Climat: la COP25 s’ouvre à Madrid

CHRISTOPHE GUEUGNEAU, Médiaparr, 1 décembre 2019

Le sommet de l’ONU sur le climat démarre lundi en Espagne et pour deux semaines. Des sujets techniques sont à l’ordre du jour. De fait, il faudra attendre 2020, et la COP de Glasgow, pour espérer voir les États rehausser leurs ambitions. Il y a pourtant urgence.

Si l’on notait les rendez-vous internationaux sur le climat selon les mêmes critères que la performance énergétique des réfrigérateurs, il y a de fortes chances que la COP25 – la 25e conférence annuelle de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique –, qui se tient du 2 au 13 décembre à Madrid, se termine avec une note inférieure à C. Même les observateurs les plus optimistes n’en attendent pas grand-chose, estimant, au mieux, qu’il s’agit d’une COP de transition avant la COP26, à Glasgow, en novembre 2020. 

La COP25 relève du paradoxe. Certes, elle se tient au sein de l’Union européenne, dont le Parlement a adopté à Bruxelles, jeudi dernier, une résolution déclarant l’état d’urgence climatique, faisant du continent européen le premier à prendre une telle décision. Cette même Europe semble néanmoins peu pressée de revoir ses ambitions à la hausse en termes de réduction de gaz à effet de serre (lire notre article)

Certes, la Banque européenne d’investissement a décidé récemment de mettre un terme au financement du pétrole, du gaz et du charbon à partir de 2021. Mais un nouveau rapport d’Oxfam et des Amis de la Terre a souligné jeudi qu’en 2018 « les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement des quatre principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale et BPCE – dans le secteur des énergies fossiles ont atteint plus de 2 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 4,5 fois les émissions de la France »

Si la Chine électrise son économie à grande vitesse, ce qui est une bonne chose en termes de décarbonation de son économie, elle le fait cependant en construisant des centrales électriques fonctionnant… au charbon. Si la mobilisation de la société civile, et en particulier des jeunes, n’a jamais été aussi forte, force est de constater que les 7 millions de personnes dans les rues en septembre dans le monde n’ont que peu pesé sur les négociations en cours au même moment à New York.

Dans un rapport rendu public cette semaine, le Programme des Nations unies pour l’environnement a lancé un avertissement aux 196 États qui devaient se réunir à Madrid. En substance : vous avez perdu une décennie (2009-2019) à ne rien faire pour réduire les gaz à effet de serre, vous allez devoir en faire beaucoup plus et beaucoup plus vite dans la décennie à venir si vous voulez maintenir le réchauffement climatique à + 1,5 °C.

La révision à la hausse des ambitions climatiques ne devrait pourtant pas faire l’objet d’une décision proprement dite à Madrid. En vertu de l’accord de Paris de 2015, les parties ont en effet jusqu’en 2020 pour soumettre de nouvelles “contributions déterminées au niveau national” (“nationaly determined contribution”, NDC, en anglais), qui donnent pour chaque État – ou pour l’Union européenne – les efforts et politiques engagés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. 

De fait, on ne peut pas dire que les États se bousculent au portillon pour annoncer leur nouvelle ambition. À l’heure actuelle, ceux qui se sont d’ores et déjà engagés à mettre à jour leur NDC ne représentent que 10 % des émissions mondiales. Ceux qui se sont engagés à revoir leur ambition à la hausse représentent 8 % des émissions. Seules les îles Marshall ont pour l’instant soumis leur nouvelle NDC…

Sébastien Treyer, directeur du think tank Iddri, juge tout de même que Madrid constitue une « étape importante pour se préparer collectivement et individuellement aux efforts à faire en 2020 ». Mais sa directrice du programme climat elle-même, Lola Vallejo, estime que « la vraie deadline, c’est la COP26 »

Deux gros sujets, très clivants, sont néanmoins sur la table pour cette COP, sans qu’on puisse encore dire de quelle façon ils seront conclus, s’ils le sont : le marché carbone et le mécanisme des pertes et dommages.

Le premier point concerne l’article 6 des règles de l’accord de Paris. Il s’agit donner un cadre clair pour permettre des échanges d’émissions de CO2 entre pays. Une telle possibilité était déjà offerte aux pays riches, qui pouvaient acheter aux pays en voie de développement des droits à polluer. 

