre de trois mille à quatre mille.

Malgré un processus initié par l’Angola, appelé « processus de Luanda », au sein duquel un cessez-le-feu fut signé entre Kigali et Kinshasa en août 2024, le M23 reprend ses offensives. Par la suite, dans le cadre de ce même processus, les deux pays avaient tenté, lors d’un sommet en décembre 2024, de trouver un terrain d’entente face à la situation, en vain.

Ce processus « fait face à des obstacles, notamment la difficulté de faire respecter les engagements pris pendant les séances de négociation », affirme Marie-Joelle Zahar, professeure titulaire de science politique à l’Université de Montréal, spécialisée dans les conflits armés, la résolution des conflits et la consolidation de la paix.

Un retour aux racines du conflit

Cette crise d’une ampleur sans précédent s’inscrit dans un contexte historique entre la République démocratique du Congo et certains de ses pays voisins, en particulier le Rwanda. Rappelons que le génocide de 1994 dans ce pays a contraint des habitant.es d’origine hutue de trouver refuge chez leur voisin.

En 1996, commence ce qu’on va appeler la première guerre du Congo, d’une durée de six mois, initiée par le Rwanda afin de piller les camps de la population hutue réfugiée dans les deux provinces du Kivu. Mobutu est destitué et son successeur, Laurent-Désiré Kabila, prend les commandes. Il contraint les réfugiés hutus à retourner au Rwanda, ce qui attise la colère du peuple tutsi.

C’est ce qui déclenche la deuxième guerre du Congo en 1998, avec un objectif qui se rapproche des idées qu’ont les rebelles tutsis aujourd’hui : contrôler des ressources minières. « Il y a un intérêt économique pour le Rwanda, les minerais rares ont toujours permis aux groupes armés de la région de se fournir des armes et de créer des alliances », explique madame Zahar.

Elle se terminera en 2002 et aura causé la mort de cinq millions de personnes, principalement de famine, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre est marquée par l’assassinat du président Kabila, en janvier 2001.

Des rebelles hutus décident ensuite de s’allier avec le Congo contre les rebelles tutsis congolais ou rwandais, bien que le génocide au Rwanda soit chose du passé. Puis, après des élections démocratiques en 2006 remportées par Joseph Kabila, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe armé tutsi qui attise ces tensions entre les deux populations, voit le jour.

Un accord de paix entre les groupes rwandais et congolais est conclu le 23 mars 2009, mettant fin à près de trente-deux mois de conflits. Au cours de cette période, environ 400 000 personnes sont déplacées, portant le nombre global à 1,2 million de réfugié.es au pays.

Le nom « M23 », le successeur du CNDP, fait référence à cette date du 23 mars. Formé en 2012, il se constitue en majeure partie de ces mêmes rebelles tutsis, qui sont en minorité, comparés aux forces hutues. Même si leurs actions cessent en 2013, les conséquences de leurs 19 mois d’activités ont des répercussions désastreuses. Entre mars 2013 et octobre 2023, trois millions de personnes ont dû fuir leur domicile uniquement à l’intérieur des provinces de l’Est, passant de 2,6 à 5,6 millions de déplacés internes.

Quelle solution pour le pays ? 

Pour Marie-Joelle Zahar, l’intervention militaire, à l’image d’autres conflits, n’est pas une issue : « La victoire militaire ne fait qu’approfondir la haine, et retarder l’éclatement d’un nouveau cycle de violence ».

Le président Tshisekedi qui ne désirait plus voir la mission de l’ONU dans l’Est, au risque d’une escalade, « changera peut-être d’idée à ce sujet, étant donné l’importance que les camps de l’Organisation vouent à la protection des civils dans la région », pense madame Zahar.

Elle pose, en revanche, la question d’un accord pour la région du Kivu : « Comme les accords précédents n’ont pris en compte que la réalité globale du pays, faut-il plutôt négocier un accord qui porte sur les problématiques spécifiques de la région ? », conclut-elle. Ces réponses aux enjeux locaux sont certainement une exigence nécessaire pour qui veut une réconciliation durable dans cette région de l’Afrique, qui n’est toutefois pas à portée de main.