La pandémie a certainement amené son lot de problèmes partout dans le monde. Mais d’une certaine façon, elle semble être venue s’imbriquer sur l’époque dans laquelle nous vivons. Avant la pandémie, il faut se rappeler que nous avions déjà un important problème de stress et d’anxiété sociale. Avec l’arrivée d’internet dans les années 1990, nous avons entamé une période jusqu’à aujourd’hui ininterrompue de diminution importante des contacts humains. Les enfants qui s’amusent avec leurs tablettes électroniques au lieu de jouer dehors, comme toutes les autres générations l’avaient fait auparavant, est une image frappante. Alors même que nous pensions que l’isolement dû à cette fixation technologique obsessionnelle ne pouvait pas nous distancer davantage les uns des autres, le coronavirus est arrivé à obliger les gouvernements à carrément légaliser la distanciation sociale.
Un autre étrange malaise psychologique existait avant la pandémie et n’en fut pas moins renforcé avec l’année 2020. Cette propension à la victimisation, ce recours systématique au reproche, et ce, pour toutes sortes de raison. Il y a d’abord les nouvelles injonctions de la culture de la diversité et de l’inclusion, qui sont à la fois légitimes sur le fond, mais qui perdent totalement leur sens lorsqu’elles sont exploitées de façon abusives pour détruire l’autre. Il y a depuis plusieurs années un souci exagéré pour des détails, une facilité à la plainte. Une tendance également à ce que les règlements punissent l’ensemble de la société pour les écarts anodins de quelques-uns. Par exemple, qu’en est-il des chiens? Comment se fait-il qu’ils se voient interdire l’accès aux parcs, aux plages, à plusieurs sentiers pédestres? L’arrivée de la Covid-19 a évidemment centuplé les restrictions, les règles de la vie en société. Le problème d’une telle multiplication est que souvent les règlements viennent à se contredire, à changer trop rapidement pour être connus et suivis. Il s’en suit une société de l’incertitude.
Internet, en plus de nous avoir isolés tous, provoque l’escamotage éhonté de la langue française, reléguée à un charivari d’abréviations et d’acronymes anglicisés. Cette transformation du langage dénote un je-m’en-foutisme généralisé. Le protocole interpersonnel est tellement déconstruit que cela abîme carrément la politesse. En définitive, le manque respect est aujourd’hui omniprésent sur les réseaux sociaux. L’incivilité rampante n’a d’égale que la quantité de règles qui cherchent à tout régir. Le renfermement individuel provoque un égoïsme fâché qui mobilise à son avantage les mécanismes légaux. En même temps, les pires exactions sont commises sur internet : autant le monde réel est-il sous surveillance, autant le monde virtuel semble incontrôlable.
Il y a depuis le début du 21ème siècle une pression sociale pour la performance et pour la consommation, ce qui amène une difficulté à vivre le moment présent. Le temps nous apparaît passer à une vitesse folle. Cela peut s’expliquer par ce temps perdu au profit de nos téléphones intelligents et nos médias sociaux. Il ne faut pas oublier que le modèle d’entreprise même de ceux qui nous les offrent est basé sur la dépendance des usagers. Non par hasard, mais par « design ». La pandémie est venue cristalliser les tendances qui émergeaient depuis quelques décennies. Nous vivons dans un monde d’intolérance. Il nous faudra reconstruire, et ce, en mettant beaucoup d’efforts pour maintenir et entretenir nos relations familiales, amoureuses et amicales. Dans la vraie vie.