En 2015, au sommet de ce qui fut qualifié de « crise des migrants », les médias de partout sur la planète avaient les yeux tournés vers ce qu’ils appelaient « la jungle de Calais ». Il s’agissait d’un grand campement formé par des migrants venus d’Afrique et du Moyen-Orient, qui s’étaient retrouvés à Calais en France, sur les rives de la Manche. La raison de leur installation à cet endroit précis était que beaucoup d’entre eux rêvaient du Royaume-Uni. Depuis la concentration médiatique de 2015 et de 2016, l’attention s’est peu à peu estompée. Surtout, avec l’apparition en mars 2020 de la pandémie de COVID-19, les médias se sont tournés de façon quasiment exclusive sur la crise sanitaire, occultant par le fait même la situation des migrants dans le nord de la France.
Aujourd’hui, ce qui se passe à Calais peut être qualifié de véritable jeu du chat et de la souris. Une situation terrible qu’il faut mettre en lumière. Le journaliste Tancrède Bonora de France Télévision s’est rendu sur place et a rapporté ce qu’il a vu dans un reportage intitulé « Exilés du nord » qui a été récemment diffusé dans l’émission « C à Vous ». Depuis deux ans, la police de Calais démantèle chaque jour les campements. Chaque jour! Et cela ne décourage pas les migrants qui se réorganisent à chaque fois. Ils y arrivent malgré la précarité extrême, le froid hivernal du nord de la France, et évidemment, les risques de contamination au coronavirus.
Pour ces personnes, une bonne partie de leur survie réside dans l’entraide mutuelle qu’ils peuvent s’apporter à l’intérieur de leurs camps de fortune. Mais, au lieu de les prendre en charge de façon constructive, c’est-à-dire en leur offrant un logement décent, la régulation de leurs papiers et l’intégration à la société, l’État français envoie la police. De plus, les gendarmes agissent avec violence envers les campeurs. Surtout par la destruction des tentes ou la confiscation des rares biens qu’ils possèdent. La situation est dénoncée en France par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Ce qui n’empêche pas le cercle vicieux de perdurer et d’envenimer la misère de ces êtres humains.
Il y aurait actuellement environ 1 500 migrants le long du littoral nord de la France. Le périple vers le Royaume-Uni est récemment devenu beaucoup plus difficile en raison de la mise en œuvre officielle du Brexit, ce qui complique encore davantage l’entrée au Royaume-Uni. Les migrants de Calais proviennent surtout d’Irak, de Syrie et du Soudan. Ces personnes fuient la guerre en quête d’une vie meilleure. Des associations caritatives leur offrent des tentes, du bois et autres outils de campement.
Malheureusement, la durée de vie d’une tente installée n’est que de trois ou quatre jours avant d’être non seulement désinstallée, mais aussi détruite par la police, et ce, à l’aide de canifs. Selon Human Rights Observers (HRO), une branche d’Amnistie Internationale qui se penche sur le sort des migrants, les policiers calaisiens auraient saisi 198 sacs de couchage, seulement durant le mois de janvier 2021. Le comble de l’indécence. De plus, lors des opérations de démantèlement, les journalistes français, comme Tancrède Bonoro, se voient expulsés des lieux de campement. La pandémie a donc deux impacts assez clairs sur la vie des migrants. D’abord, elle occulte la visibilité de cet enjeu dans l’opinion publique. Et ensuite, elle semble donner aux forces de l’ordre un sentiment de toute-puissance, de légitimité absolue au niveau des méthodes d’application de certaines règles.