Nabila Amir, Al Watan, 2 novembre 2019 (traduit par Alencontre)
Jamais un 1er Novembre n’aura été aussi fortement ressenti par les Algériens. En cette date anniversaire de notre glorieuse Révolution, le peuple a, symboliquement, renoué avec son histoire. Les Algériens ont réhabilité cette date à l’occasion du 37e vendredi du mouvement populaire du 22 Février. Ce 1er Novembre, date qui coïncide avec le 65e anniversaire du déclenchement de la Guerre de Libération nationale, la capitale était prise d’assaut par des hommes et des femmes de tout âge aux cris de «Ya Ali ya Ali!» en référence au héros de la Bataille d’Alger, Ali La Pointe.
Des balcons, des places et des rues noires de monde, les manifestants scandaient «Echaab yourid El istiklal!» (Le peuple veut l’indépendance), «Ya Ali, bladi fi danger!» (Ali mon pays est en danger). Des expressions lourdes de sens. Des slogans qui en disent long sur l’état d’esprit des Algériens qui revendiquent, 65 ans après, leur libération et leur liberté. Ce 1er novembre était un deuxième souffle de la révolution, un moment fort où les manifestants ont, unanimement, rendu un vibrant hommage aux chouhada et surtout au moudjahid Lakhdar Bouregaâ.
Le héros de cette révolution. Ils ont également convoqué l’histoire en brandissant les portraits des six architectes de la Révolution algérienne et la biographie du groupe des «22», figures emblématiques à l’origine du déclenchement de la Guerre de Libération, dont Mohamed Boudiaf, Mustapha Ben Boulaïd, Larbi Ben M’hidi, Zighoud Youcef, Rabah Bitat, Didouche Mourad. Sur la pancarte réservée à Souidani Boudjema, son auteur a reproduit la question posée par ce martyr de la Révolution à ses camarades lors de la réunion du groupe des «22»: «Oui ou non, sommes-nous des révolutionnaires? Alors qu’attendons-nous pour faire cette révolution si nous sommes sincères avec nous-mêmes?»
Ce manifestant fait le parallèle entre le combat de ses aïeux et celui d’aujourd’hui. Pour lui, les Algériens qui sortent depuis le 22 février sont des révolutionnaires d’un autre genre. «Nous nous battons pour dégager la issaba et pour que l’Algérien vive dignement dans son propre pays. Nous n’avons pas une patrie de rechange», lance-t-il.
Les photos des détenus d’opinion ont été également exhibées lors de cette marche. Des chants révolutionnaires, des slogans hostiles au système, à l’élection présidentielle du 12 décembre et en faveur de la libération nationale ont été entonnés tout le long de cette marche historique, qui a vu une marée humaine déferlée dans les grandes ruelles de la capitale. De la place du 1er Mai, en passant par la Grande-Poste pour revenir à Didouche Mourad, de nombreux manifestants, jeunes et plus âgés, ont manifesté avec un masque représentant Lakhdar Bouregaâ, en détention provisoire depuis quatre mois.
Ce baroudeur de la Guerre de Libération, cet intermédiaire entre les combats d’hier et d’aujourd’hui est le plus vieux détenu du mouvement populaire, 86 ans. L’arrestation de Bouregaâ est dénoncée et condamnée par les manifestants et surtout par ceux qui ont connu la torture infligée par des Algériens. Bouregaâ a été arrêté en juillet 1967 et condamné à 30 ans de prison. Ce vendredi 1er novembre les manifestants ont surtout loué les mérites de cet ancien combattant de l’ALN (Armée de libération nationale), emprisonné en 2019 pour avoir exprimé son opinion. «Bouregaâ est un héros!» tonnent les manifestants, rappelant son refus de répondre aux questions du juge d’instruction car, avait-il dit, il ne reconnaît pas «la justice qui émane d’un pouvoir illégitime et la justice qui obéit aux injonctions du téléphone».