Accord de libre échange UÉ-MERCOSUR: hypocrisie, pouvoir et destruction

@ CDHAL

Èva Lachance-Adamus, correspondante à alter.quebec et participante à la délégation jeune à L’UÉMSS.

Cet article est tiré de l’atelier Conséquences d’une signature potentielle de l’accord UE-Mercosur au Brésil organisé par les membres de la Coalition Solidarité Brésil, du Secours Catholique et du Mouvement des personnes touchées par les barrages  (MAB) dans le cadre de l’UÉMSS. L’entrevue faite par TV bruits avec les panélistes Erika Campello, membre, et Alexania Rossato, secrétaire national du Mouvement des personnes atteintes par la construction de barrages (MAB) se trouve à la fin du fichier.


Un accord dangereux

Rempli de personnes qui déambulent et discutent, le corridor principal du campus de
l’Université Sorbonne-Paris à Bobigny est rempli de kiosques informatifs et militants mis
sur pied par les associations participantes à l’édition 2023 de l’Université des mouvements
sociaux et solidaires (UÉMSS). Je me dirige à l’atelier de la Coalition française Solidarité
Brésil, appuyée par le Secours catholique et le Mouvement des personnes touchées par les
barrages (MAB) sur les dangers de l’Accord entre l’Union européenne (UE) et
l’organisation du marché commun du Sud (Mercosur). Bien que le Mercosur regroupe également l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, les interventions de Samela Satéré Mawé, chargée de communication de l’Articulation des Peuples autochtones du Brésil (APIB)1 et d’Alexania Rossato, Secrétaire national du Mouvement des personnes atteintes par la construction de Barrages (MAB), témoignent d’une situation des plus graves au Brésil.

La représentante du MAB explique, par le biais d’une interprète, que les richesses du territoire font partie intégrante du patrimoine brésilien. Le pays regorge littéralement de ressources naturelles. On y retrouve d’énormes réserves pétrolières, de minerais ainsi que 13 % des réserves mondiales d’eau potable. Chaque région du Brésil contient aussi une biodiversité incroyable qui lui est propre2. Bien évidemment, cette situation intéresse grandement les élites économiques au niveau brésilien ainsi qu’à l’international. C’est dans ce contexte que s’inscrit la contestation de l’Accord UE — Mercosur qui pourrait être ratifié prochainement.

Déforestation en Amazonie, vu depuis un satellite. Les routes tracées dans la forêt suivent un motif caractéristique similaire à des arêtes de poisson @Domaine public NASA

En contexte de crise climatique, la ratification de l’Accord s’avèrerait des plus nuisible à
l’environnement. Il a entre autres pour but d’augmenter massivement les exportations de bœufs et de soja vers Europe. Ceci mènera directement à une augmentation de la déforestation en Amazonie puisque de nouvelles terres exploitables seront nécessaires pour soutenir les cibles de l’Accord. Cette forêt tropicale ayant des capacités d’absorption de CO2 impressionnantes, nous ne pouvons en aucun cas nous permettre de favoriser sa destruction. De plus, le tout se fait au détriment de la présence de peuples autochtones sur le territoire, dont les droits sont normalement inscrits au sein de la constitution brésilienne3.

L’hypocrisie européenne

L’Accord comporte également un énorme danger pour la santé humaine et la biodiversité locale. Il permet, par la baisse significative des taxes douanières, l’exportation de pesticides interdits en Europe, car jugés trop toxiques. Ceci démontre parfaitement l’hypocrisie aberrante que comporte l’Accord. L’UE veut démontrer qu’elle se préoccupe de la santé de ses habitants, mais ne semble pas considérer les effets que de tels produits auront sur les autres populations. D’autant plus que, comble de l’ironie, les aliments cultivés au Brésil avec ces pesticides dangereux seront ensuite revendus et consommés en Europe. Cette même hypocrisie se traduit également au niveau de l’exportation de voitures européennes vers l’organisation du Mercosur. Les dirigeants européens parlent de transition énergétique, mais n’ont aucun problème à favoriser l’utilisation d’automobile individuelle en dehors de leurs frontières.

Un jeu de pouvoir 

Face à ces critiques légitimes, la Commission européenne a ajouté à l’Accord une annexe de clause environnementale. Sans surprise, cette annexe est non contraignante pour les parties signataires et donc peu prometteuse. Cette dernière a aussi suscité des réactions négatives de la part de Lula da Silva, président du Brésil de 2003 à 2011 et réélu en 2023 sous l’enseigne du Parti des travailleuses et des travailleurs. L’homme politique brésilien considère que cette annexe promeut une forme de néocolonialisme. Comme quoi l’Europe impose ses normes environnementales alors qu’elle a pu, elle, exploiter différents territoires pour construire sa richesse. Un questionnement demeure sur que le fait que Lula, un politicien associé à la gauche, ne se préoccupe pas plus de la destruction environnementale favorisée par l’Accord UE — Mercosur. Selon les organisations présentes à l’atelier, il faut comprendre que, bien que Jair Bolsonaro ne soit plus à la tête du pays, le bolsonarisme, lui, existe toujours. En effet, Lula doit composer avec beaucoup d’élus à droite de l’échiquier politique qui souhaite que la ratification de l’Accord voit le jour. De plus, il faut rappeler que l’industrie agroalimentaire, représentant près de 30 % du PIB brésilien, est extrêmement liée aux élites politiques du pays et met beaucoup de pression en ce sens.

 

MERCOSUR-UE de Tv Bruits sur Vimeo.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. https://observatoiredemocratiebresil.org/APIB []
  2. À ce sujet, le Brésil possède de nombreux Biodiversity hotspots ou « points de chauds de biodiversité, terme qui désigne «un biome terrestre identifié comme réunissant deux conditions : une biodiversité très élevée et des pressions anthropiques fortes» : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/point-chaud-biodiversite []
  3. https://lebresilresiste.org/droits-des-peuples-autochtones/ []