Les paradoxes du FSM

Une partie des participant.es à la fin de la réunion du Conseil international du FSM , le 21 février à Katmandou @crédit photo JdA-PA

Clémence Prangere, participante au FSM 2024 avec le collectif québécois

Composé surtout d’organisateurs.trices impliqué.es dans les forums depuis plusieurs années et de quelques primo-participant.es, l’atelier sur le futur du Forum social mondial — FSM (Future of WSF) a bien mis en valeur les enjeux stratégiques liés aux FSM. Le débat a surgi au cours des interventions : si plusieurs trouvent nécessaire de faire une déclaration commune, d’autres affirment que ce serait contraire aux principes de ce forum, établis dans sa Charte du FSM.

Illustration de l’atelier sur le futur du FSM à Katmandou lors du FSM 2024

Le FSM est une plateforme internationale de dialogue et d’échange qui a émergé en opposition au Forum économique mondial de Davos, le rendez-vous de la mondialisation néolibérale. Le FSM offre un espace où les mouvements sociaux, les organisations de la société civile, les ONG, les syndicats et les individus peuvent se réunir pour discuter des défis mondiaux, notamment la discrimination, les atteintes à la dignité humaine et d’autres enjeux sociaux. Son Conseil international est composé d’environ 150 organisations et joue un rôle central dans la coordination du forum. Toutefois, il convient de noter que le FSM fonctionne sans une structure organisationnelle formelle, ce qui peut parfois entraîner des défis en termes de prise de décision et de coordination.

Le principal objectif du FSM est de promouvoir le dialogue, les échanges d’idées et la création de coalitions pour trouver des solutions aux problèmes mondiaux. Contrairement à de nombreuses conférences internationales, le FSM ne cherche pas à produire des résolutions ou des déclarations officielles, mais plutôt à faciliter la participation de diverses voix et perspectives.

Le fonctionnement du FSM repose sur le principe de facilitation, où les participant.es sont encouragé.es à s’engager dans des discussions ouvertes et inclusives. Cette approche favorise l’émergence d’idées novatrices et la construction de consensus sur les actions à entreprendre. De plus, le FSM met l’accent sur la coordination des actions locales pour une efficacité accrue à l’échelle mondiale.

Cependant, cette dimension très horizontale est incessamment mise à l’épreuve par plusieurs, avec pour argument le besoin d’efficacité de l’action. Au fil des discussions entre les protagonistes de la première heure du Forum, on a pu comprendre que faire face à la demande de coordination et d’efficacité tout en restant fidèle aux principes du FSM énoncés dans la Charte était l’enjeu crucial inhérent aux réflexions sur le futur de cette organisation.

Lors de la réunion du Conseil international du FSM le 21 février à Katmandou @crédit photo JdA-PA

La Charte du FSM établit les principes fondamentaux du forum, notamment l’ouverture au dialogue, la permanence du processus et la non-représentation par une entité spécifique. Alors que l’idée d’une déclaration commune est proposée, d’autres répondent que c’est l’impossibilité de parler au nom du forum qui fait que ce mouvement est si particulier. Ainsi, il peut accueillir une grande diversité de mouvements sociaux pour cette raison précise. Les panélistes ont mis en avant le fait qu’il existe un écart entre les idéaux et la réalité de certains FSM ponctuels, où des problèmes tels que l’absence de continuité entre les événements et le manque de ressources peuvent se poser.

De plus, le FSM fait face à plusieurs paradoxes et défis. Par exemple, il existe des tensions entre les mouvements du Nord et du Sud mondial, ce qui soulève des questions sur la manière de construire la complémentarité entre ces différents acteurs-trices. Le FSM doit relever le défi de maintenir son caractère inclusif et démocratique tout en assurant une coordination efficace des actions.

La participation d’authentiques mouvements populaires est essentielle pour garantir la qualité et la légitimité des interventions au FSM. Cependant, certains mouvements peuvent être sous-représentés au Conseil international, ce qui soulève des questions sur l’équité et l’inclusivité du processus.

En termes de perspectives d’avenir, certaines propositions suggèrent de rendre le FSM plus axé sur l’action en renforçant la convergence avec les mouvements sociaux et en désignant un secrétaire pour assurer une coordination efficace. Cependant, il est également important de maintenir l’essence même du FSM en tant qu’espace ouvert et inclusif pour le dialogue et la collaboration.

Aussi, le constat d’une lacune de communication est très prégnant. Cet enjeu pose la question du choix de la ligne empruntée. La récupération politique du forum est évidemment à éviter, mais en même temps une communication intelligente pourrait contribuer à un regain d’attractivité pour le FSM. Aussi, on peut retenir de cette réunion un manque de continuité entre chaque FSM, ce qui empêcherait la mise à l’action. Pour nuancer cela, il est important de noter que l’efficacité du FSM réside dans sa capacité à connecter les militant.es, phase nécessaire pour produire l’action.

Le FSM représente une initiative importante pour promouvoir le dialogue et la collaboration entre les mouvements sociaux à l’échelle mondiale. Bien qu’il soit confronté à plusieurs défis et paradoxes, le FSM continue de jouer un rôle crucial dans la mobilisation des acteurs-trices du changement et dans la promotion d’une vision alternative à la mondialisation néolibérale. Pour renforcer son impact, il est nécessaire de trouver des moyens innovants de surmonter ces défis tout en préservant son caractère inclusif et démocratique.