Alors que la Journée internationale des droits des femmes approche à grands pas, force est de constater qu’il y a encore un grand nombre de luttes à mener pour arriver à l’égalité de fait entre les femmes et les hommes. Le droit et l’accès à l’avortement libre et sécuritaire sont l’une de ces luttes phares et se sont retrouvés dans l’actualité dans les derniers mois. Le 30 décembre 2020, au terme d’une lutte exemplaire menée sur trois générations, les femmes argentines ont enfin gagné ce droit fondamental. Cette victoire est très symbolique pour l’Amérique latine, souvent aux prises avec un pouvoir religieux omniprésent. Le Chili a d’ailleurs lui aussi entamé une réflexion sur la dépénalisation de l’avortement.
Ces luttes sont essentielles pour le bien-être de nombreuses femmes. En effet, même dans les pays où l’avortement est légal dans certaines conditions, ce sont les femmes les plus précarisées qui sont le plus pénalisées. Lorsque l’accès au droit à l’avortement est limité, la santé des femmes est menacée. Rappelons-nous de Savita Halappanavar, décédée d’une septicémie en 2012, à qui l’on a refusé une interruption de grossesse alors qu’elle faisait une fausse couche, car l’équipe médicale craignait des poursuites. Son décès a réanimé l’indignation de nombreuses Irlandaises et Irlandais pour culminer, huit ans plus tard, avec l’abolition du 8e amendement de la constitution.
En Pologne, une nouvelle mobilisation a dû avoir lieu, car le gouvernement tentait de profiter du confinement pour restreindre encore plus l’accès à un avortement sécuritaire. C’était réellement ajouter l’insulte à l’injure ! En Pologne, un médecin peut refuser de pratiquer un avortement — en fait, il peut même refuser de prescrire des contraceptifs ! Les manifestations ont duré plusieurs jours et ont été durement réprimées par la police. La mobilisation et la solidarité devront être maintenues pour faire reculer le gouvernement de droite.
Bien que l’avortement soit légalisé au Canada depuis plusieurs années, son accessibilité est parfois limitée, que ce soit par la distance ou par le manque de subvention du service. De plus, comme ailleurs dans le monde, les gouvernements successifs tentent souvent de faire adopter des lois qui restreindraient l’accès aux interruptions de grossesse sécuritaires pour bon nombre de femmes. Il semble que de trop nombreuses personnes considèrent que les droits des femmes sont ouverts au débat.
Les groupes antichoix sont un lobby puissant, ici comme ailleurs, et réussissent à influencer des élu-es, sans oublier qu’ils sont aussi très présents sur le terrain. Aux États-Unis, en Australie, en France, en Espagne, en Nouvelle-Zélande et au Canada, on déplore des tentatives de meurtre, de l’intimidation et même des attentats à la bombe. Certains d’entre eux font le piquet près des cliniques pour tenter d’intimider les personnes se rendant à un rendez-vous. Au Québec, ils tentent d’ailleurs de faire invalider la loi qui interdit les manifestations trop proches des cliniques d’avortement sous prétexte qu’elle brime leur liberté d’expression.
La lutte pour le droit à l’avortement est une lutte emblématique pour les femmes d’ici et d’ailleurs. Lorsque l’avortement est illégal ou trop contrôlé, les femmes de la classe ouvrière n’ont d’autres moyens que de se débrouiller seules ou entre elles, dans des circonstances souvent dangereuses pour leur intégrité, faute de moyens leur permettant de voyager dans une juridiction plus permissive. Des initiatives comme celles de Women on Web qui permettent de rendre accessibles partout dans le monde des services contraceptifs font écho à celles d’organisations féministes du début des années 70 comme le Jane Collective.
Appuyer les luttes des travailleuses dans d’autre pays, c’est aussi appuyer les travailleuses québécoises. Appuyer les luttes des femmes, c’est appuyer la classe ouvrière. Nos luttes sont les mêmes, nos besoins sont les mêmes, nos rêves sont les mêmes.
Chantal Ide est vice-présidente du Conseil central du Montréal Métropolitain (CSN)