Avec l’accord de Paris, toutefois, les pays en voie de développement doivent à leur tour réduire leurs émissions. Le but de l’article 6 est donc de mettre en place des règles. Et ce alors même que les pays en voie de développement ont de moins en moins intérêt à vendre leur COnon émis, puisque eux-mêmes en ont besoin.

Les négociations avaient achoppé lors de la COP24, l’an passé à Katowice, en Pologne. Pour le Réseau Action Climat, ces négociations sont un « enjeu majeur » à Madrid. Les nouvelles règles, si elles sont « mal définies »« créeraient une brèche irréparable dans l’accord de Paris et mettraient en péril l’atteinte de ses objectifs »« Les pays devront donc être intransigeants sur la qualité des règles à adopter, poursuit le réseau d’ONG. Même en présence d’opposants de taille comme le Brésil, l’ambition de l’accord de Paris et le respect des droits humains ne sont pas négociables. »

Pour Greenpeace, un article 6 mal négocié « menace de transformer l’accord de Paris en vaste marché carbone, déresponsabilisant du même coup les États dans les efforts à fournir pour baisser les émissions de gaz à effet de serre ». Le Brésil est particulièrement montré du doigt, car il essaye de faire passer un double comptage des crédits carbone – les réductions de CO2 seraient prises en compte dans le pays vendeur comme dans le pays acheteur. 

Ce risque de double prise en compte n’est pas le seul problème soulevé : la fixation du prix des émissions pose elle aussi d’épineuses questions. 

Autre sujet problématique : la révision du mécanisme de Varsovie sur les pertes et préjudices (« loss and damages » en anglais). Les “pertes et préjudices”, ce sont « en quelque sorte ce à quoi les États doivent faire face sans pouvoir s’adapter », décrypte Lola Vallejo de l’Iddri. Mis en place lors de la COP19 en 2013, ce mécanisme vise à la fois à améliorer la compréhension de ce que sont les pertes et préjudices, à faciliter les échanges et, surtout, à renforcer l’action et le soutien en cas de pertes et de préjudices. 

Les pays en voie de développement, qui subissent déjà pour beaucoup les conséquences d’un changement climatique dont ils ne sont pas responsables, demandent un flux d’argent additionnel provenant de ce mécanisme. 

En 2015, lors de l’accord de Paris, l’article 8 sur les pertes et préjudices avait été adopté in extremis mais aujourd’hui il ne propose aucune piste concrète pour répondre financièrement au problème.  

À la COP24, cette question avait été « réduite au strict minimum », comme l’indiquait Fanny Petitbon de l’association CARE à l’époque. Les États-Unis, pendant deux semaines, avaient systématiquement remis des parenthèses dès que le terme apparaissait et avaient tout fait pour que cet élément soit inclus dans le chapitre de l’adaptation.

Pourtant, selon le rapport 2019 de Civil Society Review, à eux seuls, les États-Unis et les pays de l’Union européenne sont responsables de 54 % des coûts des réparations nécessaires à la suite des désastres climatiques dans les pays du Sud. 

Sur cette question, le Réseau action climat estime qu’il « existe déjà des options pour mobiliser les ressources financières nécessaires sans peser sur les budgets nationaux ». Le RAC cite en exemple la création de financements dits « innovants » : « une taxe sur les émissions des transports aérien et maritime, une taxe sur les transactions financières ou sur l’extraction des énergies fossiles ».

Un autre point sera sans doute discuté lors de cette COP, dans la foulée des deux rapports spéciaux du GIEC parus cette année – sur l’utilisation des terres et les océans – et de celui de IBPES sur la biodiversité et avant le congrès mondial pour la nature prévu au printemps prochain à Marseille et, surtout, la COP15 de Kunming en Chine, fin 2020. À Madrid, les États devraient ouvrir un dialogue sur le lien entre climat et biodiversité. Il s’agirait notamment de mettre dans les NDC des solutions basées sur la nature tout en prenant garde de ne pas céder aux « fausses solutions » (lire à ce sujet l’étude de l’Iddri). 

Fausses ou vraies, les solutions prônées par les États ne devraient de toute façon pas être connues avant 2020 et la prochaine COP. 

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