Europe : qu’en est-il des droits des migrants et réfugiés?

 

Transnational Migration Platform, France-Amérique latine, 14 mai 2020

L’un après l’autre, les pays de l’Union européenne (UE) ont débuté ce que l’on appelle la fin du confinement. Après de longues semaines de confinement imposées par la crise des coronavirus, ses habitants tentent de reprendre le rythme d’une vie normale, quoique lentement. Pour les peuples migrants et réfugiés, la crise est loin d’être terminée. Des milliers de personnes restent confinées dans des camps et / ou des zones insalubres, ou survivent dans la précarité et la marginalité, menacées par le racisme et la peur de la répression.

 

La situation à Lesbos, en Grèce, où plus de 30 000 migrants survivent, est le scénario le plus terrible de la violation quotidienne des droits de l’homme par un État et l’Union Européenne, qu’en ne donnant pas l’aide nécessaire aux personnes dont des vies sont en danger, ils se rendent coupables d’un crime contre ces populations. La décision de certains gouvernements de recevoir, goutte à goutte, des mineurs et des femmes de Lesbos, ne doit pas nous cacher la dimension de la tragédie humaine vécue par les sans-papiers.

Des milliers de travailleurs confinés dans des bidonvilles en Andalousie, dans le sud de la France ou dans certaines régions d’Italie, entre autres, sans nourriture ni assainissement de base, sont une autre réalité sanglante que la pandémie est venue aggraver. Dans le même temps, en particulier dans les villes, de nombreuses femmes migrantes travaillant comme domestiques ont perdu leur emploi et leurs revenus. N’ayant pas de papiers, ils ne peuvent pas accéder à l’aide gouvernementale et, comme de nombreux parents non mariés et enfants de migrants et de réfugiés, sont à haut risque ou sont déjà sans abri, ce qui les rend plus exposés à la menace du Covid-19.

La pandémie de coronavirus a provoqué une crise multiforme aux dimensions incalculables. Il s’agit d’une crise sanitaire, économique, sociale et humanitaire. Et surtout, une crise de ce système capitaliste, producteur et générateur d’exploitation vers les populations les plus vulnérables, notamment les peuples migrants et réfugiés.

Pour y faire face, plusieurs gouvernements n’ont pas hésité à recourir à un langage belliqueux ou au patriotisme vulgaire et au nationalisme, appelant à «l’unité de la patrie» et «la fermeture des frontières», militarisant les politiques migratoires.

Nous dénonçons le fait que les mesures sanitaires, nécessaires pour lutter contre la pandémie, sont utilisées pour stigmatiser, discriminer ou violer les droits de l’homme des communautés et des peuples migrants et réfugiés qui sont maintenant bloqués, enfermés dans une sorte de limbe où ils ne peuvent pas circuler, rentrer dans leur pays d’origine, rencontrer leurs familles.

Cette stratégie est utilisée pour, une fois de plus, empêcher les sauvetages en Méditerranée en refusant d’autoriser le débarquement. Les deux navires de sauvetage civils Alan Kurdi et Aita Mari ont été immobilisés par les autorités italiennes dans le port de Palerme les 5 et 6 mai, après avoir sauvé environ 183 personnes, empêchant ainsi les navires de retourner vers la mer et de reprendre les opérations de sauvetage. L’arrêt du Tribunal Permanent des Peuples (TPP) de Palerme en 2018 a déclaré ces interdictions de sauvetage «comme des crimes contre l’humanité en Méditerranée» et avertit récemment, «la cécité nationaliste peut avoir des effets plus dévastateurs qu’une pandémie».

Rendus invisibles par des politiques xénophobes et discriminatoires, les migrants ont une fois de plus démontré leur importance pour la société lorsqu’ils sont tenus de mener des activités telles que l’agriculture, le nettoyage, les soins ou la distribution de nourriture, souvent sans aucune protection, et sans reconnaissance de leurs droits.

Parmi les pays qui composent l’Union européenne, le Portugal a régularisé les migrants qui, avant le début de la crise des coronavirus, avaient entamé le processus de demande de légalisation. L’Italie a également accepté une régularisation afin de garantir les tâches essentielles et l’accès aux soins de santé et aux services sociaux. Dans le reste des pays, lorsque des mesures ont été adoptées pour leur donner des « papiers », cela a été fait dans le but de disposer de main-d’œuvre dans les services d’agriculture, de foresterie, de nettoyage et d’assainissement, sans donner la priorité ni garantir le respect et la protection des droits fondamentaux des personnes.

Une régularisation généralisée et globale de tous les migrants et réfugiés de l’UE est essentielle et urgente afin qu’ils puissent enfin exercer leurs droits au travail, sociaux et de santé de manière adéquate pour leur propre bénéfice et celui de la société dans son ensemble.

La crise du coronavirus a fait des milliers de morts en Europe, mais elle a également vu l’émergence d’une nouvelle solidarité, d’en bas, entre et vers les plus faibles, ces «personne» qui, dans tous les pays, sont apparues pour faire face au défi le plus important de l’humanité depuis de nombreuses années. Nous avons également vu que les États, lorsqu’ils le souhaitent, peuvent investir des millions d’euros pour sauver des entreprises, des emplois et des vies humaines. Nous appelons les gouvernements de l’UE à mettre fin à leurs accords bilatéraux sur l’externalisation des frontières (avec la Libye, la Turquie et le Maroc) où les reculs entraînent des détentions dans des conditions désastreuses dans les camps de ces
pays tiers et à cesser également ses investissements dans l’armée équipement. Au lieu de cela, il est urgent que l’UE et ses États membres reprennent la responsabilité de sauver des vies et d’assurer l’exercice des droits de l’homme à tous les peuples migrants et réfugiés.

La réactivation de nos sociétés, pour éviter une autre crise aussi grave ou plus grave que celle actuelle du coronavirus, ne peut continuer à nier les droits de ces millions de personnes qui constituent les communautés et les peuples migrants et réfugiés.