Mexique : le labyrinthe d’AMLO

Massimo Mondonesi, extraits d’un texte paru Nueva Sociedad, 7 juin 2020#

Le bloc d’Andrés d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a remporté les élections de mi-mandat mais d’une manière moins éclatante qu’on ne attendait. L’opposition s’est jointe mais était loin de vaincre le parti au pouvoir. La « Quatrième Transformation » du président marchera donc sur un terrain marécageux et s’appuiera plus qu’avant sur ses alliés. Le front « tous contre AMLO », hégémonisé par la droite, montre aussi ses propres limites lorsqu’il s’agit de susciter l’enthousiasme social.

Une victoire était attendue pour le Mouvement de régénération nationale (Morena), et ses satellites, aux élections pour le Parlement, les gouverneurs et les maires. Une victoire retentissante qui a confirmé les équilibres nés de l’avalanche de 2018 et renforcé le gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador. Il s’agit cependant d’une élection où, en l’absence d’enthousiasme présidentiel et avec une faible participation typique des élections de mi-mandat, les forces gouvernementales se replient sans perdre la majorité absolue au Congrès et étendent leur contrôle territorial. Et l’opposition a avancé mais sans parvenir à modifier la composition de la Chambre des députés. Bien que Morena soit confirmé comme le premier parti avec plus d’un tiers des voix et remporte d’importants postes de gouverneur, il n’a pas répondu à ses attentes de croissance. L’Obradorismo a perdu la majorité nécessaire pour proposer des réformes constitutionnelles, il dépend du Parti des travailleurs (PT) et du Parti écologiste vert du Mexique (PVEM, qui n’est pas vraiment écologiste) pour la vie parlementaire quotidienne et montre des limites inquiétantes dans diverses localités, comme  Mexico, où divers partis dont le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), le Parti d’action nationale (PAN) et le Parti de la révolution démocratique (PRD) ont marqué des gains .Hormis les données, qui ne modifient pas radicalement le scénario politique, le bilan symbolique de la bataille laisse les ouvriers déçus mais pas vaincus et l’opposition réconfortée mais pas gagnante. Cependant, plus que les mérites de la droite, le fait politique sous-jacent qui émerge est que Morena et ses alliés  semblent payer le prix de leurs propres contradictions. Le projet de Quatrième Transformation (Q4) montre ainsi ses limites et ouvre un flanc qui pourrait ressusciter – plus tôt que prévu – les forces les plus conservatrices et réactionnaires du pays. La coalition d’opposition hégémonisée par la droite, qui souffre d’un manque de cohérence et d’un projet alternatif,  a ajouté indistinctement des alliés et des arguments, recourant à des discours et des pratiques controversées, caricaturant la scène politique, et faisant appel à la clivage démocratie/autoritarisme plus qu’au moins libéralisme/socialisme crédible. L’opposition ne peut revendiquer la victoire car sa propre croissance était à peine de quelques points de pourcentage pour le PAN et le PRI tandis que le PRD est au bord de l’extinction. Même avec le soutien des noyaux les plus influents et rétrogrades des classes dirigeantes et des médias qui leur appartiennent, la droite a réussi à faire match nul, alors que tout annonçait une défaite retentissante comme celle de 2018.