Édouard de Guise, correspondant d’alter.quebec et participant à la délégation jeune franco-québécoise à l’UÉMSS
Cet article est tiré de la participation à l’atelier Dette publique : quelle alternative face à l’austérité? animé par Attac France, la Fondation Copernic et l’Union syndicale Solidaires à l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités de 2023 à Bobigny.
On entend souvent un discours étatique favorisant les politiques d’austérité. On entend cette même idée que le gouvernement doit être frugal dans sa dispensation de services publics pour rembourser sa dette. Cette approche présente le remboursement de la dette publique par l’austérité budgétaire comme un impératif qui découlerait presque de la morale judéo-chrétienne. Toutefois, il importe d’abord de remettre en question nos idées reçues à propos de la dette publique. Ensuite, elle doit être réévaluée avec des indicateurs qui expriment la dispensation essentielle de services. Finalement, il faut considérer des alternatives au mode de gestion traditionnelle de la dette par l’État.
Idées reçues
Il est d’abord impératif de cesser d’amalgamer dette publique et dettes privées. L’État n’est pas un acteur comme les autres. Les particuliers et les entreprises ont un horizon limité. Les individus meurent tandis que les entreprises finissent presque toutes éventuellement par disparaître ou évoluer dans leur forme. Or, selon Attac, l’État a un horizon infini. Cet horizon se manifeste par des opérations intergénérationnelles.
Alors qu’un gouvernement lègue une dette publique aux générations futures, il lègue également des infrastructures, des équipements et une structure gouvernementale qui leur permettent de bénéficier de services et d’infrastructures. Il est donc normal de léguer une dette aux générations futures. Cette dette n’est que le reflet de l’étalement du coût de maintien d’une société aux futures générations qui la composeront. Ilfaut cesser de croire qu’une dette publique importante est un fardeau négatif pour une société. L’État dépense l’argent de ses contribuables pour ensuite leur fournir des biens et services essentiels. C’est là le fondement simplifié du pacte politique qui existe entre l’individu et son gouvernement.
Ainsi, si ce dernier dépense dans l’élaboration et le maintien de services publics, les individus devraient en bénéficier. La dette comprend les services de santé, l’éducation publique, les services d’urgence, le soutien à la culture et d’autres services avecune forte utilité sociale. Il est normal et même sain d’avoir une dette en tant que société.
Réévaluer la dette
Actuellement, la dette est très souvent mesurée et comparée comme un rapport de la dette publique sur le produit intérieur brut (PIB). Or c’est un calcul relativement bancal pour plusieurs raisons. D’abord, la dette est un stock, une quantité fixe à un certain moment dans le temps, qui s’accumule au fil des années, tandis que le PIB est un flux, une valeur qui indique la production nationale sur une année. La dette reflète le poids des politiques publiques tandis que le PIB mesure l’activité économique. Lesdeux valeurs comparées sont donc deux données différentes qui forment un rapport incohérent. La dette n’est qu’une seule partie du bilan financier : le passif.
Si l’on voulait brosser un portrait plus juste du rapport entre les charges de l’État et de ses capacités économiques, il faudrait prendre en compte également l’actif. La mesure de l’actif net, soit le passif soustrait au passif, nous permettrait donc de mesurer la réelle charge des dépenses de l’État contre ce qu’il possède, qui lui est dû et qui peut générer des recettes et des bénéfices pour la population.
L’autre alternative, selon Attac France, serait de considérer la charge de la dette. Celle-ci illustre le poids des intérêts à payer pour rémunérer la dette, en flux. Cette dernière a récemment augmenté avec la hausse des taux d’intérêt engendrée par la lutte que mènent les banques centrales contre l’inflation.
C’est donc sur les recettes publiques qu’il faut agir. Or, les gouvernements à tendance néolibérale s’entêtent à réduire les impôts de toutes et tous, mesures qui bénéficient davantage aux plus riches. En France, le problème réside également dans la distribution des pouvoirs entre l’État central et les collectivités locales.
Le gouvernement d’Emmanuel Macron a aboli certaines taxes qui généraient des recettes qui aboutissaient directement dans les caisses des collectivités, centralisant le pouvoir fiscal et diminuant les recettes de l’État. Il y a une incohérence dans cette logique d’austérité et de coupures d’impôts qu’il faut souligner et qu’il faut résoudre. Pour s’y prendre, Attac France nous propose quelques solutions.
Réformer la gestion de la dette
Attac propose une panoplie de solutions qui, adoptées séparément ou collectivement, permettraient de réformer la gestion de la dette pour sortir du paradigme néolibéral de baisse d’impôt qui mène ultimement à des baisses de services. D’abord, il serait saind’assurer une surveillance publique de la gestion de la dette. En créant un audit démocratique de la dette publique, il serait possible de comprendre pour un plus grand nombre d’où vient cette dette. Cette dernière étant majoritairement issue d’une érosion des recettes fiscales au profit des plus riches, l’audit créerait une pression sur les pouvoirs publics pour maintenir des recettes stables.
Attac France propose aussi de nationaliser la dette française. Cette dernière appartient majoritairement à des entités étrangères qui ont ainsi un pouvoir sur les exigences de remboursement. Au Japon, c’est le contraire, 80 à 85 % de la dette est détenue pardes entités nationales. Au Canada, elle se situe autour de 76 % de propriété domestique. En France, seulement 45 % de la dette appartient à des entités nationales,
D’autres solutions existent comme demander un financement monétaire conditionnel de la dette publique par les banques centrales, créant une «bonne dette» pour créer et maintenir des services publics de qualité. Ces derniers diminuent d’ailleurs les inégalités et augmentent le niveau de vie général de la population. Il serait aussi possible d’influencer la dette elle-même en l’annulant partiellement, sous condition d’investissements écologiques ou sociaux ou même en la restructurant pour modifier les échéances et les taux d’intérêt et ainsi en diminuer la charge.
Bref, il existe plusieurs solutions alternatives à l’austérité qui permet de maintenir une offre de services publics solide, de diminuer les inégalités sociales et de rehausser le niveau de vie général de la population, en commençant par les classes qui souffrent le plus du mode actuel de gestion de la dette.