Pourquoi relire Fanon ?
Immanuel Wallerstein[1]
Fanon naît à l’époque des luttes anticoloniales. Né dans la colonie française de Martinique à l’époque des luttes contre les colonies, il grandit sous l’influence du poète anticolonial Aimé Césaire. (né en Martinique à l’époque des luttes contre les colonies, Frantz Fanon grandit sous l’influence du poète anticolonial Aimé Césaire) Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’enrôle avec les forces alliées pour combattre les Nazis. Plus tard, il termine ses études de médecine et de psychiatrie à Lyon. Il produit un premier ouvrage, Peaux noires, masques blancs, qui a un impact significatif parmi les cercles intellectuels en France. Ce livre est un grand cri du cœur, « l’expérience d’homme noir plongé dans un monde blanc » dit-il. Après ses études, Fanon travaille à l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie, peu de temps avant le déclenchement de la guerre d’indépendance. Il est horrifié par les récits de ses patients qui décrivent les tortures pratiquées par les autorités coloniales. Déjà favorable à la cause nationale algérienne, il démissionne de son poste et rejoint en Tunisie le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). Il devient un collaborateur régulier du journal officiel de la révolution, El Moudjahid.
Pour consolider les liens avec l’Afrique et les mouvements de libération, le GPRA envoie Fanon comme ambassadeur au Ghana, alors le centre politique de l’unité africaine; c’est exactement là que je le rencontre. Lors de nos longues discussions sur la situation politique mondiale, Fanon se montre très encouragé par l’essor des mouvements de libération nationale, tout en se disant mal à l’aise face aux limites de certains leaders de ces mouvements, thème qu’il entend développer dans la suite de ses travaux.
Peu après, Fanon, atteint de leucémie, est soigné en Union Soviétique, puis aux États-Unis. Je le rencontre à nouveau dans un hôpital de Washington pour discuter notamment de l’essor du « Pouvoir noir » aux États-Unis, le « Black Power », qui lui semble être un grand pas en avant. Il est très critique à l’égard de la politique étrangère des États-Unis. Il me dit : « les Américains préfèrent le monologue au dialogue ». Dans la dernière année de sa vie, il s’attelle à terminer les Damnés de la terre[2] et discute avec Jean-Paul Sartre. Son décès met fin trop rapidement à un parcours courageux et créatif.
Quelques points de repère
1925 | Naît à Fort-de-France (Martinique). |
1943 | S’engage dans l’armée française libre. |
1952 | Publie Peaux noires, masques blancs. |
1953 | Médecin à Blida (Algérie). |
1954 | Rejoint le Front de libération nationale algérien à Tunis. |
1960 | Ambassadeur au Ghana. |
1961 | Échange avec Sartre en préparation des Damnés de la terre. Soigné pour sa leucémie en URSS et aux États-Unis. Décède le 6 décembre à Washington. |
1962 | Parution des Damnés de la terre. |
Peaux noires, masques blancs
Parlons de son premier grand essai, Peaux noires, masques blancs. Le livre sort Fanon de l’obscurité un peu partout dans le monde, y compris aux États-Unis. Il devient une sorte de bible pour les divers mouvements qui culminent dans la révolution mondiale de 1968. Plusieurs années plus tard, Peaux noires, masques blancs connaît un nouveau succès, notamment auprès des mouvements identitaires et post-coloniaux qui le considèrent un peu comme une œuvre « post-moderne », promotrice d’une perspective identitaire. En réalité, Fanon présente dans cette œuvre un point de vue différent. Il affirme que l’aliénation de l’homme noire sera éradiquée par quelque chose de beaucoup plus grand que la psychanalyse freudienne. Pour lui, il faut dépasser l’explication phylogénique et ontogénique, notamment promue par Freud. La libération est impensable en dehors d’un processus sociogénique. Il se démarque d’une vision essentialiste :
Le malheur de l’homme de couleur est d’avoir été esclavagisé. Le malheur et l’inhumanité du Blanc sont d’avoir tué l’homme quelque part. Mais moi, l’homme de couleur, dans la mesure où il me devient possible d’exister absolument, je n’ai pas le droit de me cantonner dans un monde de réparations rétroactives. Moi, l’homme de couleur, je ne veux qu’une chose : que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve. Le nègre n’est pas. Pas plus que le Blanc.
