Leo Gabriel *, extraits d’une lettre au Conseil international du FSM
De Santiago du Chili à Quito et à La Paz, de Barcelone à Paris à Beyrouth, de Bagdad à Hong Kong, les rues sont remplies de foules immenses pour protester contre les gouvernements. En même même temps, une nouvelle génération se présente sous la forme d’un éco-mouvement mondialisé qui entoure le monde entier à la manière d’une couche d’ozone politisée pour empêcher la fin de la planète.
Néolibéralisme et populisme de droite : une alliance impie
Mais que faire? Quelle est la stratégie pour contrer ces forces concentrées qui non seulement piétinent les droits humains les plus élémentaires, mais ne reconnaissent même plus la référence de la démocratie autrefois si vantée. Que faire dans un monde où le racisme, la fraude électorale et l’État policier (souvent lié au crime organisé) sont devenus les outils « normaux » de la gouvernance contemporaine?
Les lçons du Sud global
Pour répondre à cette question, il ne suffit pas de parcourir les vieux manuels des idéologies de gauche. Le défi est immense, car il s’agit de créer une nouvelle culture politique. Face à ces questions les pays du Sud ont été et sont des terrains d’expérimentations de nouvelles idées, réflexions et utopies qui permettent aux gens de sortir des sentiers battus. Celles-ci incluent des efforts collectifs pour créer un nouvel ordre économique basé sur l’action coopérative plutôt que sur la concurrence; mais aussi , en construisant le concept d’éco-socialisme, qui doit conduire les autorités étatiques à une communautarisation des biens publics. La paix, les femmes et des mouvements sociaux notables ont émergé au cours des dernières décennies, ainsi que la solidarité avec les mouvements populaires discriminés et réprimés à plusieurs reprises.
Le Forum social mondial en débat
Plusieurs mouvements se sont rencontrés depuis 2001 dans le cadre du Forum social mondial (FSM). Ils se sont associés pour organiser des ateliers, des séminaires et des réunions. des échanges d’expériences et d’idées pour éventuellement travailler ensemble. Le 15 février 2003, il a été possible de mobiliser tous les courants intégrés au FSM dans le monde pour organiser des millions de personnes contre la guerre en Irak.
Jusqu’à récemment, les
militants ne croyaient pas nécessaire de s’engager dans des processus
politiques concrets allant au-delà de leurs préoccupations spécifiques. La
soi-disant Charte de Porto Alegre, document fondateur du FSM, interdisait
expressément la participation de mouvements de libération armés et de partis
politiques, qui étaient alors présents au travers de leurs organisations de la
société civile. Mais les propositions qui incluaient une mobilisation
mondiale sur le modèle du 15 février 2003 ont été systématiquement rejetées par
le Conseil social du Forum social mondial, en invoquant le fait que le FSM en
tant que tel n’avait pas de subjectivité politique indépendante.
D’une certaine manière, cela était compréhensible compte tenu du fait que,
depuis la création du FSM, l’Amérique latine a connu toute une série de gouvernements
de gauche. En Europe aussi, les partis de gauche ont grandi dans de
nombreux pays dans les années 2000. Aujourd’hui, la situation a
fondamentalement changé. En Amérique latine, les partis de gauche sont
confrontés à un grave recul. En Europe, la perspective de partis de gauche
de parvenir au pouvoir est devenue lointaine.
Néanmoins, il serait faux de parler de vide. Comme mentionné au début, le nombre et la puissance politique des mouvements de la société civile dans le monde se sont considérablement renforcés. L’éco-mouvement Fridays for Future en est un exemple. Son slogan, Changer le système, pas le climay, frappe fort.
Une proposition mexicaine
Comment réussir à mettre en réseau et à coordonner les différents milieux politiques de manière à ce qu’ils puissent agir ensemble?
Le Conseil international débat depuis longtemps pour savoir si le FSM ne serait pas en mesure de constituer une sorte de centre d’échange pour la communication entre les mouvements du monde entier. C’est dans ce contexte que survient une proposition des mouvements mexicains, pour organiser le prochain Forum social mondial à la mi-octobre 2020. Des Assemblées de résistance ont entrepris cette discussion.
Il y a plusieurs défis. Il faut de manière claire lier la protection du climat au Buen Vivir exigé par l’économie sociale. Il faut faire cesser les guerres et reconnaître le droit à l’autodétermination de tous les peuples du monde. Il faut mettre fin à la destruction et le vol de terres et des ressources non renouvelables. Pour atteindre tous ces objectifs, il reste un long chemin à parcourir, qui ne se concrétisera que lorsque nous nous rendrons compte que nous avons déjà parcouru un long chemin dans cette voie et que les décennies d’expériences communes ont été les pionniers d’une vision de l’avenir.
* Journaliste et anthropologue, corédacteur de la revue LATINAMERIKA ANDERS, membre du Conseil international du FSM.