États-Unis : nouvelles attaques contre les demandeurs d’asile

 

John Washington, extraits d’un texte paru dans The Nation, 10 novembre 2018

Ce matin, l’administration Trump, invoquant des mesures d’urgence en matière de sécurité nationale, a décidé de suspendre pendant 90 jours le droit à l’asile de toute personne franchissant la frontière en dehors d’un point d’entrée officiel. Ce geste, pris au milieu de l’inquiétude du gouvernement au sujet d’une caravane de migrants se dirigeant vers la frontière américano-mexicaine, éviscère effectivement les lois américaines sur l’asile. Mais, comme beaucoup d’actes douteusement légaux de la part de l’administration, la proclamation présidentielle envoie un message clair sur l’approche de l’administration vis-à-vis du droit international et des droits de l’homme – que les États-Unis ne respecteront pas.

L’ordre d’aujourd’hui intervient après presque deux ans d’attaques racistes contre l’immigration d’Amérique centrale. Cela, au lieu de s’attaquer à l’héritage de la guerre soutenue par les États-Unis, ou de modifier les politiques d’incarcération et de déportation qui ont déclenché et fomenté la montée des gangs violents de la région ; au lieu de s’attaquer à la spoliation économique actuelle de la région par le biais d’une agriculture monoculture du bananier et de l’huile de palme et des ateliers clandestins ; au lieu de travailler pour atténuer l’élévation du niveau de la mer et la sécheresse induites par le changement climatique ; et au lieu de prendre position contre des gouvernements autoritaires corrompus, ou de dénoncer les élections illégitimes de 2017 au Honduras ou la corruption flagrante au Guatemala.

Le bilan de l’action de l’administration Trump sur l’émigration en Amérique centrale est une litanie de cruauté. Il a été beaucoup plus difficile pour les personnes fuyant des violences domestiques graves ou la violence de gangs d’obtenir un asile. On a réveillé des centaines d’enfants au milieu de la nuit et les a envoyés dans des villes isolées pour tentes; on a déporté des parents sans leurs enfants après les avoir forcés à signer des papiers; et on a qualifié les migrants d’Amérique centrale d’« animaux ». Trump a qualifié le Honduras, entre autres pays, de trou de merde. Et avec la proclamation présidentielle d’aujourd’hui, le gouvernement Trump a renié le droit national et international relatif aux réfugiés.

La proclamation d’aujourd’hui a déjà été contestée par le Civil Liberties, le Southern Poverty Law Center et le Center for Constitutional Rights, qui ont déposé une plainte contre Trump. Un juge pourrait statuer sur la question dès la semaine prochaine.

Les mesures prises par l’administration Trump contre les demandeurs d’asile d’Amérique centrale sont empreintes d’une certaine ironie, car ce sont les politiques draconiennes des États-Unis dans la région qui ont, en partie, poussé les Centraméricains demander d’asile et voyager dans des caravanes pour se protéger. Après la crise des mineurs non accompagnés de 2014, au cours de laquelle des milliers de mineurs, l’administration Obama a externalisé à Mexico, le contrôle de l’immigration. Cette décision a rendu les voies de migration trans-mexicaines encore plus dangereuses, les agents fédéraux mexicains extorquant, frappant, emprisonnant, expulsant et même tuant des migrants d’Amérique centrale. La militarisation le long de la frontière américano-mexicaine a également poussé les migrants entre les mains de violents cartels de paramilitaires, qui s’engagent de plus en plus dans le trafic et la contrebande de personnes. De nombreux migrants – n’ayant d’autre choix que de voyager avec des passeurs – ne sont pas en mesure de décider du mode de franchissement de la frontière.

Comme l’a montré la politique sans merci de séparation des familles de cet été, tant que les causes profondes ne seront pas traitées, les migrants d’Amérique centrale continueront à fuir la violence, la corruption et l’insécurité générale dans la région, même si des mesures punitives drastiques sont prises sur notre sol. En septembre, les unités familiales ont franchi le nombre le plus élevé de personnes à franchir la frontière américano-mexicaine, même en dépit de la répression exercée par Trump sur les migrants.

Il est également douteux d’appeler la situation à la frontière une crise nationale. En dépit de l’augmentation du nombre de familles qui cherchent refuge, le nombre total de frontaliers est en fait inférieur à celui de 2014 et est resté stable au cours des deux dernières années.

Ce qui est particulièrement troublant, c’est que la décision prise aujourd’hui contredit directement la Convention sur les réfugiés de 1951 et le Protocole de 1967, auxquels les États-Unis sont partie. L’article 31 de la convention stipule que les demandeurs d’asile sont « rarement en mesure de respecter les conditions d’entrée légales » et que « la demande d’asile peut obliger les réfugiés à enfreindre les règles en matière d’immigration ». L’article de la Convention sur les réfugiés stipule également que les pays « ne doivent pas infliger de pénalité, en raison de leur entrée ou de leur présence illégales, aux réfugiés qui, venant directement d’un territoire où leur vie ou leur liberté était menacée… entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation ».

 

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