« Marxiste freudien » ou « freudien marxiste », Fanon est totalement dévoué aux mouvements révolutionnaires de libération. Homme de son temps, il a encore beaucoup à nous offrir et il me semble donc important de le relire pour comprendre notre vingt-et-unième siècle. En parcourant ses textes, je suis frappé par la force et la confiance de ses déclarations. En même temps, Fanon exprime ses propres incertitudes sur ce qu’il faut faire pour avancer et accomplir ses buts. Relisons la dernière phrase de Peaux noires : « Mon ultime prière : Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! »
Comme Sartre, je suis interpellé par le fait que Fanon ne s’adresse pas aux puissants de ce monde, mais plutôt aux « damnés de la terre », une catégorie qui pour lui se superpose aux « peuples de couleur ». Fanon exprime sa colère à l’endroit des puissants qui lui semblent cruels et condescendants. Il est cependant encore plus furieux envers les gens de couleur, dont le comportement et les attitudes contribuent à maintenir ce monde d’inégalité et d’humiliation pour obtenir quelques miettes de ce pouvoir. Nous allons maintenant aborder les trois principaux dilemmes auxquels est confronté Fanon :
- La question de la violence;
- L’affirmation de l’identité;
- La lutte des classes.
Du rôle de la violence
Dès la première phrase, les Damnés de la terre abordent la question de la violence d’une manière qui frappe l’imaginaire de bien des gens, tant d’un point de vue positif que négatif :
Libération nationale, renaissance nationale, restitution de la nation au peuple, Commonwealth, quelles que soient les rubriques utilisées ou les formules nouvelles introduites, la décolonisation est toujours un phénomène violent[3].
Que veut dire Fanon ? Est-ce une observation analytique ou une prescription politique ? La réponse est probablement que ce sont les deux choses en même temps : peut-être que Fanon lui-même n’est pas certain de ce qui est prioritaire entre les deux significations; peut-être que ce n’est pas important. Cette idée qu’un changement social fondamental ne survient jamais sans l’utilisation de la force n’est pas tout à fait nouvelle. Toutes les traditions radicales et émancipatrices du dix-neuvième siècle ont promu l’idée que les privilégiés n’allaient pas céder le pouvoir volontairement et par conséquent, que le pouvoir devait leur être arraché. Cette vision a par la suite défini la différence entre le chemin « révolutionnaire » et le chemin « réformiste » vers le changement social. Pour autant, dans la période de l’après-guerre, cette distinction entre « révolution » et « réforme » est estompée, même pour les mouvements plus impatients, en colère et non enclins aux compromis. L’utilisation de la violence non pas en tant qu’analyse sociologique, mais en tant que proposition politique, est remise en question.
Comment expliquer ce tournant ?
Plusieurs mouvements « révolutionnaires », une fois arrivés au pouvoir, n’ont pas été en mesure d’accomplir tout ce qu’ils avaient promis. Pour autant, les tenants de l’option réformiste n’ont pas réussi. Dans le cas de l’Algérie, les nationalistes algériens ont lutté pendant des décennies pour un changement pacifique et ils ont échoué. Ferhat Abbas, président du GPRA de 1958 à 1961, avait passé les trente premières années de sa vie à exiger des réformes. À la fin, il a admis que seule une insurrection pouvait empêcher que l’Algérie ne reste une colonie « esclavagisée ».
