MUSTAFA BARGHOUTHI, Intercoll, 15 octobre 2020
Le gouvernement de l’occupation ne cesse d’intensifier ses exactions dans un certain nombre de domaines : l’expansion des colonies et les ordres de démolition de maisons palestiniennes, les arrestations quotidiennes de Palestiniens – dont certaines s’accompagnent de meurtres odieux comme dans le cas de la martyre Dalia Al-Samoudi à Jénine, les attaques contre les institutions de Jérusalem et la tentative de réduire la présence palestinienne dans la ville.
La décision israélienne d’établir 1000 nouvelles unités de colonies dans la zone E1 entre Jérusalem et la vallée du Jourdain a été, dans les faits, le signal de départ du processus d’annexion et de judaïsation.
Certains analystes pensaient que ce processus avait été reporté ou stoppé, en dépit du fait que Benjamin Netanyahu ne cesse de répéter qu’il est à l’ordre du jour et que sa mise en œuvre est soigneusement préparée.
Mais il faut voir la réalité en face, même sans cela, les pratiques habituelles des Israéliens sur le terrain modifient le statu quo, à travers la judaïsation des zones palestiniennes et l’annexion effective de toutes les zones qui sont malheureusement classées comme zone « C », c’est-à-dire 62% de la Cisjordanie.
Cela montre l’importance de la déclaration des diplomates américains à leurs homologues internationaux, qui a fait l’objet d’une fuite, concernant le non-respect des résolutions 242 et 338 des Nations unies et d’autres résolutions internationales. Ces violations sont anciennes, affirment-t-il, et la réalité sur le terrain change avec les années et évolue chaque jour.
Il ne faut pas lier les mesures nécessaires pour contrecarrer le processus d’annexion et empêcher la mise en œuvre de l’Accord du siècle, à l’annonce officielle de l’annexion. Il faut les lier, d’une manière générale, à la politique de colonisation d’Israël et à la mise en place concrète de son système d’apartheid.
Le gouvernement israélien étudie les réactions à ses pratiques et à ses déclarations concernant la mise en œuvre de l’annexion officielle, et il tente de contenir ces réactions et d’adapter ses mesures en conséquence.
Cependant, il se heurte à trois obstacles évidents : la présence physique de Palestiniens qui résistent à ses plans et rejettent le régime d’apartheid ; l’éventualité de faire face à de véritables sanctions, y compris un boycott qui se développe de manière exponentielle au niveau populaire ; et le consensus palestinien pour rejeter l’Accord du siècle, ses cartes géographiques et ses traîtrises.
De plus, Israël est pressé par le temps, car Donald Trump pourrait perdre l’élection présidentielle de novembre.
Du côté palestinien, la chose la plus dangereuse qui pourrait se produire serait d’adopter une position d’attente passive, ou de surestimer et d’exagérer les conséquences d’une éventuelle chute de Trump et d’une élection de Biden. En effet, même si Biden est contre le plan d’annexion de Netanyahu, il ne ferait rien pour empêcher la poursuite des trois processus en cours sur le terrain, que j’ai mentionnés ci-dessus.
Poursuivre le processus de modification du statu quo, officiellement ou non, revient à anéantir la possibilité d’établir un État palestinien indépendant. Il suffit de noter que le nombre de colons en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ne dépassait pas 120 000 lorsque les accords d’Oslo ont été signés, mais qu’il est aujourd’hui de 750 000.
Que Trump ou Biden siège à la Maison Blanche, et que Netanyahu ou Gantz soit le premier ministre israélien, les mesures palestiniennes qui doivent être prises d’urgence restent les mêmes : une véritable unité nationale, l’adoption d’une stratégie nationale de combat unifiée et des actions efficaces pour imposer le boycott de l’occupation et du régime d’apartheid.
Il n’arrivera pas malheur au peuple palestinien si ses différentes factions et dirigeants adoptent la bonne approche. Mais il sera en danger, si elles se contentent de réagir au lieu de prendre les devants.