QUI POSSÈDE LA LUNE

Couverture de l’ouvrage qui accompagne l’exposition QUI POSSÈDE LA LUNE, sous la direction de Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef, Musée des beaux-arts de Montréal, 2024

Klara Alkalla, collaboratrice

Une réflexion sur l’humanité et notre rapport au territoire

Bien que les États-Unis y aient planté leur drapeau pour la première fois en 1969, la Lune ne leur appartient pas. Le Traité de l’espace extra-atmosphérique signé par les membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1979 accorde à la Lune le statut légal de res nullius, c’est-à-dire qu’elle n’appartient à personne. Or, le titre de l’exposition des œuvres de Wanda Koop au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) est QUI POSSÈDE LA LUNE.

Wanda Koop devant Portail de la mer Noire – orange crépusculaire (détail) 2023, acrylique sur toile, 303,5 x 405,1 cm. Photo Lindsey KoepkeImag

L’artiste de Vancouver expose seule pour la première fois au Québec un corpus de peintures du 11 avril au 4 août 2024. Il s’agit d’une pièce composée de dix-sept tableaux qui transcendent l’espace par des effets de lumière surprenantes et des couleurs étonnantes. Plus intrigant, l’artiste tient aux majuscules de son titre et se refuse d’ajouter un point d’interrogation. Pourtant, un pas dans la salle d’exposition et de multiples questions se posent. Telle une invitation, on se demande tout naturellement qui possède la Lune ?

Universalité de la Lune : exploration artistique des fres et de l’espoir

N’étant la propriété de personne selon le droit international, la Lune se distingue de la planète Terre par son rapport aux frontières. Elle n’en a pas. Accessible à toutes et tous en un regard, elle est individuellement nôtre mais pour beaucoup inatteignable. Au regard de cette exposition, le concept du territoire est central. D’origine ukrainienne, Wanda Koop entreprend son corpus au début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Inspirée par le drame de la guerre, elle investit sa mélancolie dans son art. La Lune devient une métaphore des inégalités dans l’accès aux ressources naturelles et culturelles à l’échelle mondiale.

De la mer noire aux côtes de la Crimée

L’œuvre Portail de la mer Noire, une composition de quatre immenses toiles identiques dont un faisceau lumineux de couleur différente pour chacune les traverse en longueur, remet en question les frontières nationales, culturelles et sociales. Dans le cas du peuple ukrainien, cette œuvre dessine le large de la Mer Noire aux côtes de la Crimée et évoque une symbolique puissante.

Les bandes lumineuses semblent offrir une issue vers un avenir meilleur, malgré les conflits persistants et les enjeux géopolitiques complexes. Elles représentent un espace ol’espoir et la résilience transcendent les frontires nationales et les divisions culturelles imposées par les puissances extérieures. Cette vision artistique réaffirme la capacité humaine universelle à aspirer à la paix et à la prospérité, défiant ainsi les tentatives de servitude par la mondialisation et l’impérialisme culturel.

Un petit pas pour l’homme, un grand bond pour la pollution spatiale

Au-delà des frontières terrestres, l’oppression transcende l’atmosphère. Par une série de quatre autres toiles nommée Objets d’intérêt, Wanda Koop confronte la Lune, satellite naturel de la terre, aux satellites artificiels comme la Station spatiale internationale et la Station spatiale Tiangong. Il semble nécessaire de mettre en évidence leur impact sur l’environnement.

Avec l’utilisation massive d’Internet, la densité des objets en orbite est exponentielle et entraîne l’augmentation des débris spatiaux et desîtrisées qui exacerbent la pollution. À long terme, cet impact pourrait rendre certains espaces inaccessibles, menaçant la péé de la science pour les générations futures en plus de l’environnement. La seule solution viable ne peut être qu’internationale : elle doit garantir un environnement spatial durable et sécurisé pour ainsi permettre à chacun.es sur terrepouvoir contempler la Lune librement, toutes et tous égalitaires face au ciel.

QUI POSSÈDE LA LUNE, la réponse est évidente

À travers son exposition, Wanda Koop appelle à une solidarité transfrontalière et à une coopération mondiale face aux défis communs qui composent notre capital humanitaire. L’art est un moyen de véhiculer des messages de paix qui dépassent les barrières physiques et culturelles qui divisent le monde. À toutes ces entités qui nous dépassent, ces défis contemporains de notre quotidien, il faut être solidaire pour les vaincre car, enfin de compte, la Lune est à nous.