Arrivée dans le sillage des soulèvements tunisien et égyptien, la révolte syrienne a commencé par des manifestations pacifiques le 15 mars 2011. L’ouverture espérée par l’arrivée de Bachar Al-Assad au pouvoir en juillet 2000 n’avait pas eu lieu. L’accaparement du pouvoir par une clique issue d’une minorité religieuse, les alaouites, avait engendré une corruption massive. Une décennie d’importantes sécheresses avait poussé les agriculteurs à abandonner leurs exploitations pour venir gonfler les quartiers périphériques déjà précaires des grandes villes. On estime ainsi à 75 % le taux d’exploitations agricoles syriennes en faillite, et 86 % du bétail serait mort entre 2006 et 2011.
Dès le début, Damas répond par la force. Contrairement à ce qu’avaient prédit des observateurs internationaux, l’essentiel de l’armée lui est restée loyale, en raison des liens claniques entre l’appareil militaire et le pouvoir politique.
Pour justifier cette répression au nom de la « lutte contre le terrorisme », le régime syrien libère dès mars 2011 des centaines d’opposants. L’Armée syrienne libre (ASL) composée notamment de soldats déserteurs voit le jour en juillet. Soutenu par la Turquie et le Qatar, le Conseil national syrien lui apporte une aide financière. Des armes arrivent également de Libye. Bientôt, d’autres groupes armés, dont des groupes djihadistes, verront le jour.
UN TERRAIN INTERNATIONAL
Le régime syrien bénéficie à son tour du soutien de forces étrangères. D’abord l’Iran et le Hezbollah libanais qui, à partir de fin 2012, entraînent, arment et fournissent un soutien logistique aux combattants loyalistes. Cela conduit à une intervention aérienne d’Israël qui bombarde à partir de 2013 les positions des milices chiites et accueille les combattants blessés du Front Al-Nosra (ex-Al-Qaida) pour les soigner.
En 2015, Bachar Al-Assad demande officiellement l’intervention militaire directe de la Russie qui répond à l’appel. Depuis, Moscou a installé une base aérienne à Lattaquié, fief du régime. La Turquie quant à elle intervient à deux reprises dans le nord de la Syrie, d’abord en 2016 puis en 2019. Si la présence de l’OEI justifie en partie sa première opération, c’est surtout contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition dominée par les Kurdes qu’Ankara mobilise ses troupes ainsi que des rebelles syriens, dont les anciens d’Al-Nosra, de peur de leur influence sur les Kurdes turcs, ennemis jurés de Recep Tayyip Erdoğan. Après l’avoir libérée de l’OEI, en effet, les FDS ont, en mars 2016, proclamé la création de la Fédération démocratique du Nord de la Syrie-Rojava, un territoire autonome du nord et de l’est dont ils demandent la reconnaissance par Damas. Cependant, aujourd’hui encore, une partie du Rojava reste contrôlée par la Turquie.
LES CIVILS, ÉTERNELS VICTIMES
Dix ans après le début du soulèvement, le bilan humain et matériel est colossal. Selon le dernier recensement réalisé en décembre 2020 par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), 390 000 Syriens sont morts dont un peu plus de 116 000 civils. Un chiffre qui n’inclut pas les 200 000 personnes portées disparues et présumées mortes. Sur les 22 millions d’habitants que compte la Syrie, on compte 6,7 millions de déplacés intérieurs et 5,6 millions de réfugiés dans les pays voisins, principalement répartis entre le Liban, la Jordanie et la Turquie. En janvier 2021, l’organisation des Nations unies a estimé à 13 millions le nombre de personnes nécessitant une assistance humanitaire sur le sol syrien. Enfin, il ne faudrait pas moins de 40 ans pour déminer les villes et les reconstruire durablement.
Aujourd’hui, Bachar Al-Assad, toujours au pouvoir, gouverne sur un tas de ruines. Après la réélection sans surprise du parti Baas aux élections législatives l’été 2020, le président prépare sa candidature pour le scrutin présidentiel du 26 mai 2021, dont le résultat ne laisse pas non plus beaucoup de place au suspens…