Amélie David, correspondante à Beyrouth

La sixième édition du festival REEF, les rencontres rurales sur l’environnement et le cinéma, s’est déroulée à la fin du mois de juillet au Liban. En raison de la guerre qui fait rage en Palestine et dans le sud du Liban, la programmation était teintée des couleurs du drapeau palestinien.

Village de Qobayat, Akkar, nord du Liban. La journée touche à sa fin. Les derniers rayons de soleil de cette chaude après-midi de juillet caressent les pierres blanches de la Magnanerie, une ancienne usine où de nombreuses femmes ont tissé de la soie pendant des années. C’est ici que, depuis 6 ans, le festival REEF accueille son public.

REEF pour Rural Encounter Environnement Festival et qui, en arabe, signifie ruralité. Car c’est bien là l’idée qui a prévalu à la fondation de ce festival : se faire rencontrer les ruralités et le monde du cinéma pour créer un espace de discussion autour de la nature et de l’environnement dans un Liban ravagé par les occupations étrangères, les guerres et les crises socio-politico-économiques depuis de nombreuses années. Au milieu de ce chaos, l’environnement paie un lourd tribut.

Eliane Raheb, au centre, réalisatrice et fondatrice du festival qui remet le prix de l’audience au cancérologue et militant écologiste Antoine Dagher à droite @crédit photo: Amélie David 2024

« La création de ce festival vient de plein de motivations : il n’y avait pas de cinéma ici, donc pas de culture. C’est une région qui est complètement marginalisée et mise à l’écart par l’État libanais… Alors qu’il y a beaucoup de potentiel : une identité culturelle très forte, des paysages magnifiques et des arbres emblématiques, aussi, qui sont culturellement intéressants », décrit Eliane Raheb, réalisatrice de documentaires et fondatrice du festival avec le cancérologue et militant écologiste Antoine Dagher.

« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre »

Cette année, le génocide et l’écocide qui prennent place en Palestine occupée et dans le sud du Liban ont fait partie de la programmation. Outre les traditionnelles randonnées organisées pour faire découvrir la nature et les différents ateliers autour du recyclage ou de la culture de la pomme de terre, entre autres activités, des spécialistes ont expliqué les risques pour la santé et l’environnement de l’utilisation de bombes au phosphore blanc par l’armée israélienne dans le sud du Liban et à Gaza. Des enquêtes de L’Orient-le Jour et d’ONG internationales ont révélé cette utilisation par Israël, alors que celle-ci est proscrite par le Protocole III de la Convention sur les armes classiques et cet acte est considéré par plusieurs ONG internationales comme un crime de guerre.

D’après les chiffres du gouvernement libanais, plusieurs milliers d’hectares de forêt sont partis en fumée dans le sud du Liban depuis le 8 octobre, et l’ouverture du front de soutien au Hamas par le Hezbollah. Pour la plupart des analystes, Israël s’attaque à l’environnement pour tenter de rompre le lien à la terre des habitants, notamment avec l’utilisation du phosphore blanc dont les effets sur l’environnement seront probablement très importants sur le long terme.

« Nous parlons de biodiversité, de la terre… Nous croyons tous que cette guerre israélienne, c’est une guerre contre la biodiversité du Liban et de la région. C’est pourquoi nous avons voulu montrer ce que nous avons comme biodiversité au Liban, en parlant du sud, et en montrant ce que nous perdons comme terres avec les dégâts du phosphore blanc… », reprend la réalisatrice et fondatrice du festival.

Un acte de résistance

Au deuxième jour du festival, après la diffusion de huit courts-métrages internationaux sur l’environnement en compétition, un concert de l’artiste palestinienne Salwa Jaradat a eu lieu dans les jardins de l’ancienne usine de soie. Au travers de ses chansons, elle a rendu hommage au sud du Liban et aux artistes de Palestine des années 1930, qui ont dû s’exiler vers le Liban, l’Irak et l’Égypte.

« Nous sommes vraiment dans un festival engagé », souligne Eliane Raheb. Un engagement d’autant plus fort cette année, à l’ombre de cette guerre génocidaire en Palestine, qui a déjà fait plus de 40 000 morts côté palestinien et plus de 1000 côté israélien. Une guerre aussi contre l’environnement.

« Nous essayons de donner aux gens de la matière pour comprendre la richesse de la biodiversité que l’on a : celle de la nature, de la culture, des ethnies, de l’écosystème… Et maintenant, tout acte culturel est un acte de résistance. Que ce soit en Palestine ou au Liban : nous sommes toutes et tous menacé.es ! Parler de la diversité et de la biodiversité, c’est aussi un genre de résistance ! »