La femme du jour
Bruno Odent dans l’Humanité du 4 mars
Elle est née au milieu de l’enfer et elle a survécu à l’un des pires épisodes guerriers du XXe siècle : le siège de Leningrad par l’armée nazie. À soixante-dix-sept ans, Elena Osipova, qui fut bercée par les souvenirs de désolation et de mort racontés par ses parents, n’a pas hésité. Elle est venue, avec d’autres courageux habitants de Saint-Pétersbourg, manifester contre la guerre de Poutine en Ukraine. Deux pancartes à la main, elle clame sur la première : « Soldat, jette ton arme et tu seras un vrai héros. » Elle dénonce sur la seconde l’apocalypse que constituerait le déclenchement d’une guerre nucléaire.
Elena a été rapidement cernée par huit gaillards de la police dite antiémeute et arrêtée. On dénombrait en ce 3 mars près de 8 000 citoyens embarqués de la même façon, partout sur le territoire russe où des citoyens continuent de défendre la paix.
Elena Osipova est l’une des dernières survivantes du siège de Leningrad. Encerclés par les troupes nazies, les civils et l’armée soviétique sont restés retranchés dans la ville pendant 872 jours entre septembre 1941 et janvier 1944. L’« étau », tel que les troupes allemandes qualifièrent cette stratégie, a fini par interdire les moindres approvisionnements des assiégés. Et la famine a emporté, à elle seule, plus de 600 000 personnes sur le million de morts déplorés au total.
Les images de l’arrestation d’Elena Osipova, filmées par un autre pacifiste russe, sont devenues virales sur Twitter. Pour la meilleure cause, celle d’une vieille dame indigne aux yeux du régime belliciste de Moscou. Une vieille dame si intransigeante et intrépide pour la Russie et l’humanité.