Dans les Damnés de la terre, Fanon insiste sur trois points. En premier lieu, dans le monde colonial manichéen, la violence résulte des actes violents des colonisateurs :
Lui à qui on n’a jamais cessé de dire qu’il ne comprenait que le langage de la force, décide de s’exprimer par la force. En fait, depuis toujours, le colon lui a signifié le chemin qui devait être le sien, s’il voulait se libérer. L’argument que choisit le colonisé lui a été indiqué par le colon et, par un ironique retour des choses, c’est le colonisé qui, maintenant, affirme que le colonialiste ne comprend que la force.
Par ailleurs, la violence transforme tant la psychologie sociale que la culture politique des colonisés :
Il se trouve que pour le peuple colonisé, cette violence, parce qu’elle constitue son seul travail, revêt des caractères positifs, formateurs. Cette praxis violente est totalisante, puisque chacun se fait maillon violent de la grande chaîne, du grand organisme violent surgi comme réaction à la violence première du colonialiste. Les groupes se reconnaissent entre eux et la nation future est déjà indivise. La lutte armée mobilise le peuple, c’est-à-dire qu’elle le jette dans une seule direction, à sens unique.
Plus loin cependant, Fanon nuance ce ton optimiste. Dans le chapitre 2, « Grandeurs et faiblesses de la spontanéité », il propose une critique généralisée des mouvements nationalistes. Selon Fanon, ces mouvements ont souvent mal compris la réalité des pays colonisés :
La grande erreur, le vice congénital de la majorité des partis politiques dans les régions sous-développées a été, selon le schéma classique, de s’adresser en priorité aux éléments les plus conscients : le prolétariat des villes, les artisans et les fonctionnaires, c’est-à-dire une infime partie de la population qui ne représente guère plus de un pour cent.
Plus encore :
Les partis nationalistes, dans leur immense majorité, éprouvent une grande méfiance à l’égard des masses rurales (…) Les éléments occidentalisés éprouvent à l’égard des masses paysannes des sentiments qui rappellent ceux que l’on trouve au sein du prolétariat des pays industrialisés.
Pour aller de l’avant, les mouvements révolutionnaires ne peuvent pas être basés sur un prolétariat occidentalisé. Leur ancrage doit être auprès d’une paysannerie dépossédée, qui survit en marge des centres urbains :
C’est dans cette masse, c’est dans ce peuple des bidonvilles, au sein du lumpenprolétariat que l’insurrection va trouver son fer de lance urbain. Le lumpenprolétariat constitue l’une des forces le plus spontanément et le plus radicalement révolutionnaires d’un peuple colonisé.
Face aux mouvements nationalistes parvenus au pouvoir, Fanon est sans pitié :
Le parti unique est la forme moderne de la dictature bourgeoise sans masque, sans fard, sans scrupules, cynique.
La bourgeoisie nationale dans les pays sous-développés, affirme-t-il, non seulement freine le développement global et harmonieux de la nation, mais pire encore, « elle ne sert à rien ». Dans ce contexte, il faut se démarquer du nationalisme :
qui n’est pas une doctrine politique, n’est pas un programme. Si l’on veut vraiment éviter à son pays ces retours en arrière, ces arrêts, ces failles, il faut rapidement passer de la conscience nationale à la conscience politique et sociale (…) Une bourgeoisie qui donne aux masses le seul aliment du nationalisme faillit à sa mission et s’empêtre nécessairement dans une succession de mésaventures.
La question de l’identité
Pour Fanon, la nostalgie des anciennes civilisations est inutile dans le processus de la libération. En même temps, il est important que les peuples colonisés se forgent une identité distincte de la culture occidentale. Il est nécessaire de contester la racialisation de la culture produite par les colonisateurs « qui n’ont pas cessé d’opposer la culture blanche aux autres incultures ». Il comprend que le concept de négritude a pu être utile en tant qu’« antithèse affective sinon logique de cette insulte que l’homme banc faisait à l’humanité », mais en même temps, il estime que « cette obligation historique dans laquelle se sont trouvés les hommes de culture africaine de racialiser leurs revendications, de parler davantage de culture africaine que de culture nationale va les conduire à un cul-de-sac ». Dans le chapitre sur la culture nationale, il précise qu’il :
ne saurait y avoir de cultures rigoureusement identiques. Imaginer qu’on fera de la culture noire, c’est oublier singulièrement que les nègres sont en train de disparaître (…) Il n’y aura pas de culture noire parce qu’aucun homme politique ne s’imagine avoir vocation de donner naissance à des républiques noires. Le problème est de savoir la place que ces hommes ont l’intention de réserver à leur peuple, le type de relations sociales qu’ils décident d’instaurer, la conception qu’ils se font de l’avenir de l’humanité. C’est cela qui compte. Tout le reste est littérature et mystification.
