Lamaga Nedme, Révolution permanente, publié le 25 mai 2000
Au Mexique, le président Andrés Manuel Lopez Obrador « AMLO », a cédé face aux pressions des Etats Unis pour relancer l’économie. En effet, il a confirmé ce matin dans une conférence de presse que le déconfinement commencera officiellement la semaine prochaine alors que le pays se trouve encore en plein pic de l’épidémie.
Le gouvernement d’AMLO a été très clair, il veut que l’économie du pays reprenne à partir du 1er juin. Cette annonce a entraîné une forte colère car ce dimanche on comptait 2 764 cas de Covid-19 -une augmentation de 4,2% en 24h comparé au samedi- ce qui fait au total 68 620 contaminés et 7 394 décès de coronavirus, dépassant ainsi la barre des 6 000 morts devenant le 10e pays du monde avec le plus de morts liés au virus selon l’université John-Hopkins. Ce plan de déconfinement précipité est le fruit des pressions de la part des Etats Unis et mettra en danger la santé des travailleurs mexicains.
Le plan de déconfinement s’effectuera par un code de couleur en fonction de l’intensité des transmissions du virus. Les municipalités dites « municipalités de l’espérance », sont invités depuis le 18 mai à un retour à la normale, avant le reste du pays. Ainsi du 18 au 30 mai, les secteurs économiques qui prévoient se relancer, doivent élaborer des protocoles sanitaires pour permettre la possibilité de reprise de l’économie en toute sécurité. Cependant ces effets d’annonce ne protègeront pas la population de ces mêmes municipalités : selon l’indice du Centre mexicain d’écologie industrielle, 60% de leurs habitants sont soit des personnes âgées de plus de 60 ans soit atteints de maladie chroniques qui font d’elles des personnes à risque face au virus, alors même que les hôpitaux de ces régions rurales ont peu de moyens. C’est pour cela que plusieurs autorités locales comme ceux de l’etat d’Oaxaca, Chiappas et Guerrero, restent réticents à ce type de mesure.
L’étape suivante sera le 1er juin où certaines zones pourront diminuer les mesures sanitaires et pouvoir reprendre également l’économie. Le président a annoncé dans sa conférence de ce lundi 25 mai que le plan prévoit une reprise de l’activité à partir du 1er juin dans les secteurs de la construction, des mines et de la fabrication d’équipements de transports, les prétextant comme des activités essentielles afin d’accélérer leur réouverture. Dans le même temps, dans la capitale, des personnes malades ont été refoulées par des hôpitaux qui étaient débordés. Mais AMLO a passé un accord avec les Etats-Unis et le Canada pour une réouverture forcée.
Cette initiative est en effet une exigence du Président des Etats Unis, Donald Trump, dans un contexte où le Mexique dépend beaucoup de la production mexicaine, soit un 80 % des exportations qui sont destinées au marché américain.
Le vice-ministre de la Santé, Hugo Lopez-Gatell Ramirez, a nié les ravages que fait encore l’épidémie dans le pays et les risques d’un déconfinement prématuré, déclarant : « Les mesures de distanciation physique prises depuis le 23 mars ont réduit de 74 % les contagions. De quoi permettre une réouverture graduelle, ordonnée et prudente, des activités selon les zones affectées différemment par le virus. » alors même que 13 des 32 états concentrent plus de 70 % des cas de contagion. Un optimisme qui se veut sourd aux interpellations des professionnels de la santé : « Cela prouve bien que le plan de déconfinement d’AMLO est précipité, déplore Diego Ontanon, médecin infectiologue à l’hôpital ABC de Mexico qui traite des cas de Covid-19. Avec ses hôpitaux saturés, la capitale ne sera pas prête à la mi-juin, loin de là ! D’autant que le nombre de contagions est sous-évalué. ».
En effet, une des inquiétudes est le faible nombre de personnes testées, à hauteur de 0,06%. De plus, c’est même le vice-ministre qui avait douté de l’efficacité des tests massifs exigés par l’ OMS dans une conférence de presse d’il y a un mois. Et c’est lui même qui affirme aujourd’hui qu’en effet les chiffres réels de contagions doivent être huit fois plus importants que les cas confirmés officiellement, à ce que d’autres experts pensent que ca peut aller jusqu’à 25 fois plus. Catalina Torres, doctorante en sciences de la santé qui étudie les pratiques des pays de la région, note que le Mexique teste, proportionnellement à sa population, 3 fois moins que la Colombie et 14 fois moins que le Chili. « Si tu ne testes jamais, tu ne trouves jamais », relève la chercheuse.
Le gouvernement de Lopez Obrador : une contradiction en continue
Le chef d’Etat mexicain a souvent nié le niveau de risque posé par le nouveau coronavirus. Au début, AMLO affirmait qu’il était conscient des risques du virus mais qu’il voulait éviter de susciter la panique car cela pourrait affecter l’économie ainsi qu’il continuait à serrer des mains et côtoyer des partisans alors que le mot d’ordre aurait dû être celui de la distanciation sociale et le confinement.
Cependant un flou s’ouvre, le gouvernement mexicain n’explique pas pourquoi il autorise le retour du travail dans des secteurs non essentiels. De plus, la « réouverture » n’en est même pas une car certaines entreprises, comme Cananea dans le secteur minier Elecktra, chaîne d’électroménagers ou encore America en Guadalajara qui fabrique des meubles, n’ont en réalité jamais fermées.
De plus, aucun décret n’oblige formellement les entreprises à respecter des mesures de sécurité, le directeur général de l’Institut Mexicain de Sécurité Sociale, Zoe Robledo ayant déclaré qu’il leur faisait confiance.« Rien par la force, tout par la raison et conviction », a même affirmé le président.
Alors que AMLO persiste à vouloir nier les dangers d’un déconfinement prématuré, répondant ouvertement du côté du patronat, affirmant « je suis optimiste. Je pense qu’on ira bien », et qu’il « voit la lumière a la fin du tunnel », divers analystes et institutions internationales estiment une chute d’entre 6% et un 9% du PIB mexicain cette année sans oublier que près de la moitié de la population vit dans la pauvreté et le pays va perdre un million d’emplois suite à cette crise sanitaire. L’économie mexicaine est très fragile et ne pourra certainement pas supporter une deuxième vague, et ce seront les plus précaires qui en subiront les conséquences.