Robin Bonneau-Patry – Correspondant à Buenos Aires

100 jours après l’investiture de Javier Milei, son gouvernement met à rude épreuve le droit à l’éducation avec le gel des budgets universitaires en pleine inflation. Cette crise, touchant profondément étudiant.es et enseignant.es, met en lumière la lutte pour préserver l’accès à un enseignement public face à la tentative de l’asphyxier.

L’inflation étouffe l’éducation : vers un effondrement des universités

L’Argentine traverse une période sombre pour son éducation publique. Avec le gel des budgets en éducation pour l’année 2024 par le gouvernement de Javier Milei, alors que l’inflation continue de battre des records (276% sur un an1), les institutions universitaires se retrouvent dans une position intenable.

Avec le budget qui reste inchangé par rapport à l’année précédente, les écoles luttent pour couvrir les coûts de fonctionnement essentiels dans un contexte d’inflation vertigineuse. Ce problème affecte l’ensemble du pays : à l’Université Nationale de la Patagonie Austral (UNPA), enseignant.es et étudiant.es se retrouvent privées des moyens essentiels pour garantir une éducation de qualité.(( Redacción Nuevo Día, « Buscan asfixiar a la Universidad Pública Argentina para arancelarla, 13 mars 2024.))

Cette année, les universités reçoivent 180 % de moins que ce qu’elles ont reçu en 2023, en dépenses de fonctionnement.((El paro universitario docente y el cierre de las 57 universidades públicas, CNN, consulté le 20 mars 2024, )) Ainsi, les institutions font face à une pénurie totale de fonds, une réalité qui se manifeste concrètement dans les écoles : coupures d’électricité, manque d’entretien des salles de classe, des toilettes et même diminution des dépenses liées à la sécurité des écoles.

La gravité de la situation est telle que, dans les conditions actuelles, de nombreuses universités ne pourront pas poursuivre leurs activités plus de deux mois.2

Grève nationale des 57 universités publiques

Face à cette asphyxie financière, les enseignant.es universitaires ont opté pour une grève nationale, entraînant jeudi dernier la fermeture temporaire des 57 universités publiques à travers le pays. Cette mesure drastique témoigne de l’ampleur du désarroi face aux politiques « tronçonneuses » du gouvernement de Milei, qui, en seulement trois mois, ont entraîné une diminution de 50% du pouvoir d’achat des salaires face à l’inflation, marquant la plus importante réduction salariale de ces quarante dernières années de démocratie.((El paro universitario docente y el cierre de las 57 universidades públicas, CNN, consulté le 20 mars 2024,))

Faculté de droit de l’université de Buenos Aires, plus grande institution universitaire publique au pays

Le droit à l’éducation bafoué

Il semble clair que les mesures prises par Milei visent à affaiblir le secteur public de l’éducation au profit du secteur privé, une approche déjà controversée en elle-même. Ce qui aggrave la situation, c’est que dans de nombreuses régions, il n’existe même pas d’alternatives au privé, laissant les étudiant.es sans options pour leur éducation universitaire.

La province de Jujuy, à l’extrême-nord du pays, illustre bien cet enjeu d’accessibilité à l’éducation : la seule université publique représente l’unique option pour poursuivre un enseignement supérieur, rendant la crise actuelle d’autant plus alarmante pour le droit à l’éducation.

Pourtant, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel l’Argentine est partie, stipule clairement le droit de chaque personne à l’éducation.(( Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 13, consulté le 20 mars 2024. ))

Le gel des budgets en éducation par le gouvernement Milei, en limitant sérieusement l’accès à une éducation publique de qualité, s’éloigne clairement des engagements pris par l’Argentine sur la scène internationale. En effet, le droit international stipule que l’éducation se doit d’être accessible à tous.tes, sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances.((Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale No.13: Le droit à l’éducation (Article 13), Doc Nu E/C.12/1999/10, 27 juillet 2020. ))Or, la situation décrite ci-dessus révèle une crise qui dépasse les frontières de l’éducation pour toucher aux fondements mêmes des droits humains.

La crise universitaire en Argentine est un rappel impérieux de l’importance vitale du droit à l’éducation. Un droit qui, une fois compromis, met en péril l’ensemble du tissu social et économique d’une nation. Face à cette menace, la mobilisation de la communauté universitaire et de la société civile apparaît comme le seul levier capable d’entrainer une résolution durable de cette crise.


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  1. Argentine : les 100 jours au pouvoir de l’ultralibéral Javier Milei, France 24, 20 mars 2024. []
  2. « Motosierra a la universidad púbica argentina – DW – 15/03/2024 », dw.com, consulté le 20 mars 2024, []