Plus loin, il s’exprime très explicitement contre une politique basée sur l’identité :
Si l’homme est ce qu’il fait, alors nous dirons que la chose la plus urgente aujourd’hui pour l’intellectuel africain est la construction de sa nation. Si cette construction est vraie, c’est-à-dire si elle traduit le vouloir manifeste du peuple, si elle révèle dans leur impatience les peuples africains, alors la construction nationale s’accompagne nécessairement de la découverte et de la promotion de valeurs universalisantes. Loin donc de s’éloigner des autres nations, c’est la libération nationale qui rend la nation présente sur la scène de l’histoire. C’est au cœur de la conscience nationale que s’élève et se vivifie la conscience internationale. Et cette double émergence n’est, en définitive, que le foyer de toute culture.
Dans sa conclusion aux Damnés de la terre, Fanon insiste sur la possibilité pour l’Afrique de trouver son propre chemin, un chemin non-européen. Il évoque l’exemple des États-Unis, qui ont réussi à rattraper l’Europe, si bien que « que les États-Unis d’Amérique sont devenus un monstre où les tares, les maladies et l’inhumanité de l’Europe ont atteint des dimensions épouvantables ». L’idée de Fanon alors n’est donc pas de « rattraper » l’Europe, mais de créer quelque chose d’autre :
L’humanité attend autre chose de nous que cette imitation caricaturale et dans l’ensemble obscène. Si nous voulons transformer l’Afrique en une nouvelle Europe, l’Amérique en une nouvelle Europe, alors confions à des Européens les destinées de nos pays. Ils sauront mieux faire que les mieux doués d’entre nous. Mais si nous voulons que l’humanité avance d’un cran, si nous voulons la porter à un niveau différent de celui où l’Europe l’a manifestée, alors il faut inventer, il faut découvrir (…) Pour l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf.
Dans l’élaboration de sa pensée, Fanon tente dans ses deux principaux ouvrages de déjouer, sur la question de l’identité culturelle (ou nationale), le dilemme fondamental que les mouvements anti-systémiques n’ont cessé de rencontrer depuis un demi-siècle (un dilemme qui va probablement perdurer encore longtemps). Le rejet de l’universalisme européen est fondamental pour combattre la domination européenne et la rhétorique du pouvoir qui s’exprime dans la structure du système-monde, ce qu’Anibal Quijano appelle la « colonialité du pouvoir »[4]. En même temps, ceux qui combattent pour la construction d’un monde égalitaire, ou pour ce qu’on peut appeler l’aspiration au socialisme, sont très méfiants face à ce que Fanon qualifie du « piège de la conscience nationale ». On continue alors de chercher afin de demeurer sur le chemin vers un avenir qui permettra à l’humanité, selon l’expression de Fanon, « d’avancer un peu ».
Luttes de classes
Ce thème n’est pas abordé de manière systématique dans les écrits de Fanon (Suggestion : Fanon n’aborde pas de manière systématique ce thème dans ses écrits). Le paradoxe est que malgré cela, le concept de la lutte de classe demeure central dans sa vision du monde et dans ses analyses. Durant sa période formative en Martinique, puis plus tard en France et en Algérie, Fanon a été éduqué dans une culture marxiste. Le langage politique qu’il a connu et pratiqué était imprégné des propositions et du vocabulaire du marxisme. En même temps, Fanon et ses camarades se rebellaient contre la version ossifiée du communisme qui prévalait à cette époque. C’était également le point de vue d’Aimé Césaire qui, dans son Discours sur le colonialisme[5], avait bien expliqué pourquoi les intellectuels des pays colonisés (et pas seulement eux) s’étaient éloignés des partis communistes en réaffirmant une autre vision de la lutte de classes.
La question-clé était : de quelles luttes et de quelles classes parle-t-on ? Pendant longtemps, la discussion a été dominée par les catégories élaborées par la social-démocratie allemande et le Parti communiste de l’Union soviétique. Dans le monde capitaliste, pensait-on, deux classes sont dans un conflit fondamental l’une contre l’autre : la bourgeoisie industrielle d’une part et le prolétariat urbain et industriel d’autre part. Les autres groupements sociaux sont des vestiges de structures mortes ou mourantes et sont donc destinés à disparaître pour se fondre dans les deux classes « fondamentales » : bourgeoisie et prolétariat.
Au moment où Fanon écrit, il y a déjà beaucoup de monde qui pense que ce narratif n’est plus adéquat pour décrire la situation réelle. Le prolétariat industriel ne constitue pas la majorité de la population mondiale, et en général, il ne semble pas disposé à perdre ses chaînes, selon l’expression du Manifeste du parti communiste. C’est dans ce contexte que des mouvements et des intellectuels cherchent un autre cadre d’analyse plus conforme à une analyse sociologique et plus utile pour construire une perspective politique radicale. C’est ainsi que sont proposées de nouvelles idées pour définir le sujet historique central, qui serait au centre de l’activité révolutionnaire. Pour Fanon, il s’agit du lumpenprolétariat « détribalisé » et urbanisé. Fanon est cependant prudent dans cette affirmation, car il craint le « piège de la spontanéité ».
À la fin, Fanon nous lègue quelque chose qui dépasse la passion et qui dépasse également un « plan de match » pour l’action politique. Il offre une brillante délinéation de nos dilemmes collectifs. Sans la violence, les damnés de la terre ne peuvent rien accomplir, mais la violence, bien que thérapeutique et effective, ne résout rien. Sans briser la domination de la culture pan-européenne, il est impossible d’avancer. Par contre, l’affirmation conséquence du particularisme est paralysante et mène inévitablement à de nombreux « pièges ». La lutte des classes est centrale, à condition que l’on sache de quelles luttes et de quelles classes on parle. Les classes « lumpen », sur leurs propres bases, sans structure organisationnelle, se révoltent, mais ces révoltes se dévorent elles-mêmes.
Nous nous retrouvons, comme Fanon le prédisait, devant une longue transition durant laquelle notre système-monde capitaliste en arrive à sa phase terminale. C’est une lutte dont le résultat final est totalement incertain. Fanon ne l’a pas dit, mais ses écrits le suggèrent entre les lignes. Si nous réussissons à émerger collectivement de ces luttes vers un meilleur système-monde, nous aurons été capables de confronter les trois dilemmes abordés par Fanon et de les traiter d’une manière qui est simultanément, intelligente analytiquement, engagée moralement pour la « désaliénation » contre laquelle il s’est battue, et politiquement adéquate devant les réalités qui nous interpellent.
[1] Ce texte est une version adaptée du texte paru dans New Left Review, « Reading Fanon into the 21st Century », numéro 57, mai/juin 2009.
[2] Le titre est bien sûr inspiré des premières lignes de l’Internationale, l’« hymne » des mouvements ouvriers.
[3] Frantz Fanon, Les damnés de la terre (1961). Version numérique : < http://classiques.uqac.ca/classiques/fanon_franz/damnes_de_la_terre/damnes_de_la_terre.html . Toutes les citations subséquentes se réfèrent à cette publication.
[4] Aníbal Quijano, « Race et colonialité du pouvoir », Mouvements, 2007/3 n° 51.
[5] Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme (1950), Présence africaine, 1989.